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HISTOIRE DE DASHIELL STILLER (Extrait)

(…)
Bon, après ça, on a vécu des moments difficiles, Sammy et moi. J’avais plus de travail, plus de chambre, plus rien. Il a bien voulu que j’emménage avec lui dans sa chambre rue d’Odessa. La chambre était pas terrible, mais moi j’étais heureuse, vous pensez, toute la journée avec Sammy, à m’occuper de lui et tout ça. Mais au bout d’une semaine, il m’a dit que c’était pas tout ça, que c’était bien beau l’amour et l’eau fraiche, mais que ça manquait de beurre dans les épinards et qu’il allait falloir voir à me mettre au boulot. Quand j’ai compris que le boulot, c’était le ruban…

Le ruban ? Ben, c’est le trottoir, le turf, la racole… faire la pute, quoi ! Quand j’ai compris que c’était ça, j’ai refusé tout net. Alors il m’a flanqué une de ces roustes. J’étais une ingrate — une ingrate, c’est une moins que rien, une qu’a pas la reconnaissance du ventre, qu’il m’a dit — et qu’avec tous les sacrifices qu’il avait fait pour moi, il pensait que je pourrais bien faire ça pour lui, une fois de temps en temps. Quand j’ai dit « Jamais ! », il m’a flanqué une deuxième rouste et il m’a fichue dehors. Il ne voulait plus jamais me voir, même si je revenais en rampant. Ben, c’était pas vrai parce que, quand je suis revenue trois jours plus tard, Continuer la lecture de HISTOIRE DE DASHIELL STILLER (Extrait)

Go West ! (38)

Et puis partir au hasard de la bonne volonté des automobilistes, ça m’évitait temporairement d’avoir à choisir entre Seattle et Washington. Je verrais bien dans quelle direction le hasard m’entrainerait.
Comme je m’agitais sur mon matelas de carton pour rassembler mes affaires, je sentis quelque chose de dur dans une poche avant de mon jean. C’était le truc que j’avais ramassé sous la Rolls de Peter Lawford et que depuis, j’avais totalement oublié.

A peine plus long mais un peu plus étroit qu’un paquet de cigarettes, très compact, un peu lourd, avec sa petite fenêtre de plexiglass qui couvrait le logement de la cassette et son cordon tressé noir faisant office de gance, il dépassait à peine de ma main fermée. C’était un dictaphone de poche, en acier brossé gris, simple et élégant, le fruit de la technologie et du design allemands. Je le considérai tout d’abord avec hésitation, méfiance même, et puis je décidai d’écouter ce qu’il pouvait bien y avoir d’enregistré sur sa bande magnétique. Son maniement était simple et tout de suite j’ai entendu la voix. Elle disait : Continuer la lecture de Go West ! (38)

Constituez votre bibliothèque à peu de frais

Voici les 7 livres indispensables autour desquels vous pourrez bâtir la véritable bibliothèque de l’homme élégant ou de la femme avertie. 

Blind dinner
Un « Blind dinner », c’est un dîner un peu particulier dans lequel les invités ne se connaissent pas. Dans les beaux quartiers, c’est très à la mode. Renée, la maitresse de maison, trouve cela très chic et parfois follement drôle.  Mais ce soir là, quand on a commencé à parler d’un mystérieux virus venant de Chine, le diner a vite tourné au vinaigre.

LA MITRO et autres drôles d’histoires
C’est un recueil de nouvelles qui porte le titre de la première d’entre elles. Assez inspirée par Marcel Pagnol, il faut la lire avec l’accent. Les autres nouvelles revisitent aussi bien l’assassinat de Jules César que les jeux télévisés, les petits meurtres sans importance, l’effet papillon ou la manière d’accéder auParadis.

 

Histoire de Dashiell Stiller
Paris 1935. Dashiell, jeune touriste Américain, prend une photographie de la terrasse d’un café du Boulevard St-Michel, le Cujas. Treize années plus tard, il est de retour à Paris pour rencontrer les huit personnages qui se trouvaient sur la photo. Il les fait parler sur leur vie, sur la façon dont ils ont vécu cette période troublée de la guerre, l’Occupation, la Résistance, la Collaboration, les Camps, la Libération… Mais pourquoi fait-il cela ? Pour écrire un roman ? Pour retrouver quelqu’un ? Pour expier un crime ? Pour retrouver sa propre histoire, l’histoire de Dashiell Stiller ?

Bonjour, Philippines ! et autres rencontres.
Petit livre sans importance, recueil de récits de rencontres et d’aventures, graves ou anodines, que j’ai vécues un peu partout à travers le monde, à Manille et à Cagayan de Oro, à Téhéran et à Athènes, à Ouagadougou et Bobo-Diouasso, à Douala et à Bamako, au Brésil et en Ukraine, à Sumatra et dans la Vallée de la Mort. La plupart du temps, leur narration est véridique, mais parfois, j’avoue que je me suis laissé aller à les romancer un peu. Après tout, je ne serai pas le premier.

