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Averses à La Flotte

Mercredi 3 avril : Pluie ininterrompue à La Flotte
par Lorenzo dell’Acqua

         Quand on ne joue ni aux cartes ni au scrabble, le mauvais temps à la mer oblige à se rabattre sur des activités solitaires. Cette semaine, j’ai lu un roman de Jean d’Ormesson dont le sous-titre aurait pu être : l’Eloge de la Futilité. Contrairement à ce qu’il dit avec une fausse modestie dont il est coutumier, ce livre ou plutôt cette autobiographie, Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, est de loin son meilleur roman. Et il faut bien reconnaître que la réalité y dépasse la fiction. Cette constatation me perturbe un peu car il m’est devenu de plus en plus difficile de lire des ouvrages de fiction. Il me semble logique d’aimer les fictions quand on est jeune et que la vie s’offre à nous avec toutes ses possibilités. On y découvre alors les voies que l’on aimerait emprunter ou au contraire celles qui nous rebutent. Mais quand la vie est derrière nous, se plonger dans la fiction ne m’intéresse plus et me semble même absurde. A quoi revenir sur ce que nous n’avons pas réalisé ou su réaliser au cours de notre vie ? Aurais-je dû être un autre ? C’est le début de la dépression, à coup sûr !

         La lecture de ce livre de Jean d’O est troublante pour moi car elle remet en cause ces justifications discutables. Là, la réalité ou la vraie vie, comme j’appelle aujourd’hui les seuls livres qui me passionnent, est si incroyable qu’elle en devient une fiction. Oui, la jeunesse de Jean d’O. dans les châteaux de sa famille (j’ai toujours eu un faible pour les châteaux où je n’ai pas grandi) est aussi saisissante que celle de Chateaubriand à Combourg. La multitude de personnalités qu’il a rencontrées dont certaines sont aussi des célébrités a quelque chose d’irréel, d’impossible, d’inaccessible pour le commun des mortels. Dernière et troublante interrogation : pourquoi Mitterrand a-t-il voulu avoir son ultime conversation avec lui ?

         Cet ouvrage, je l’ai aimé parce qu’il m’a fait rêver comme l’aurait fait jadis une fiction dans laquelle je me serais projeté avec délices. Le constat est clair : j’aurais aimé vivre sa vie, donc on est bien en pleine fiction. Alors, pourquoi mon rejet, à de rares exceptions près comme celle-là, des ouvrages de fiction en général ? Certains m’auraient-ils plu parce qu’ils n’étaient pas de la fiction mais une réalité en mieux ou en pire, peut-être fausse mais crédible à mes yeux ? Je pense au Grand Meaulnes, aux Trois Mousquetaires ou A la Recherche.

L’art montre des choses belles mais fausses. Oscar Wilde.

         Au Plaisir de Dieu est une magnifique et originale vision du XX ème siècle à travers les yeux d’une famille aristocratique décadente mais attachante. C’est la fin d’un monde qui ne s’est pas aperçu que la mer était basse. Le bateau de leurs principes ancestraux s’est échoué et ne voguera plus jamais. Jean d’O. n’émet pas de regret et ne verse qu’une discrète larme de nostalgie. Il fait une analyse objective de cette évolution dont les protagonistes ne sont mêmes pas responsables. Ils sont les figurants muets et paralysés d’un film d’anticipation auquel ils ne comprennent rien. Jean d’O. y mélange avec élégance la réalité et la fiction, le sel et le poivre, le beurre et l’argent du beurre. Autrement dit, la vraie vie et le roman.

Je me demande si la froideur des pères fait l’extrême sensibilité des fils. Philippe Besson

 Henri Calet

             » … je fus accueilli par une jeune, fraîche et souriante jeune fille qui m’a dit que le musée était fermé le matin… sa robe vert amande m’avait mis le printemps à la bouche « 

             » Le XIV ème arrondissement est un arrondissement très intéressant, mais il n’y passe ni fleuve, ni rivière, ni canal. C’est un arrondissement aride « ..

