Archives par mot-clé : Lorenzo dell’Acqua

Les corneilles du septième ciel (10)

temps de lecture : 3 minutes 

(…) Une fois n’est pas coutume, les séances s’avérèrent bien plus pénibles pour le médecin que pour le patient. D’ailleurs, son analyste abandonna rapidement tout espoir de le sortir de son trou noir en expansion continue, au propre comme au figuré. Franck, de son côté, ne perçut jamais la résignation de son médecin elle aussi en expansion continue.

Chapitre X

Françoise était parvenue à la même conclusion que Philippe mais elle identifiait sa situation plutôt à celle de Jules et Jim, un autre chef d’œuvre cinématographique. A la place des personnages masculins de ce film, elle avait sous la main, d’un côté un psychanalyste chauve un peu plus âgé qu’elle qui avait le mérite de l’avoir sortie de son impasse sentimentale, et de l’autre, un écrivain lui aussi Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (10)

Les corneilles du septième ciel (9)

temps de lecture : 3 minutes 

(…) Bien au contraire, chez lui, la vie de tous les jours ressemblait à une vie monacale où l’on aurait fait vœu de silence. Personne n’avait le droit de raconter son dernier rêve ou de parler de ses problèmes. Cet homme pourtant dévoué à l’écoute de ses patients ne le fut jamais à celle de sa famille. Il ne s’intéressa ni à ses enfants ni, encore moins, à ce qu’ils pensaient. Le jour où son fils aîné médecin fut nommé chef de service dans un hôpital parisien, il ignorait sa spécialité …

Chapitre IX

Subitement, malgré sa décision de reprendre des études, Françoise alla mieux. Le docteur Philippe C. ne mit pas longtemps à en comprendre la raison. Lors d’un week-end chez ses parents, elle avait assisté au centre culturel interurbain de Chauvigny à une conférence donnée par Didier, le vrai Blonde. Elle connaissait tous ses écrits et elle éprouvait une véritable fascination pour son livre intitulé Leïlah Mahi. A partir d’un minimum d’informations récoltées à droite et à gauche, l’auteur avait imaginé Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (9)

Les corneilles du septième ciel (8)

temps de lecture : 4 minutes 

(…) Malgré une vie sentimentale riche et variée, sa cousine Myriam n’avait jamais réussi à se fixer ; elle était donc, elle aussi, toujours célibataire et toujours très jolie. Philippe avait fini par accepter de la revoir lors du mariage d’un cousin éloigné. Ces  retrouvailles avaient confirmé ses craintes : Myriam, Professeur en littérature comparée à la Faculté de Limoges, était belle et intelligente. Ils évoquèrent leur aventure à la kermesse et en rirent de bon cœur. Mais, ce qui troubla le plus Philippe, ce fut sa ressemblance avec Leïlah Mahi.

Chapitre VIII

Pour Philippe, le choix d’une épouse devenait préoccupant bien qu’à ses yeux le problème était simple : il y avait d’un côté Françoise qu’il allait guérir de ses errements sentimentaux et dont il espérait bénéficier, en toute logique judéo-chrétienne et psychanalytique, de son retour à une sexualité classique, et, d’un autre côté, Myriam qui, pour l’encourager, pensait-il, lui avait affirmé ne plus maltraiter les escargots de ses camarades de jeu.

Le docteur Philippe ne trouvait rien d’extravagant à sa situation qu’en cinéphile averti il comparait à celle de César et Rosalie, un de ses films préférés. Le sujet était selon lui à peu près le même : un homme et deux femmes au lieu de l’inverse. Il y avait cependant quelques différences. D’abord, aucune des deux intéressées ne le courtisait et c’était lui le séducteur. Ensuite, ses futures victimes ne semblaient guère Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (8)

Les corneilles du septième ciel (7)

temps de lecture : 2 minutes 

(…) La solitude, le goût des vieilles filles, ses difficultés avec les plus jeunes, conduisirent le jeune Philippe chez un autre médecin, le psychanalyste Henri Namur, qui réussit le tour de force de lui faire admettre enfin le bien-fondé de la réaction de Myriam.  A la fin de ses études de médecine, il choisit donc cette discipline à laquelle il devait tant.