Histoire de Noël et autres contes cruels
Ce petit bouquin n’est pas destiné à être mis entre toutes les mains. En effet, et contrairement à ce que pourrait laisser croire une interprétation trop rapide de son titre, il ne s’agit pas du tout, mais alors pas du tout, d’un recueil de belles histoires de Noël, dégoulinantes de bonté, de morale et de confiture.
Connaissez-vous la légende de la Mort à Samarcande ? Non ? C’est un beau et terrible poème persan du XIIème siècle dans lequel un Vizir qui vient de croiser la Mort dans une rue de Bagdad croit lui échapper en s’enfuyant à Samarcande alors que c’est justement là que, sans le savoir, il a rendez-vous ce soir avec elle. Eh bien, pour la plupart, les nouvelles qui composent Histoire de Noël s’inspirent de cette fatalité ironique : c’est en croyant fuir son destin que l’homme s’y précipite.

Les disparus de la rue de Rennes
C’est la panique à la Mairie de Paris : alors qu’il procédait à un contrôle de routine, Roger Ratinet, agent municipal affecté à la vérification de la conformité des plaques de rue à la parité homme/femme a découvert que toute une section de la rue de Rennes avait disparu. Eh oui ! Disparu ! Comme ça, en plein Paris, sans qu’on puisse savoir ni quand, ni pourquoi, ni comment. Trois cents mètres de rue, une quarantaine d’immeubles ! Rien que ça ! Introuvables ! Ça fait désordre, non ? Bien sûr, il a fallu en informer Madame Hidalgo. « Comment ! Comment ! a explosé la Maire en furie. Plus de trois cents mètres de rue disparaissent en plein milieu de Saint Germain des Prés et personne n’est fichu de me dire où ils sont passés ! »
L’affaire est encore secrète, mais le scandale couve et, bientôt, la presse s’en mêle, et aussi Cottard, le chef de bureau jaloux de Roger Ratinet, et puis Yvonne, l’épouse de Roger Ratinet. Comme d’habitude, le Dir.Cab de la Maire, Hubert Lubherlu est dépassé.
Heureusement, Anne Hidalgo est solide ; en matière de scandale, elle en a vu d’autres. Mais survivra-t-elle à celui-ci ? Rien n’est moins sûr.

Les trois premières fois et autres nouvelles optimistes
Un soir dans un port, trois hommes attendent le départ de leur bateau. Pour passer le temps, ils racontent chacun une « première fois ». Un autre jour, un autre homme explique comment il faut se tenir dans la rue quand on porte un bouquet de fleurs. Un autre soir, un incident à la frontière syrienne va-t-il transformer en drame un beau week-end de tourisme. En fin d’après-midi, un homme écrit à côté de son chien qui dort. Un beau matin, un groupe d’enfants qui se rend au jardin du Luxembourg passe devant la terrasse d’un café ; des clients attablés les regardent passer ; leurs points de vue diffèrent. La peur de l’avion, ça se soigne.
Quatorze nouvelles, drôles ou émouvantes, quatorze textes ironiques ou sensibles, quatorze façons, réalistes ou poétiques, d’être optimiste.

Ces ouvrages sont disponibles sur Amazon.fr en livre broché ou sous format Kindle. Pour les obtenir, il vous suffit de cliquer sur la photo de la couverture correspondante et de suivre la procédure habituelle. 

Go West ! (37)

(…) Et moi, j’ai fini de jouer mon rôle, je suis fatigué et je voudrais bien que tout ça s’arrête, parce que moi, je n’ai ni secrétaire ni voiture et il va falloir que je m’arrête pour souffler un peu, il va falloir que je dorme. Seulement pour le moment, je ne pense qu’à m’éloigner de l’officier de police Jack Clemmons, de sa voiture et de cette foutue maison.
Tout au long des années qui ont suivi ces événements, j’ai souvent repensé à cette nuit du 4 août 1962, forçant ma mémoire à revenir sur chaque détail. Depuis, j’ai lu, je crois, presque tous les livres et articles de presse qui y ont été consacrés et aujourd’hui, je me rends compte que je suis sans doute l’une des rares personnes vivantes à connaître la vérité. 

Voici donc ce qui est arrivé après que j’aie traversé la dernière propriété privée et me sois retrouvé à trainer mon sac sur Bondy Drive.