            « Nous nous promenions dernièrement, un ami égyptien et moi, dans une rue (assez triste) qui longe le jardin des Plantes. La rue de Buffon, je crois. Nous remarquâmes une grande façade claire, décorée de bas-reliefs représentant des animaux sauvages. C’eût pu être un cinéma, ou une gare, mais il n’y avait pas de queue devant la porte. En réalité, c’est le musée du duc d’Orléans (La galerie de Paléontologie). Nous décidâmes d’y entrer, à tout hasard. Le billet ne coûte d’ailleurs que dix francs … Qu’allions-nous voir à l’intérieur ? Nous ne fûmes pas déçus … Il n’y avait personne d’autre que nous dans le grand hall, à part un vieux gardien qui s’était momentanément assis sur la mâchoire inférieure d’une baleine bleue (trente mètres) … Notre visite se terminait. Trois enfants nous avaient rejoints ; ils imitaient entre eux les rugissements des fauves. Il est bon que les enfants aillent là ; ils s’instruisent et s’amusent du même coup ».                                                                  L’aventure empaillée. De ma lucarne, 1949

Un art doit exprimer ce qu’aucun autre art ne peut exprimer

            Picasso l’avait bien dit quand la photo est apparue : « Désormais c’est la photo qui montre la réalité, le peinture doit montrer autre chose ». Son propos illustre bien l’évolution de la peinture qui à cette époque devient de moins en moins figurative. Elle ne pouvait plus se vanter d’être un art irremplaçable, elle avait déjà été remplacée mais dans ce domaine uniquement. Les œuvres de Picasso expriment elles aussi et encore plus la pensée de leur auteur.

            Le cinéma est bien un art car il peut exprimer ce que la littérature et les autres arts ne peuvent pas exprimer.

Dans La Jeune Fille à la Perle retraçant la relation supposée entre Vermeer et sa servante, il est une scène démonstrative. Elle lui prépare ses couleurs qu’elle pose sur la grande table. Sa main demeure immobile à quelques centimètres de celle du peintre. La caméra fixe pendant un temps qui m’a semblé infini les deux mains si proches. Et l’on se demande si elles vont se toucher, se prendre, se caresser. C’est bouleversant. On ne retrouve pas la magie de cet instant dans le livre dont est tiré le film.

Molière. Ce film d’Ariane Mnouchkine est selon moi un double chef d’œuvre narratif et technique. Comme film, il réunit au maximum les trois facettes qu’offre le cinéma : une histoire, des images et une musique. Du jamais égalé. Une scène est aussi un hymne à cet art. Molière enfant est dans une foire de village et une cartomancienne lui prend la main pour lui prédire son avenir. Elle le regarde stupéfaite pendant que la caméra suit un gigantesque ballon aux couleurs vives qui s’élève majestueusement dans le ciel. Elle hésite et lui dit : « dans ta main, je vois, je vois, je vois …. la GLOIRE ».

Le Jour le plus long. La sentinelle allemande de garde dans le blockhaus regarde la Manche à la jumelle avant d’aller se coucher. Le jour se lève à peine. Il ne voit qu’une légère brume sur la ligne d’horizon en ce matin de juin. Il est pour partir mais revient une dernière fois scruter la mer. Et là, ce qu’il découvre et que nous découvrons avec lui est un spectacle hallucinant : la brume se dissipe et apparaît une ligne ininterrompue de navires de guerre alliés qui foncent vers la côte. On est le 6 juin 1944 à l’aube et c’est le début du Débarquement. La scène est incroyable. J’ai appris récemment qu’il y avait plus de soldats anglais que de soldats américains sur les plages de Normandie ce jour-là. Mais qu’ils aient été anglais ou américains, leur sacrifice devrait encore nous émouvoir aujourd’hui.

