Go West ! (29)

(…)« Putain, dis-donc, c’est beau ! »
J’ai reconnu la voix de JP. Lui qui ne sort jamais plus d’une grossièreté par mois n’a pas pu retenir son exclamation. Il ne s’est adressé à personne en particulier, il n’a fait que murmurer, mais tous nous l’avons entendu.  Personne ne lui intime de se taire. Il a dit ce que nous pensions. Il n’y a plus rien à ajouter.

Près de l’endroit où nous avions garé la voiture, il y avait un vieux panneau publicitaire métallique, tout percé d’impacts de balles, qui promettait un vol most spectacular au coeur du Canyon. Le panneau disait : 20 dollars pour un groupe de huit personnes. Comme nous étions six et que les touristes étaient rares, nous montâmes pour 18 dollars dans un monomoteur, sans doute plus vieux encore que le panneau publicitaire mais dont la peinture jaune délavé ne portait pas de trace de balles. Quand le pilote nous rejoignit à bord, il s’installa à la place de gauche, démarra l’avion, commença à rouler sur la piste en terre et, se retournant vers nous avec un grand sourire dit « Accrochez-vous, les gars. Ça pourrait secouer pas mal. » Comme il n’y avait pas de ceinture de sécurité, chacun Continuer la lecture de Go West ! (29)

La Deux-Chevaux

Chronique des années cinquante

 8 – La Deux-Chevaux (rediffusion)

Tout le monde vous le dira : c’était une voiture extraordinaire.

Le toit de notre première Deux-Chevaux était fait d’une toile grise qui commençait sur le haut du pare-brise et s’achevait à la hauteur du pare-chocs arrière. On l’enroulait sur elle-même jusqu’à la vitre arrière pour décapoter la voiture. On la relevait depuis le pare-chocs arrière jusqu’à la custode pour accéder au coffre.

Elle avait quatre portes si souple qu’on aurait pu se les claquer sur les doigts sans se faire de mal. 2cvLa partie supérieure des vitres des portières avant était fixe tandis que la partie inférieure pouvait se relever. Ça permettait de passer négligemment le bras Continuer la lecture de La Deux-Chevaux

Itinéraire d’un enfant gâté

 

Itinéraire d’un enfant gâté
Claude Lelouch, 1988
par Lorenzo dell’Acqua

Itinéraire d’un enfant gâté est un film de Claude Lelouch qui va à l’encontre de mes théories sur la vanité des fictions. Celui-là en est une particulièrement invraisemblable. L’histoire ne tient pas debout. Et pourtant, ce film me tire des larmes chaque fois que je le revois. L’émotion naît chez moi non pas de l’horreur qui ne me fait pas pleurer mais changer de chaîne, elle naît au contraire de la noblesse d’âme et de sentiments. Et dans ce film, on est servis ! L’histoire n’est pas crédible mais les sentiments des personnages sont vrais et bouleversants. C’est de l’amour, non pas à la Lelouch, mais à la louche. Depuis la première vision,  je trouve que c’est une ode à la paternité dont je ne connais pas d’autre exemple dans le cinéma. C’est aussi un film rempli de bienveillance même s’il y a, comme dans la vraie vie, des méchants très méchants. La scène Continuer la lecture de Itinéraire d’un enfant gâté

Les disparus de la rue de Rennes (septième extrait)

Résumé des chapitres précédents

Une quarantaine de numéros de la rue de Rennes manquent toujours à l’appel, et l’on ne sait toujours pas pourquoi. Mais que fait la police ? La Mairie, elle, a choisi habilement de ne rien faire, pensant ainsi que l’affaire mourrait de sa belle mort. C’était sans compter sur Cottard, Ceconde de son prénom, qui a tout balancé à l’OBS qui, par habileté politique, a refilé le tuyau à Marianne, le magazine, pas la République.

7- La stagiaire

Où l’on appréciera les avantages et les inconvénients du stagiaire dans la presse de gauche.