Au bout d’un temps infini, j’ai fini par passer devant un chantier où l’on construisait une de ces grandes villas faites entièrement de bois. Il était ouvert sur la rue et j’y entrai sans difficulté. Il devait être un peu avant minuit et le lendemain était un dimanche. Au moins, je ne risquais pas d’être surpris à l’aube par une équipe d’ouvriers. Pourtant, si la police se mettait à fouiller le quartier, elle ne manquerait pas de s’intéresser à ce chantier. Mais je n’y croyais pas vraiment. Pourquoi se lancerait-elle à la poursuite d’un type disparu dans la nature et dont le seul crime était, croyait-elle, d’avoir voulu acheter un policier pour 100 $ ? A Los Angeles, ça ne devait pas être si rare Continuer la lecture de Go West ! (37)

Mieux partager l’espace public, qu’elle disait…

Non, cette photo de la rue de Rivoli n’est pas truquée ! Elle n’a pas été créée avec une Intelligence Artificielle ni même naturelle, puisque c’est moi qui l’ai faite. Elle a été prise le mercredi 3 avril à 15h41 à la hauteur du carrefour de la rue de Castiglione.

Sur la gauche, on y voit une file interrompue, mais arrêtée, d’automobiles en infraction et de taxis assoupis. A droite, Continuer la lecture de Mieux partager l’espace public, qu’elle disait…

Go West ! (36)

(…) A droite, très reconnaissable, une Rolls-Royce, gris clair, énorme, décapotée. Sa plaque de Californie, noir sur fond blanc est bien visible : L-A-W-F-R-D. Aux USA, il est courant que les gens choisissent l’immatriculation de leur voiture en fonction de leur nom, de leur métier ou de leur hobby. Alors je cherche… LAWFRD, LAWFRD… ça doit vouloir dire quelque chose… ça veut surement dire quelque chose…et d’un coup, ça y est, j’ai compris : LAWFRD c’est pour LAWFORD et la Rolls, c’est la voiture du type en bermuda, et ce type, c’est Peter Lawford, le copain de Sinatra, le beau-frère de Kennedy… Incroyable ! Je viens de voir Peter Lawford !

Après tout, je suis à Los Angeles, tout près d’Hollywood et de Beverley Hills. Rencontrer un acteur de cinéma n’a rien d’exceptionnel. Mais quand même, qu’est-ce qu’il peut bien se passer dans cette maison ? J’ai entendu le mot suicide. Un suicide, ce n’est pas rien. On a dû appeler Clemmons pour faire les premières constatations, mais qu’est-ce que vient faire Lawford là-dedans ?  Et combien de temps Clemmons va-t-il me laisser seul dans sa voiture ? J’ai mon sac à côté de moi avec, dedans, mon foutu P .38. La voiture n’est pas fermée à clé. C’est peut-être le moment de ficher le camp. Je ne crois pas que le flic ait noté mon identité sur son carnet. Si je fichais le camp maintenant, il se souviendrait sûrement de ma nationalité, mais peut-être pas de mon nom. Le problème, c’est qu’il ne m’a pas rendu mon portefeuille. Je crois qu’il l’a posé Continuer la lecture de Go West ! (36)

LES DISPARUS DE LA RUE DE RENNES (Extrait)

Madame Hidalgo est en colère parce que cette affaire des Disparus de la rue de Rennes ne tourne pas du tout comme elle le voudrait. Alors, elle se retire dans ses appartements pour visionner son film favori : « L’Impératrice rouge ». Elle dit que ça la calme. 

(…)
À la fin du film, sa colère était calmée et elle pouvait réfléchir plus sereinement. Bientôt, lui revint en mémoire une phrase de cet ancien député de Corrèze, ministre récidiviste et éphémère de la IVèmeRépublique, Henri Queuille. Ce politicien expérimenté et cependant homme d’esprit avait un jour déclaré : « Peu de problèmes résistent longtemps à l’absence de solution. » Elle était là, la solution, la vraie, la troisième voie politique quand étouffer l’affaire et faire porter le chapeau à quelqu’un d’autre ne sont pas réalisables. Comment n’y avait-elle pas pensé plus tôt ! Ne rien faire ! Il suffisait de ne rien faire, de laisser les choses en l’état, de faire comme si de rien n’était, de ne pas constituer de commission ni de sous-commission et de ne plus jamais parler de cette disparition.
Sa décision était prise. Après s’être félicitée de la vivacité de son sens politique, elle appela son Directeur de Cabinet à son domicile.

— Mawouais…

— Allo, Hubert ? demanda-t-elle presque aimablement, car il n’était pas loin de deux heures du matin.

— Mawouais…

— C’est moi.

— Qui ça, mouha ?

— Vous avez bu, Hubert ? Continuer la lecture de LES DISPARUS DE LA RUE DE RENNES (Extrait)

WETBACKS (Extrait)

Je suis à Lynwood, dans South Central, pas loin du croisement d’Atlantic et d’Olanda, je recouvre de papier Alu les plateaux de haricots qui n’ont pas été mangés à l’anniversaire d’un petit gamin, lorsqu’on m’annonce qu’il faut que je rentre à la maison plus tôt que prévu, et probable que je ne reviendrai pas demain[1].