Dans Out of Africa de Sydney Pollack, il est deux scènes l’une au début et l’autre à la fin du film qui se correspondent. Quand l’héroïne arrive dans la petite gare, elle traverse le pub rempli d’hommes européens qui ne la regardent pas et ne la saluent pas. A la fin du film, après avoir tant donné à ce pays, elle est ruinée et doit regagner le Danemark. Quand elle traverse le pub, cette fois dans l’autre sens pour gagner la gare, tout le monde se lève en silence pour lui rendre hommage. Cette scène noble me tire les larmes. Ce metteur en scène avait commis aussi Petulia, un film délicieux malheureusement tombé dans l’oubli.

Nocturne Indien d’Alain Corneau. C’est la nuit. La caméra en un long et lent travelling balaie la gare de Bombay jonchée de voyageurs en saris multicolores endormis à même le sol. L’adagio du quintette pour cordes de Schubert accompagne cette scène qui dure une éternité. C’est magnifique.

Bambi. Il se retrouve seul après que sa maman a été abattue par des chasseurs. Des biches viennent le chercher et lui montrent la horde.  » Voilà désormais ta famille et le grand cerf majestueux que tu avais aperçu un jour sous les flocons de neige, c’est ton papa « . Là, je me demande si je ne vais pas pleurer à nouveau.

Itinéraire d’un enfant gâté de Claude Lelouch. Bien sûr, on pourrait dire que la scène où Belmondo explique à Anconina comment dire bonjour n’est qu’une scène de théâtre qu’ils auraient pu jouer des centaines de fois. Mais non car elle est unique. Cette scène relève du génie : celui de l’acteur ou celui du metteur en scène ? Je ne connais pas d’autre art qui ait exprimé avec une telle émotion le souci de transmettre.

Amadeus de Milos Forman. La scène montre Salieri pétrifié en entendant une mélodie venue d’un salon du château. Il murmure : c’est la musique des Dieux. Il s’agit de l’adagio du Divertimento opus 10 de Mozart. Comme Salieri, on est surpris nous aussi du contraste entre cette musique à la délicatesse infinie et la vulgarité de son auteur.

Chambre avec vue de James Ivory. La jeune fille avait rencontré lors de sa visite de Florence un jeune homme dont elle était tombée amoureuse. Je ne me souviens pas si cet amour est consommé mais en tout cas il est partagé. Des années plus tard lors d’une party dans le parc d’un château en Angleterre, la maîtresse de maison lit un extrait d’un roman à succès et la jeune fille entend le récit mot pour mot de sa rencontre avec son amoureux en Toscane. L’actrice joue à la perfection et en silence ce qu’elle ressent : surprise, colère et émotion.

Ran de Kurozawa. Les armées aux tenues colorées dessinent de véritables peintures mouvantes sur le relief vallonné. C’est d’une beauté absolue qu’aucune autre technique n’aurait pu restituer.

Richard Lester La Rose et la Flèche. Bien que ce film soit le récit anecdotique des derniers jours de Robin des Bois, c’est un chef d’œuvre absolu. Le thème, la vieillesse d’un héros, est universel car nous sommes tous des héros, à nos propres yeux, parfois aux yeux de notre compagne et rarement de quelques personnes indulgentes. Ce sujet nous concerne donc tous. La fin est terrible. Marianne, son amoureuse de toujours, fait croire à Robin qu’elle lui donne un remède pour soigner ses blessures. C’est en réalité un poison mortel qu’elle absorbera ensuite elle aussi.

            D’autres films sont du cinéma mais ne sont pas de l’art en ce sens que le théâtre ou la littérature auraient pu dire la même chose. Je pense aux films de Woody Allen, d’Éric Rohmer et de la nouvelle vague quand bien même ils se passent en extérieur. J’ai pourtant adoré la Collectionneuse et j’ai été fasciné par l’acteur principal, Patrick Bauchau. Il m’a fallu longtemps pour en comprendre les raisons : P. Bauchau est fils de psychanalyste comme moi et il a en plus exactement la même voix que moi …

La photo est-elle un art ? Une œuvre d’art doit naître de rien : une page vierge, un bloc de pierre, une portée vide, une toile blanche, ce qui n’est jamais le cas de la photo. Ou alors l’œuvre d’art doit exprimer ce qu’aucun autre art ne pourrait exprimer, ce qui est bien le cas de la photo même si ma subjectivité fausse le débat.