Chapitre VII

En 1919, les arrière-grands-parents de Philippe d’origine juive avaient fui  la Crimée pour échapper aux bolcheviques. Sur le navire anglais qui les emmenait à Constantinople, leur fils, son grand père Isaac Kourilsky, alors âgé de dix ans, avait joué aux échecs avec le Prince Youssoupov émerveillé par ses dons précoces. En France, où sa famille s’installa, il épousa plus tard Esther Krawisky, une jeune fille juive d’origine polonaise. Ils eurent deux fils : Jacob, le père de Philippe, et Samuel, le père de Myriam. L’aîné fit de  brillantes études de médecine et fut nommé Chef du service d’Anatomo-pathologie au CHU de Poitiers.

Peu après sa cruelle désillusion avec Myriam, et Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (7)

Les corneilles du septième ciel (6)

temps de lecture : 3 minutes 

(…) D’ailleurs, elle trouvait que plus personne dans ce café n’évoquait ce passé révolu. Au contraire, et à sa grande surprise, il y avait non loin de leur table cet écrivain jadis blond qui l’avait tant séduite à la terrasse du Surcouf deux mois auparavant. Quel hasard ! Françoise en profita pour enfoncer le clou. Elle confia innocemment à son amie que, pour preuve, ce consommateur-là ressemblait davantage aux séducteurs des films de Vittorio de Sica qu’à son épouvantable Sartre.

Chapitre VI

Lors de ses passages à Joigny, Françoise revoyait parfois Bernard, ce jeune garçon un peu fruste convaincu de l’avoir demandée en mariage dans la grange du Père Ménard. Le malheureux ne s’était jamais remis de son refus offusqué. Bien que bénéficiant d’un emploi de complaisance chez un oncle cultivateur, il accumula les absences injustifiées. On le trouva un jour, allongé au bord de la rivière, fumant les herbes qu’il avait ramassées autour de lui. Il ne s’agissait pas de plantes hallucinogènes mais il n’en délirait pas moins. Hospitalisé en psychiatrie au CHU de Poitiers, il fut suivi par Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (6)

Les corneilles du septième ciel (5)

(…) En réalité, Françoise n’allait plus se confesser ni à la messe parce qu’elle avait découvert le jogging qu’elle pratiquait intensément et justement le mercredi soir, jour des confessions, et le dimanche matin, jour de la messe.

Chapitre V

Deux sujets passionnaient nos deux amies et animaient leurs discussions sans fin : l’Amérique et Jean-Paul Sartre. Françoise avait répété plusieurs fois à son amie qu’elle préférait le passé provincial à l’avenir anglophone. Annick, de son côté, ne démordait pas de sa passion pour les chefs d’œuvre du cinéma américain qui commençaient à dater comme le lui faisait remarquer Françoise quand elle était à court d’arguments. Les westerns en particulier la laissaient indifférente, et pour cause ! Les tracteurs Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (5)

Les corneilles du septième ciel (4)

temps de lecture : 4 minutes 

(…) Ils n’étaient que trois ou quatre étudiants à écouter dans des salles lugubres à la propreté douteuse un professeur résigné qui tentait de leur enseigner la hiérarchie complexe au sein de l’armée de Nabuchodonosor, alors qu’elle, ce qui la passionnait, c’étaient les amours incestueuses à la cour de Babylone. Allant à l’encontre des conventions universitaires de l’époque, elle entreprit une thèse sur ce sujet qui fit grand bruit par son audace et le rejet des tabous. L’homosexualité y était omniprésente et c’est peut-être pour cette raison qu’elle se retrouva plus tard dans les bras de Françoise.

Chapitre IV

D’abord pensionnaire au collège Sainte Cécile de Poitiers, Françoise bénéficia à son entrée en Faculté de Pharmacie d’une chambre dans un foyer pour étudiantes tenu par les Sœurs Augustines. Bien que le docteur Philippe C. ne prenait que rarement la parole, il la questionna souvent sur les comportements de ses camarades de dortoir. Françoise, qui n’en avait jamais parlé à personne, évoqua avec réticence ces souvenirs pénibles. Au début, il y avait eu les baisers sur la bouche, sans, puis avec la langue, pour apprendre à les faire le mieux possible avec Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (4)

Les corneilles du septième ciel (3)

temps de lecture : 4 minutes 

(…) Françoise, qui ignorait pourtant les projets littéraires du faux Blonde la concernant, se demandait comment le retrouver dans une ville comme Paris. S’il restait des matinées entières à la terrasse du Surcouf, ce qui était en effet le cas, elle pensa avoir une chance de l’y revoir lors de son prochain séjour. Ce fut sa motivation inavouée quand elle téléphona à Annick pour lui demander la date de leurs retrouvailles.