C’est Rubio lui-même qui vient de me dire ça, et il a l’air sacrément ennuyé. Pourtant, je peux pas m’en aller maintenant. Tous les autres sont déjà partis et y a encore plein de trucs à ranger avant de fermer. C’est peut-être pour ça qu’il a l’air embêté, Rubio.

Qu’est-ce qui se passe ? Il y a eu un accident ? Y a les flics chez moi ? Non, non, il sait pas, Rubio, il a juste reçu un coup de fil de son cousin. Il faut que je rentre tout de suite, et c’est pas sûr que je puisse revenir demain. Il n’en sait pas plus. Il est désolé.

« Bon sang, Rubio… ?

— M’emmerde pas, Rafael, c’est pas le moment, tu ferais mieux de partir maintenant ! Allez, fous-moi le camp ! Ce soir, c’est moi Continuer la lecture de WETBACKS (Extrait)

Go West ! (35)

(…) Et voilà ! Pour la deuxième fois en trois semaines, je suis enfermé à l’arrière d’une voiture de police ! Je ne suis pas menotté, c’est un progrès, mais cette fois-ci, je sais pourquoi je suis là et ça n’a rien pour me rassurer.
Tandis que le policier fait marche arrière pour se dégager, ses phares balaient mes cinq camarades. Éblouis, ils ne peuvent surement pas me voir mais moi, je vois bien leur air inquiet, désemparé. Derrière eux, j’aperçois l’arrière de l’Hudson Hornet et, au-delà, un petit morceau de plage et d’Océan Pacifique. Je ne le sais pas encore mais je ne reverrai plus notre belle voiture à 50 dollars.

Le flic s’appelle Jack Clemmons ; il est sergent ; c’est ce que dit son badge.  Ce crétin croit que j’ai voulu l’acheter avec un billet de 100 dollars glissé dans mes papiers ! Mais c’est complètement fou, ce truc ! Mon billet, il n’était pas glissé dans le permis ! Il était gentiment plié en deux dans un des compartiments de ce foutu portefeuille ! Et il a bien vu que je lui avais donné le portefeuille parce que je n’arrivais pas à le sortir, ce foutu permis rose à trois volets à la con que le monde nous envie, coincé qu’il était dans son foutu triptyque en plastique. Il a bien dû s’en rendre compte, cet abruti, que je lui avais donné pour qu’il puisse le lire sans le sortir du plastique !  Mais non ! Si ça se trouve, il voulait me voler, ce flic ! Il a fouillé mon portefeuille pour le trouver, le billet ! Ou alors, il avait envie de s’amuser, et il a fait semblant de prendre ça pour une tentative de corruption. « Vous avez voulu acheter un officier de police ! » Acheter un officier de police ! Tu parles ! Il s’ennuyait, l’officier de police, c’est tout ! Faut dire qu’à dix heures du soir, contrôler une grosse voiture marron sale immatriculée en Arizona rôdant à quinze miles à l’heure dans Santa Monica avec six types à bord, une vielle Hudson qui hésitait, faisait demi-tour sur Ocean Boulevard, hésitait encore pour Continuer la lecture de Go West ! (35)

La Chrysler

Dans le cadre de mon retour sur moi-même, je veux dire sur le moi des années passées, voici encore une rediffusion de cet article déjà nostalgique quand je l’ai publié une première fois en 2017.

Chronique des années 90

10-La Chrysler

En fait, on ne l’appelait pas comme ça, mais ça sonne tellement bien « la Chrysler ». Ça fait tout de suite voiture de luxe, puissante, bicolore et sur-dessinée, glissant silencieusement dans les rues de Beverley Hills. Cette image doit me rester de cette chanson parodique de Fernand Raynaud qui commençait comme ça :
T’es un peu belle, mignonne,
T’es balancée comme une Chrysler…

Dans les années 90, l’automobile américaine était en crise. On n’était même pas certain que cette marque puisse passer le prochain hiver. Mais Chrysler commençait à commercialiser en France un mini van sur lequel elle fondait beaucoup d’espoir, le Voyager. Son nez très court qui lui donnait une gueule de petit camion, sa silhouette carrée qui rappelait de loin la Citroën Kubik de mon enfance dont j’ai déjà parlé ici, ses barres de toit qui lui donnaient un air randonneur… Tout cela me plaisait bien. D’ailleurs, il faudrait bientôt remplacer la Volvo qui avait fait son temps et qui de toute façon devenait trop petite : les enfants tenaient de plus en plus de place à l’arrière, sans parler d’Ena, notre labrador jaune de trente-trois kilos.

Avoir à conduire cette encombrante voiture Continuer la lecture de La Chrysler