         Cette phrase du Guépard de Lampedusa est un roman en soi : « Elle était dangereusement agréable à regarder …« . J’ai terminé Gare Saint Lazare de Betty Duhamel dont la seule critique trouvée sur le net est catastrophique. En plus du faible intérêt du sujet (ce qui n’est pas à mon avis un motif valable pour condamner un auteur) il lui est reproché des fautes de français à foison. Ce roman ne méritait donc pas selon elle d’être publié chez Gallimard. Je ne suis pas d’accord. Au contraire, il fait preuve d’une très grande originalité car la manière d’écrire évolue de la même façon que l’état mental de l’auteur. Au début, c’est une jeune fille de bonne famille dont le style est élégant. Puis, au fil du temps, sa santé psychique se dégrade et son style d’écriture aussi. J’ai trouvé cela poignant. Les dernières pages sont quasiment de la littérature abstraite comme la peinture ou la musique contemporaines. Pour les lecteurs-auditeurs, il n’y a plus de mélodie ni même de musique. Ses propos sont devenus anarchiques, incohérents, voire déments.

         Je me suis plongé dans mes écrits illustrés de Paris des années 2017 à 2020. Le motif était désintéressé et sans arrière-pensée nombriliste. Je cherchais le récit d’Henri Calet racontant sa visite à la Galerie de Paléontologie du Jardin des Plantes en 1949. J’avais pour objectif de demander à Nicolas d’Estienne d’Orves  ou plutôt de faire demander à mon ami Max qui se vante de le connaître s’il connaissait ce texte ancien dont pas un mot ne saurait être changé pour décrire l’atmosphère incroyable qui règne encore aujourd’hui dans ce lieu que lui et moi adorons.

         J’ai d’abord trouvé qu’il s’agissait d’un Journal honnête, un peu fastidieux car répétitif, d’où émergeaient cependant des passages intéressants. Comme si, par moments, ma sensibilité prenait le pas sur l’anecdotique. Le problème est que, le plus souvent, l’anecdote l’emporte. Pourtant, j’ai aimé bien des passages que n’aurait pas désavoué un amoureux de Paris n’acceptant pas la dégradation de la plus belle ville du Monde. Avec le recul, et sans aucune indulgence, il m’a semblé que la majorité des photos étaient belles. Pour qui aime Paris, c’est une balade sans fin dans une ville extraordinaire.

         Qui est capable de dire aujourd’hui ce qui restera de l’œuvre de d’Ormesson dans cinquante ans ? Personne. La même question se pose pour la majorité des auteurs contemporains dont la plupart seront oubliés.

         A ce sujet, il m’est arrivé cette histoire édifiante mais instructive. Un jour de juin, j’attendais dans la salle d’attente d’un médecin et je feuilletais des revues parmi lesquelles il y avait le Monde Littéraire de janvier. Je m’y repris à plusieurs fois mais force était de constater que je ne connaissais aucune œuvre ni aucun auteur dont elle parlait. Pire, même leurs noms ne me disaient rien du tout. Panique invraisemblable ! La seule explication plausible était que j’avais des troubles cognitifs car je suis de près les parutions littéraires contemporaines. Je ne pouvais donc pas ignorer tout ce qui était paru en janvier. Je regarde à nouveau la couverture et je m’aperçois avec un immense soulagement (pour moi mais pas pour les écrivains) que ce numéro était bien de janvier mais d’il y a dix ans ! D’ailleurs, cette revue avait cessé de paraître depuis plusieurs années. Autrement dit, dix ans après, la quasi-totalité des écrivains et de leurs œuvres étaient tombés dans l’oubli le plus total. Cruelle expérience pour nous autres les écrivains en herbe.

