Archives par mot-clé : Rediffusion

Il est mort

temps de lecture : une petite dizaine de minutes

Ce texte a été publié dans l’édition du 19 septembre 2015 du Journal des Coutheillas. Mais le sujet reste d’actualité. 

Ça y est ! Il est mort. Depuis le temps qu’il s’y attendait, depuis le temps qu’il se le disait, ça devait bien finir (mal finir ?) comme ça ! « À force de dire des choses horribles, les choses horribles finissent par arriver ! » disait l’Edward Molyneux de Drôle de Drame. Eh bien, ça a fini par arriver : il est mort. Mais est-ce que c’est une chose horrible ? Trop tôt pour le dire.
Comment c’est arrivé ? Il n’en sait rien, il dormait.
D’abord, est-il vraiment mort ? Et puis, comment sait-il qu’il est mort ?
Eh bien, d’abord, ce matin, il ne ressent ni cet énorme besoin de café ni cette légère douleur à la hanche droite, ni aucune autre de ces minuscules sensations qui, d’habitude, ouvrent la journée. Ensuite, tout est noir, ou plutôt marron foncé avec par-ci, par-là des nuances de jaune, de la couleur de l’intérieur des paupières fermées quand la lumière est allumée. Enfin, il est immobile, incapable d’un geste, mais en même temps sans aucun désir de bouger. Il est mort.
Peut-être n’est-il que fatigué?
Pas au point de ne pouvoir ouvrir les yeux, quand même !
Non, il est mort, c’est sûr.
Il est mort, mais il entend. Oh, pas grand-chose, mais il entend. D’abord un souffle dont Continuer la lecture de Il est mort

L’Écrit et l’Oral

Temps de lecture : 1 minute

Ce texte a déjà été diffusé le 18 aout 2015. Je n’ai rien à y changer ; je préfère toujours l’écrit à l’oral. 

Je préfère l’écrit à l’oral.

Pourquoi ? Parce que la parole s’impose, et que l’écrit se propose. Alors, c’est dans ma nature, je préfère l’écrit à l’oral.

Bien sûr, il y a les conversations idéales, véritables échanges, sans égoïsme ni domination, amicales ou intellectuelles, vives ou tranquilles. Mais, plus souvent, la parole s’impose. Parfois, elle est acceptée de bonne grâce ou tolérée par politesse, parfois elle est subie par découragement ou coupée par impatience, mais Continuer la lecture de L’Écrit et l’Oral

Une vie de dingue !

« Cette autobiographie est inoubliable, m’a-t-on dit.
Tant pis, ai-je répondu. Je la rediffuse quand même ! »

temps de lecture : 6 parsecs et demi

Une vie de dingue !

C’est quand le gnou fugace
commence à barbifier
dans les surtarbrandurs
qu’il faut que l’oxymore subtil
manduque vers son ergastule.
Proverbe Chihuahua

Chapitre premier : les origines 

Si mes souvenirs sont bons, je suis né un 24 décembre vers 23h45 entre un bœuf et un âne gris. Et pourquoi cela, vous demandez-vous ? Eh bien, essentiellement parce que le gynécologue accoucheur de ma mère était parti à l’improviste à la Martinique pour trois semaines. Ma mère ne put se résoudre à attendre son retour et, en l’absence de mon père pour la conduire à l’hôpital, elle me donna le jour dans la ferme familiale. Il faut dire qu’à cette époque, papa était parti acheter des langoustines depuis plus de trois ans, ce qui rendait ma filiation incertaine. Dès que je fus en âge de comprendre cette bizarrerie de calendrier, je posai la question à ma mère et m’éloignai aussitôt. Un peu plus tard, elle me répondit très franchement en m’expliquant qu’il s’agissait là de l’un de ces miracles de l’amour et que je ferais mieux de réviser l’annuaire des marées plutôt que de perdre mon temps à faire de la généalogie. Sur quoi, elle me laissa redescendre du toit de la grange.

Cette question étant résolue, je pus retourner Continuer la lecture de Une vie de dingue !

La pénitence est douce

Charmant poème déjà publié il y a cinq ans. On ne s’en lasse pas, surtout quand il est dit par André Dussolier. 

temps de lecture : 2 minutes
Morceau choisi

Rosette, agenouillée au confessionnal,
Murmure : « Mon bon père, à vous, je m’en accuse :
J’ai trompé mon mari – Ma fille c’est très mal,
Dit le prêtre… Et… combien de fois ? » Rose, confuse,

Se trouble, balbutie, hésite… enfin répond : Continuer la lecture de La pénitence est douce

Première vague

temps de lecture : 18 minutes

Ce texte a été publié une première fois le 30 Aout 2015. C’est une fiction. Ça n’empêche pas que tous les détails soient vrais. 

A cette époque,  mes parents louaient à l’année une maison forestière en Normandie. Adossée à la forêt de Lyons, elle dominait une petite vallée verdoyante traversée par un ru, le Fouille-Broc. Sur la crête de la colline d’en face, deux fois par jour, à travers les trous du bocage, on pouvait voir passer le petit train laitier. Dans la maison, il n’y avait ni eau courante, ni chauffage, juste une cheminée et un peu d’électricité. Nous y passions tous nos week-ends et toutes nos vacances.