Quand Renaud eut parcouru le rapport Ratinet, il jugea que dans cette affaire, il n’y avait que des coups à prendre. De plus, il la trouva un peu trop technique pour lui et, de toute façon, il était déjà assez occupé comme ça avec son article sur la collection de chaussures de luxe du député de la troisième circonscription de Savoie Atlantique. Il décida donc de confier le débroussaillage des disparitions de la rue de Rennes à la jeune Éméchant, une stagiaire qu’on venait de lui flanquer dans les pattes.
D’une manière générale dans la presse, les stagiaires, c’est la plaie. Il faut tout le temps Continuer la lecture de Les disparus de la rue de Rennes (septième extrait)

Go West ! (28)

(…) Toujours est-il qu’une fois quitté Flagstaff, quelques-uns d’entre nous se mirent où se remirent au shop-lifting. Dans le pillage des indigènes, si je prenais toute ma part, je n’étais pas le plus adroit. Je me souviens très bien d’une humiliation subie dans une station-service où, la Hudson bloquée en sortie de piste par la voiture du garagiste, j’avais dû payer de ma poche un bidon de super-lubrifiant dont nous n’avions même pas besoin. Ridicule !

Peut-être êtes-vous surpris que, depuis que vous et moi sommes arrivés à Flagstaff, je ne vous parle, en dehors de moi-même, que de JP et d’Hervé et que je ne mentionne jamais la présence des trois autres qu’en tant que membres indistincts de notre petit groupe. Pour vous, ces trois-là n’ont pas de nom, pas de prénom, aucun trait de caractère, pas de visage, pas d’habitude ni de façon de parler, rien ; ils ne sont que de silhouettes qui partagent le garage de Bill, les filles et les pique-niques, l’Hudson Hornet et son essence, rien de plus. Et pourquoi cela, vous demandez-vous ? Eh bien, parce qu’ils Continuer la lecture de Go West ! (28)

Ambiguïté et confusion 

Ukraine – 737ème jour

On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, avait dit avec beaucoup de finesse François-Machiavel Mitterrand, reprenant à son compte une sentence du Cardinal de Retz. Et tous les admirateurs du trop subtil florentin en sont encore à admirer cet aveu transformé habilement en sagesse de gouvernement. 

Il y a deux ans, nombreux sont ceux en Europe qui avaient reproché à Joe Biden son manque d’ambiguïté quand, en commentaire de l’invasion russe en l’Ukraine, il avait déclaré que jamais il n’enverrait de soldats US en Ukraine. Au moins, comme ça, Poutine était fixé. 

Comme un seul homme et d’un seul coup d’un seul, les trois quart des Français et les trois quarts des pays européens reprochent aujourd’hui à E.M. sa déclaration sur l’engagement de troupes européennes au sol et déclarent qu’en ce qui les concerne, il n’en est pas question. Le discours est repris aussitôt en cela par les USA et l’OTAN. Poutine se trouve donc ainsi encore confirmé Continuer la lecture de Ambiguïté et confusion 

Bricoles sans suite et non démoralisantes

On m’a dit que récemment, mes textes étaient plutôt démoralisants.
Démoralisants ? Parce que, le moral, vous l’aviez, vous ?
Ah bon ?
Alors voici quelques bricoles non démoralisantes.

Deux films en deux jours

En deux jours, je viens de revoir deux films, un vieux et un récent, deux comédies pleines de charme, réalisées à 70 ans de distance, par deux des plus grands réalisateurs américains, sur des scénarios écrits par deux artistes juifs ostracisés l’un par McCarthy et l’autre par #Metoo, avec deux comédiennes adorables et deux jeunes premiers de leur temps, tournés en décors naturels dans les deux villes qui, en dehors de Paris, sont mes préférées, Rome et New York.