         Parmi les auteurs actuels promis à une postérité méritée, je ne vois que Modiano et Houellebecq. J’ai déjà donné mes raisons pour Modiano. Pourquoi ses romans intimistes, répétitifs à outrance, sans valeur morale, ont-ils pu mériter le Prix Nobel ? Parce qu’ils expriment poétiquement ce qu’est la Mémoire, avec ses lacunes, ses approximations, ses modifications, ses oublis et ses rajouts comme nous le révèlent aujourd’hui les neurosciences. C’est là le génie des grands écrivains qui, bien que n’ayant aucune connaissance ni compétence, anticipent les découvertes objectives de la science. Je reste émerveillé par tous ceux qui ont su interpréter les comportements de leurs contemporains sans avoir la moindre formation en psychologie.

         Il est d’autres écrivains dont le drame ne cesse de me troubler : ceux qui ont la plus belle écriture mais qui ne sont pas et ne seront jamais de grands écrivains comme Jérôme Garcin, Pierre Assouline, Emmanuel Carrère et bien d’autres. Comment les reconnaitre ? C’est facile : ils ont écrit plus de biographies et de récits que de romans. Je ne leur jette pas la pierre, bien au contraire. Quelle torture de ne pas pouvoir inventer une fiction que leur style magnifierait. Mon ami Philippe n’est pas d’accord. Il considère qu’en littérature, seul le style compte alors que selon moi il n’y a pas de grand auteur sans histoire, grande ou petite. Le style est un don mais il n’est pas le résultat d’efforts. C’est une qualité innée comme la couleur des yeux ou la sonorité de la voix. Autrement dit, le style est un talent qui relève de la loterie mais pas du génie. En revanche, l’invention d’une histoire avec des comportements cohérents, une justesse psychologique, une portée philosophique relèvent du génie.

Grand tourisme

Le poème qui suit a déjà été publié le 5 juillet 2018 sous le titre
 Les valises à roulettes.

Les achélèmes de Costa accostent au quai d’ Ostie.
Les réacteurs faciles encombrent da Vinci.
Le Grand Raccord Annulaire est pris en masse.
Les valises à roulettes ébranlent les pavés de Rome.

Couples âgés de touristes
cheveux blancs mais tenue de sport
ils sont encore en forme
et parcourent la ville en se tenant la main.

Touristes en troupeaux
derrière le parapluie rouge replié de leur guide
abrutis de fatigue, de pavés noirs et de culture
ils ingurgitent Auguste juste avant Michel-Ange
et confondent déjà le Colisée et le Capitole.

Jeunes gens en bandes, ou par deux Continuer la lecture de Grand tourisme

Go West ! (39)

(…)
« Santa Clarita, c’est bon pour toi ?
— C’est loin ?
— Environ trente miles vers le Nord.
— Formidable !
— Alors monte, mon gars ; on y va ! »
En démarrant, il ajoute : « Je suis Joe. Et toi ? ». Mais je ne réponds pas parce que sur le plancher, devant moi, il y a un journal. C’est le Los Angeles Times. J’ai les pieds dessus. On dirait une édition spéciale. Elle est pliée en deux, mais entre mes chaussures, je lis :
« MARYLIN MONROE DIES, BLAME PILLS »

C’est écrit en lettres capitales grasses. Le titre tient toute la page. Juste en dessous, on peut voir la partie haute d’une photographie. C’est un portrait. Il est coupé au niveau du front par la pliure du journal. On n’en voit qu’une chevelure blonde. Mais c’est bien elle ; c’est Marylin ! Et elle est morte. Pauvre fille, toujours si jolie, si innocente, si gaie dans ses films. En fermant les yeux, je la revois descendre cet escalier de « Sept ans de réflexion« , chanter dans ce wagon-lit de « Certains l’aiment chaud« . A l’instant, les mots qui me viennent à l’esprit pour la définir, c’est ‘’adorable… fragile’’… et maintenant ‘’morte’’. Comme je reste figé devant le journal, Joe me dit :
« Ah, tu as vu, Marylin est morte ! C’est triste, hein ? Une jolie fille comme ça ! »
—Je ne comprends pas « blame pills« . Qu’est que ça veut dire ? Continuer la lecture de Go West ! (39)

