(…) Mais aujourd’hui, dans cette immense voiture qui glisse dans la nuit, avec cette fille au volant qui pose sa main sur mon genou, dans cette situation quasi hollywoodienne, je ne sais pas comment réagir.
Étrange pays tout neuf où les hôtesses de l’air vous consomment comme un soda rafraîchissant pour disparaitre définitivement quelques heures plus tard, où les filles en décapotable vous ramassent sur la route pour vous faire des avances sans équivoque, étrange pays tout neuf où les filles se conduisent comme des garçons.
Étrange, grand et beau pays… différent.
Je pense à la jolie petite Patricia… tout aussi américaine que la fille qui est assise à côté de moi et que Carol, l’hôtesse de l’air… pourtant elle ne m’a pas jeté après usage, elle ; elle est partie, c’est vrai, mais c’était pour rentrer à Bethesda, chez ses parents ; elle ne m’a pas fait d’avances, la jolie petite Patricia. Pour elle, j’ai dû déployer toute ma technique du Non, je ne te drague pas. Elle y a succombé, du moins l’ai-je cru à cette lointaine époque, et moi, je suis tombé amoureux. Et voilà que, pour elle, je suis en train de traverser l’Amérique à côté d’une fille qui me serre le genou.
Je ne me suis jamais trouvé dans une telle situation. Je n’ai pas de musique de Nelson Riddle dans la tête, pas de réplique spirituelle ou passionnée à disposition, pas d’expérience, pas de méthode. Je suis tétanisé, mais puisqu’il faut faire quelque chose, autant que ce soit un peu original. Doucement, gentiment — je suis français, mademoiselle, pas une brute — je prends sa main et la dirige vers le volant où je la repose. Dans le même mouvement, j’abaisse la mienne et la pose sur le haut de sa cuisse, tout près du minishort. Je retiens mon souffle, j’ai le cœur qui bat. Sans quitter la route des yeux, elle hoche lentement la tête et dit seulement :
— O.K., baby. Continuer la lecture de Go West ! (6)