(…) Telle est la légende de Sikyangpu et de la fleur nommée Mansi. »
Je dis à Mansi que son histoire était très belle et qu’il faudrait qu’un jour elle me montre une de ces fleurs.
— On n’en trouve plus par ici. Elles ont complètement disparu depuis la grande sécheresse.
Je venais de me rendre compte qu’à mon tour j’avais dit « un jour » et que j’étais en train d’inscrire notre histoire dans la durée. Était-ce vraiment ce que je voulais ? Il faudrait que je fasse plus attention, très attention.
Après un moment de silence, Mansi finit d’un trait son verre de vin et puis, comme si c’était la conclusion d’une longue réflexion, elle reprit son ton neutre habituel pour constater :
— La seule qui reste, c’est moi. Je suis probablement la dernière Mansi sur terre.
— Oui, mais toi, au moins, tu ne risques pas de mourir de soif !
Je réalisai tout de suite que ma remarque était idiote et je la regrettai aussitôt. Pauvre répartie qui se voulait spirituelle, remarque totalement inadaptée à l’instant spécial que nous venions de vivre, elle était le produit d’un automatisme qui nous habitait tous, je veux dire mes amis et moi, étudiants arrogants et, en apparence, sûrs d’eux-mêmes, et qui nous poussait à vouloir être drôles à tout prix et à tout instant. C’était la règle parmi nous. Il fallait être spirituel, ironique, mordant, quitte à faire mal et, si possible, il fallait avoir le dernier mot.
Mais Mansi ne rit pas Continuer la lecture de Go West ! (83)