HISTOIRE DE DASHIELL STILLER (Extrait)

(…)
Bon, après ça, on a vécu des moments difficiles, Sammy et moi. J’avais plus de travail, plus de chambre, plus rien. Il a bien voulu que j’emménage avec lui dans sa chambre rue d’Odessa. La chambre était pas terrible, mais moi j’étais heureuse, vous pensez, toute la journée avec Sammy, à m’occuper de lui et tout ça. Mais au bout d’une semaine, il m’a dit que c’était pas tout ça, que c’était bien beau l’amour et l’eau fraiche, mais que ça manquait de beurre dans les épinards et qu’il allait falloir voir à me mettre au boulot. Quand j’ai compris que le boulot, c’était le ruban…

Le ruban ? Ben, c’est le trottoir, le turf, la racole… faire la pute, quoi ! Quand j’ai compris que c’était ça, j’ai refusé tout net. Alors il m’a flanqué une de ces roustes. J’étais une ingrate — une ingrate, c’est une moins que rien, une qu’a pas la reconnaissance du ventre, qu’il m’a dit — et qu’avec tous les sacrifices qu’il avait fait pour moi, il pensait que je pourrais bien faire ça pour lui, une fois de temps en temps. Quand j’ai dit « Jamais ! », il m’a flanqué une deuxième rouste et il m’a fichue dehors. Il ne voulait plus jamais me voir, même si je revenais en rampant. Ben, c’était pas vrai parce que, quand je suis revenue trois jours plus tard, Continuer la lecture de HISTOIRE DE DASHIELL STILLER (Extrait)

Go West ! (38)

Et puis partir au hasard de la bonne volonté des automobilistes, ça m’évitait temporairement d’avoir à choisir entre Seattle et Washington. Je verrais bien dans quelle direction le hasard m’entrainerait.
Comme je m’agitais sur mon matelas de carton pour rassembler mes affaires, je sentis quelque chose de dur dans une poche avant de mon jean. C’était le truc que j’avais ramassé sous la Rolls de Peter Lawford et que depuis, j’avais totalement oublié.

A peine plus long mais un peu plus étroit qu’un paquet de cigarettes, très compact, un peu lourd, avec sa petite fenêtre de plexiglass qui couvrait le logement de la cassette et son cordon tressé noir faisant office de gance, il dépassait à peine de ma main fermée. C’était un dictaphone de poche, en acier brossé gris, simple et élégant, le fruit de la technologie et du design allemands. Je le considérai tout d’abord avec hésitation, méfiance même, et puis je décidai d’écouter ce qu’il pouvait bien y avoir d’enregistré sur sa bande magnétique. Son maniement était simple et tout de suite j’ai entendu la voix. Elle disait : Continuer la lecture de Go West ! (38)

HHH NYC USA (Extrait)

Mid-town New-York
Onzième étage de la tour HHH
Salle 1101 du département Sales & Marketing

La réunion bimensuelle des neuf directeurs commerciaux des laboratoires Hampton-Hartford-Huge.  Harry Weissberg, l’un des neuf, arrive en retard. Pas de chance, le grand patron, Geronimo Huge, G.H. est là.

(…)
Harry fait un pas dans la salle. Il n’a pas vu G.H., à moitié caché par le battant de la porte.

— Salut, les filles ! Oh ! Pardon, Mary ! Je recommence : Bonjour, Messieurs !