Vous avez deviné sans doute : ces deux films sont Vacances Romaines et Un jour de pluie à New York, l’un réalisé par William Wyler sur un scénario de Dalton Trumbo, l’autre par Woody Allen sur son propre scénario, l’un avec Audrey Hepburn et Gregory Peck, l’autre avec Elle Fanning et Timothée Chalamet, l’un à Rome dans le Centro Storico, l’autre à Manhattan dans le Village et Upper East Side. Les deux films sont des Continuer la lecture de Bricoles sans suite et non démoralisantes

Dans le monde de l’édition (27)

C’est un bien triste tableau que celui des nombres de commandes :

26/02/2024
VENTES Avis Ventes
TOTAL 2023 janv-24 févr-24
BLIND DINNER 11 48 46 2
LA MITRO 6 22 21 1
HISTOIRE DE DASHIELL STILLER 7 27 26 1
BONJOUR, PHILIPPINES ! 2 16 15 1
HISTOIRE DE NOEL 2 20 14 6
LES DISPARUS DE LA RUE DE RENNES 1 5 5
29 138 122 11 5

Chaque matin, je me demande pourquoi la vente de mes livres plafonne de cette manière ?
On peut toujours se dire que 48 exemplaires de Blind dinner, ce n’est pas mal, non ? Si cela représente le nombre de mes amis, c’est même beaucoup.
Mais alors pourquoi, à chaque parution d’un nouvel ouvrage, les nombres des ventes décroissent-ils ainsi ?
Perdrais-je des amis en cours de route ?
Ou bien Continuer la lecture de Dans le monde de l’édition (27)

Il a eu raison le Premier 

Ukraine – 734ème jour

Il est grand temps en effet de rappeler les accointances du Rassemblement National avec la Russie en général et avec celle de Poutine en particulier. Le RN, quoiqu’il en dise lui-même et quoique Luc Ferry en ait encore dit avant hier sur LCI, est un parti d’extrême droite, et s’il n’est plus négationniste, ce n’est sans doute que par indifférence ou opportunité. Mais par atavisme, par goût, il reste pro-russe, pro-dictature, pro-Poutine. 

Il a eu raison, le Premier, de dire en pleine Assemblée Nationale que « Si vous aviez été élue, Madame Le Pen, on ne serait pas en train de fournir des armes aux Ukrainiens pour se défendre, mais on serait en train de fournir des armes à la Russie pour écraser les Ukrainiens » même si l’accusation parait forte de café. 

Il est grand temps effectivement de le mettre au pied du mur, ce parti, en l’accusant franchement et directement de collaboration avec le Kremlin dans l’affaire ukrainienne. Il a raison, le Premier Ministre, les périphrases ne peuvent plus être de rigueur ni les fleurets mouchetés. Le RN est pro-Russe, c’est évident, tout le monde le sait parfaitement, et surtout ses sympathisants. Et quand on me parle de Pro-Russe, qu’on ne me parle Continuer la lecture de Il a eu raison le Premier 

Go West ! (27)

(…) Si ce que le père de Meg avait obtenu pour nous nous emplissait d’aise, je pense aujourd’hui qu’il ne devait pas être moins satisfait de voir la petite bande de sneaky frenchmen quitter la bonne ville de Flagstaff. Je me demande même si, pour être certain de nous voir partir, il ne serait pas allé jusqu’à nous l’offrir, cette voiture, quitte à ouvrir une souscription auprès des autres parents de Flagstaff.
Les papiers furent signés le lendemain matin. Nous décidâmes de partir pour le Grand Canyon le soir même.
Mais avant de prendre la route, il faut que je dise comment j’étais devenu propriétaire d’un revolver.

C’est sans doute la chasse, qu’avec ou sans fusil j’avais pratiquée depuis mon enfance, puis ma passion pour les westerns qui avaient développé chez moi un goût certain pour les armes. Je savais qu’en Arizona la vente en était libre et je m’étais promis d’en rapporter une à mon retour en France. Lors d’une visite en curieux chez un armurier de Flagstaff, j’avais repéré un revolver d’occasion. « C’était un Colt Police Positive Special de calibre 38, autrement dit un P .38, m’avait expliqué l’armurier, revolver à double action, un modèle créé spécialement pour la police et fabriqué jusque dans les années 40 ». Le précédent propriétaire en avait scié le canon si bien qu’il n’en restait plus que trois ou quatre centimètres et que la lettre C de « Colt » avait disparu. L’arme, lourde et compacte, était d’un noir luisant avec, à l’extrémité du canon scié, quelques reflets cuivrés. Elle faisait sérieux, je fus séduit. Nous conclûmes la vente pour vingt-deux dollars avec en prime Continuer la lecture de Go West ! (27)