C’est la raison pour laquelle, à onze ans, je n’avais encore jamais vu la mer. Pourtant, la lecture des livres de Jules Verne, et surtout les gravures qui les illustraient m’en avaient donné des  visions assez précises : parfois étendue de plomb immense et grise, à peine ondulée sous de gros nuages sombres roulant à l’horizon, parfois montagnes gigantesques d’eau noire couronnées de griffes blanches menaçant un frêle esquif empli de pêcheurs barbus Continuer la lecture de Première vague

Post it n°10 – Écrire

temps de lecture : 1/2 minute

Ecrire, c’est comme photographier.
Une fois que le goût en est pris, on ne voit plus les gens ni les choses de la même façon.
On se met à ressembler à ces touristes qui ne voient le pays dont ils rêvaient qu’à travers l’objectif de leur appareil.
On ne vit plus sa vie, on est sur le qui-vive, à l’affut du sujet et tout devient gibier : une dispute dans la rue, une marée qui descend, une femme qui téléphone, un instant, un mot.

Ecrire, c’est comme photographier; c’est être absent de sa propre vie.

J’ai dix ans

Encore une rediffusion ! Et alors ? Ça vous fera au moins quelque chose d’intéressant à lire à vos petits enfants avant d’éteindre la lumière.
Publié une première fois il y plus de 8 ans dans le numéro 72 du JdC qui en compte aujourd’hui 3316, « J’ai dix ans » est à double titre un texte de jeunesse : jeunesse du 
narrateur et jeunesse de l’auteur qui n’écrivait alors que depuis quelques mois et dont ce fut l’un des premiers textes à dépasser le milliers de mots.

temps de lecture : 18 minutes 

Je sais que c’est pas vrai, mais j’ai dix ans.   (Alain Souchon)

1-Les grandes vacances

J’ai dix ans. Les grandes vacances sont commencées depuis déjà longtemps mais la rentrée, fixée au 2 octobre, est encore à perte de vue. Ça me permet d’effacer facilement la vague angoisse du passage en sixième dont on m’a dressé un tableau terrifiant.

Les premiers jours de Juillet ont été merveilleux. Je suis resté à Paris. Il a fait Continuer la lecture de J’ai dix ans

Reine d’un soir (texte intégral)

Pour ceux qui n’aiment que les gros morceaux, voici la rediffusion en intégral d’un texte paru en 5 épisodes et en mars dernier :
Reine d’un soir.
(30 minutes de lecture)

 

1

— Salut Benjamim ! Je peux vous appeler Ben ? C’est Max qui vous envoie ? Comment y va ce vieux Max depuis le temps ? Il se plait bien à Rio ? Tu parles, ça m’étonne pas ! Bon, parait que vous faites de la télé vous aussi. Et où ça donc ? Televisão Cidade Recife ? C’est une chaîne de télé, ça ? Connais pas ! Bon, ça fait rien. Écoutez, là, je suis plutôt occupé, alors si vous voulez bien… Dis, je peux te dire tu ? Ouais ? T’es sûr ? Bon, j’aime mieux… bon, alors, si tu veux bien, je vais te raconter tout ça pendant le maquillage. Ça te gêne pas, Coco ? T’es sûr ? Bon !

Comme tu sais, je m’appelle Franck Dorsett. Enfin, c’est sous ce nom qu’on me connait en France. Mon vrai nom, Continuer la lecture de Reine d’un soir (texte intégral)

La petite madeleine

temps de lecture : huit minutes. Mais non, ce n’est pas long, huit minutes ! Et puis, on ne s’en lasse pas. 
Morceau choisi

La petite madeleine

C’est très curieux la madeleine de Proust : tout le monde en a entendu parler, presque tout le monde a une idée de ce qu’elle représente, mais bien peu de monde a véritablement lu ce passage emblématique de la Recherche du temps perdu.

Vous me direz que c’est pareil pour le reste du roman : monumental chef d’œuvre reconnu dans le monde entier, respecté, vénéré, cité, étudié, analysé, interprété, disséqué… mais aussi chef d’œuvre craint, tenu à distance, entamé, rarement achevé, oublié…

Quand vous leur posez la question, comme pour la plupart des classiques, la plupart des gens ne lisent pas la Recherche, ils la relisent. Ne vous y trompez pas : c’est souvent un mensonge. Au mieux, c’est un projet, une vague Continuer la lecture de La petite madeleine

Désintoxication

Rediffusion            Temps de lecture : 10 minutes

Lundi 

— …

— Ah ! Bonjour, jeune homme !

—… ?

— Ah, oui ! Ça va beaucoup mieux, merci. Aujourd’hui, j’ai pu lire une demi-heure… au moins. Ça n’a pas été facile et ça m’a fichu une belle migraine ophtalmique, mais c’est une vraie victoire. Quand je pense que la semaine dernière, je n’arrivais même pas à lire la carte postale que m’avait envoyée mon beau frère de Montalivet-les-bains ! Non, c’est vrai, ça va mieux.

—… ?

—Pour la suite ? Aïe ! Je vous en prie, n’utilisez pas ce mot. Quand vous le prononcez devant moi, c’est comme si vous allumiez une cigarette devant un grand fumeur repenti. On ne parle pas Continuer la lecture de Désintoxication