Dick Hullby s’agite sur son siège.

il y va un peu fort, Harry ; si c’est ça l’humour juif, ça manque un peu de classe ; je suis pas sûr que G.H. apprécie

— Excusez le retard… problème d’ascenseur…désolé…

Il ouvre un peu plus la porte de la salle qui vient heurter les pieds de Geronimo.

 merde, pas de chance, le grand Manitou est là !

Harry s’incline avec une cérémonie légèrement moqueuse devant le Président de la Compagnie et, d’une démarche un peu raide, il va s’asseoir à coté de Dunbar.

 Richard Dunbar

La région de Richard Dunbar, c’est SOUTH USA. Richard est Continuer la lecture de HHH NYC USA (Extrait)

Constituez votre bibliothèque à peu de frais

Voici les 7 livres indispensables autour desquels vous pourrez bâtir la véritable bibliothèque de l’homme élégant ou de la femme avertie. 

Blind dinner
Un « Blind dinner », c’est un dîner un peu particulier dans lequel les invités ne se connaissent pas. Dans les beaux quartiers, c’est très à la mode. Renée, la maitresse de maison, trouve cela très chic et parfois follement drôle.  Mais ce soir là, quand on a commencé à parler d’un mystérieux virus venant de Chine, le diner a vite tourné au vinaigre.

LA MITRO et autres drôles d’histoires
C’est un recueil de nouvelles qui porte le titre de la première d’entre elles. Assez inspirée par Marcel Pagnol, il faut la lire avec l’accent. Les autres nouvelles revisitent aussi bien l’assassinat de Jules César que les jeux télévisés, les petits meurtres sans importance, l’effet papillon ou la manière d’accéder auParadis.

 

Histoire de Dashiell Stiller
Paris 1935. Dashiell, jeune touriste Américain, prend une photographie de la terrasse d’un café du Boulevard St-Michel, le Cujas. Treize années plus tard, il est de retour à Paris pour rencontrer les huit personnages qui se trouvaient sur la photo. Il les fait parler sur leur vie, sur la façon dont ils ont vécu cette période troublée de la guerre, l’Occupation, la Résistance, la Collaboration, les Camps, la Libération… Mais pourquoi fait-il cela ? Pour écrire un roman ? Pour retrouver quelqu’un ? Pour expier un crime ? Pour retrouver sa propre histoire, l’histoire de Dashiell Stiller ?

Bonjour, Philippines ! et autres rencontres.
Petit livre sans importance, recueil de récits de rencontres et d’aventures, graves ou anodines, que j’ai vécues un peu partout à travers le monde, à Manille et à Cagayan de Oro, à Téhéran et à Athènes, à Ouagadougou et Bobo-Diouasso, à Douala et à Bamako, au Brésil et en Ukraine, à Sumatra et dans la Vallée de la Mort. La plupart du temps, leur narration est véridique, mais parfois, j’avoue que je me suis laissé aller à les romancer un peu. Après tout, je ne serai pas le premier.

Histoire de Noël et autres contes cruels
Ce petit bouquin n’est pas destiné à être mis entre toutes les mains. En effet, et contrairement à ce que pourrait laisser croire une interprétation trop rapide de son titre, il ne s’agit pas du tout, mais alors pas du tout, d’un recueil de belles histoires de Noël, dégoulinantes de bonté, de morale et de confiture.
Connaissez-vous la légende de la Mort à Samarcande ? Non ? C’est un beau et terrible poème persan du XIIème siècle dans lequel un Vizir qui vient de croiser la Mort dans une rue de Bagdad croit lui échapper en s’enfuyant à Samarcande alors que c’est justement là que, sans le savoir, il a rendez-vous ce soir avec elle. Eh bien, pour la plupart, les nouvelles qui composent Histoire de Noël s’inspirent de cette fatalité ironique : c’est en croyant fuir son destin que l’homme s’y précipite.