Chapitre III

Après le départ de son amie, Annick Cottard avait connu une période de grande tristesse dont le vieux monsieur à la terrasse du Surcouf n’était pas le responsable. D’ailleurs, elle ne l’avait même pas remarqué. La raison en était que les journées à Paris lui semblaient interminables. Or, Françoise ne reviendrait qu’aux prochaines vacances si elle n’était pas obligée de rendre visite à ses parents à Joigny. Souffrant d’une affection invalidante mais bénigne, la mère de son amie réclamait Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (3)

Les corneilles du septième ciel (2)

temps de lecture : 3 minutes devraient suffire 

(…) En rentrant chez elle, Françoise passa s’agenouiller à l’église pour demander pardon au Seigneur de son involontaire mésaventure. Elle Lui demanda aussi pourquoi Il n’avait pas mieux fait son travail en affublant les garçons d’un instrument aussi laid.
Voilà ce que Françoise avait raconté à son psychanalyste lors des premières séances. Bien qu’il en ait vu d’autres et de pires, ce dernier préféra ne pas se prononcer sur le nombre de séances à prévoir pour sa guérison.

Chapitre II

A son retour de lune de miel, Françoise s’était précipitée sur le net. Celui qui lui avait tant plu à la terrasse du Surcouf ne pouvait pas être Didier Blonde : il était en effet beaucoup trop vieux. Comme le lui confirma Wikipédia, son écrivain favori n’avait pas encore dépassé la quarantaine. Elle ne cacha pas sa déception au docteur Philippe que ce drame laissa indifférent.

Après le départ des deux amies, l’écrivain déjà quinquagénaire, mais encore sensible aux charmes de la jeunesse, s’était informé auprès du garçon qu’il connaissait depuis plus de vingt ans. Ce dernier lui avait révélé sans la moindre difficulté Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (2)

Les corneilles du septième ciel (1)

temps de lecture : 7 minutes bien tassées

Il y a quelques années, deux, deux et demi peut-être, et pendant quelques mois, le Journal des Coutheillas avait pris l’habitude de lancer des jeux censément littéraires. Cette habitude s’est à présent perdue car l’heure n’est plus aux jeux : il sont faits, rien de va plus.

Pendant cette heureuse période de confinement, le jeu de l’incipit avait connu un certain succès de participation, au point de permettre la construction d’une histoire, celle d’Annick et de Françoise, en quelques chapitres plus ou moins cohérents malgré leurs paternités variées. Au sixième chapitre, Lariegeoise avait habilement et brièvement fermé le ban et tout le monde croyait être débarrassé de cet Oulipo décadent. 

Eh bien non, et voila Lorenzo qui relance le schmilblick à lui tout seul pour un nombre de chapitres indéterminé. Le titre, c’est « LES CORNEILLES DU SEPTIEME CIEL ». Ça promet !
Voici le premier chapitre : 

LES CORNEILLES DU SEPTIEME CIEL

 A Philippe Cyrano de Couteillac
Qui nous sauva de la dépression
Pendant les confinements

 NDLR : Toute ressemblance avec des personnages du JdC pourrait ne pas être fortuite.

 Chapitre I

Ce soir-là, en quittant l’immeuble aussi cossu que les honoraires de son médecin, Françoise Maignan se demanda si elle avait fait le bon choix …

Elle venait de passer à Paris ce qu’elle appelait avec humour sa lune de miel en compagnie d’Annick Cottard rencontrée l’hiver précédent à l’UCPA de Font-Romeu. Malgré son surpoids et ses grosses lunettes en écaille, Annick l’avait conquise par sa gaité et sa dérision qui lui donnaient un charme irrésistible.

Dès son retour à Poitiers, et malgré son idylle récente, une inquiétude croissante Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (1)