Kurt Vonnegut est un drôle d’auteur. J’y reviendrai dans quelques jours dans mon Carnet d’Écriture n°12. Pour le moment, sachez seulement que Vonnegut est un écrivain américain du XXème siècle. Il a participé à la 2ème Guerre Mondiale dans les bombardiers, s’est fait abattre et a été emmené comme prisonnier en Allemagne, à Dresde. C’est là que du 13 au 15 Février 1945 il a survécu au plus grand bombardement qui ait jamais été réalisé (650.000 bombes, 50.000 morts). De cette expérience, il a tiré son roman le plus célèbre : « Abattoir 5 ou La croisade des enfants ».
Abattoir 5 est un roman très étrange que je n’essaierai pas de raconter ni d’analyser ici. C’est bien trop compliqué. Sachez quand même qu’il s’agit d’un roman de science fiction, qui n’a pas grand chose à voir avec la science fiction, qui défie la logique et la chronologie, qui est terrible et drôle et qui a été classé 18ème dans la liste des 100 meilleurs romans de langue anglaise du XXème siècle. Compte tenu de la production littéraire de cette époque, on peut dire que ce n’est pas rien.
Dans un roman qui n’a rien à voir avec Abattoir 5 et qui s’appelle Eureka Street, l’auteur, qui n’est pas Vonnegut mais Robert McLiam Wilson, décrivait à la manière d’un film au ralenti les actions très détaillées d’une bombe explosant dans un café de Belfast. L’effet de cet exercice littéraire était époustouflant.
Dans le passage d’Abattoir 5 que je reproduis ici, K.V. utilise un procédé différent mis du même ordre. Jamais encore je ne l’avais rencontré : la description détaillée, mais à l’envers, d’une action violente, l’attaque de bombardiers par des chasseurs. Le montage à l’envers est un procédé cinématographique qui a été utilisé d’innombrables fois, particulièrement du temps du muet, où son effet comique était assuré. L’avoir appliqué à l’écriture est une formidable trouvaille. Cela demande au lecteur une attention particulière et un effort de compréhension et, sans effacer totalement l’effet comique, l’effet tragique en est terrifiant. Jugez vous-mêmes :
(…) C’était un film sur les bombardiers américains de la Seconde Guerre mondiale et les héros qui les pilotaient. Entamée par la fin, l’histoire se déroulait ainsi, sous les yeux de Billy :
Des avions américains transpercés de toutes parts, pleins de blessés et de cadavres, décollent par l’arrière d’un aérodrome Continuer la lecture de La guerre à l’envers


(…) J’ai dit ça presque en criant, mais je ne le pensais pas, pas vraiment, pas complètement. C’était encore confus dans ma tête, mais dans tout ce qu’elle m’avait, je ne voyais rien qui puisse montrer qu’elle s’était moquée de moi. Seulement, j’étais malheureux et de façon surprenante, ça me faisait du bien de le dire. C’était peut-être pour lui faire un peu de mal en retour, pour qu’elle se sente un peu plus coupable, ou peut-être pour qu’elle m’affirme le contraire, pour qu’elle me dise qu’elle m’aimait… quand même…ou un peu… ou beaucoup… ou tout court ?
Et puis, on n’avait pas idée de tirer une pareille tête d’enterrement en plus de s’appeler Joachim !
Morceaux choisis