Les disparus de la rue de Rennes
C’est la panique à la Mairie de Paris : alors qu’il procédait à un contrôle de routine, Roger Ratinet, agent municipal affecté à la vérification de la conformité des plaques de rue à la parité homme/femme a découvert que toute une section de la rue de Rennes avait disparu. Eh oui ! Disparu ! Comme ça, en plein Paris, sans qu’on puisse savoir ni quand, ni pourquoi, ni comment. Trois cents mètres de rue, une quarantaine d’immeubles ! Rien que ça ! Introuvables ! Ça fait désordre, non ? Bien sûr, il a fallu en informer Madame Hidalgo. « Comment ! Comment ! a explosé la Maire en furie. Plus de trois cents mètres de rue disparaissent en plein milieu de Saint Germain des Prés et personne n’est fichu de me dire où ils sont passés ! »
L’affaire est encore secrète, mais le scandale couve et, bientôt, la presse s’en mêle, et aussi Cottard, le chef de bureau jaloux de Roger Ratinet, et puis Yvonne, l’épouse de Roger Ratinet. Comme d’habitude, le Dir.Cab de la Maire, Hubert Lubherlu est dépassé.
Heureusement, Anne Hidalgo est solide ; en matière de scandale, elle en a vu d’autres. Mais survivra-t-elle à celui-ci ? Rien n’est moins sûr.

Les trois premières fois et autres nouvelles optimistes
Un soir dans un port, trois hommes attendent le départ de leur bateau. Pour passer le temps, ils racontent chacun une « première fois ». Un autre jour, un autre homme explique comment il faut se tenir dans la rue quand on porte un bouquet de fleurs. Un autre soir, un incident à la frontière syrienne va-t-il transformer en drame un beau week-end de tourisme. En fin d’après-midi, un homme écrit à côté de son chien qui dort. Un beau matin, un groupe d’enfants qui se rend au jardin du Luxembourg passe devant la terrasse d’un café ; des clients attablés les regardent passer ; leurs points de vue diffèrent. La peur de l’avion, ça se soigne.
Quatorze nouvelles, drôles ou émouvantes, quatorze textes ironiques ou sensibles, quatorze façons, réalistes ou poétiques, d’être optimiste.

Ces ouvrages sont disponibles sur Amazon.fr en livre broché ou sous format Kindle. Pour les obtenir, il vous suffit de cliquer sur la photo de la couverture correspondante et de suivre la procédure habituelle. 

Go West ! (37)

(…) Et moi, j’ai fini de jouer mon rôle, je suis fatigué et je voudrais bien que tout ça s’arrête, parce que moi, je n’ai ni secrétaire ni voiture et il va falloir que je m’arrête pour souffler un peu, il va falloir que je dorme. Seulement pour le moment, je ne pense qu’à m’éloigner de l’officier de police Jack Clemmons, de sa voiture et de cette foutue maison.
Tout au long des années qui ont suivi ces événements, j’ai souvent repensé à cette nuit du 4 août 1962, forçant ma mémoire à revenir sur chaque détail. Depuis, j’ai lu, je crois, presque tous les livres et articles de presse qui y ont été consacrés et aujourd’hui, je me rends compte que je suis sans doute l’une des rares personnes vivantes à connaître la vérité. 

Voici donc ce qui est arrivé après que j’aie traversé la dernière propriété privée et me sois retrouvé à trainer mon sac sur Bondy Drive.

Au bout d’un temps infini, j’ai fini par passer devant un chantier où l’on construisait une de ces grandes villas faites entièrement de bois. Il était ouvert sur la rue et j’y entrai sans difficulté. Il devait être un peu avant minuit et le lendemain était un dimanche. Au moins, je ne risquais pas d’être surpris à l’aube par une équipe d’ouvriers. Pourtant, si la police se mettait à fouiller le quartier, elle ne manquerait pas de s’intéresser à ce chantier. Mais je n’y croyais pas vraiment. Pourquoi se lancerait-elle à la poursuite d’un type disparu dans la nature et dont le seul crime était, croyait-elle, d’avoir voulu acheter un policier pour 100 $ ? A Los Angeles, ça ne devait pas être si rare Continuer la lecture de Go West ! (37)