Rendez-vous à cinq heures avec Laurent

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Mon prénom

Bien que je l’aie longtemps détesté, je suis aujourd’hui convaincu que le plus beau cadeau de mes parents, c’est lui.

Dans mon enfance, j’étais complexé de m’appeler ainsi : mon prénom Laurent avait une consonance désagréable et je le trouvais excentrique. A ce handicap s’en ajoutait un autre et tous les deux s’associèrent dans mon ressentiment. Était-ce la nature ou ma mère, je ne le saurai jamais, qui m’affublèrent d’une coiffure déjà ridicule à cette époque : la brosse. A l’école communale de la rue Boulard, personne d’autre que moi bénéficiait de ces deux attributs dévalorisants. Et, n’en déplaise à certains, j’étais bien trop ignorant de l’actualité pour que mon prénom puisse m’évoquer à cette époque, et même dans mon inconscient, une ville d’Algérie tristement célèbre.

Trop tard m’avait-on dit. Tu t’appelleras Laurent toute ta vie, c’est comme ça. Quant à Laurent-Hervé, mon véritable prénom à l’état civil en hommage au Professeur Hervé, l’accoucheur désinvolte parti jouer au tennis ce jour-là me laissant une vilaine cicatrice sous l‘oreille gauche et une paralysie transitoire du plexus brachial, personne ne le porta jamais sur terre ni moi dans mon coeur.

Quand j’étais enfant, j’aurais aimé me prénommer Christian, comme le premier de la classe, Christian Potier. Il habitait chez sa grand-mère et je le plaignais de ne pas vivre toute la semaine avec son papa et sa maman. Au lycée, mon problème identitaire ne s’aggrava pas pour la simple raison qu’on ne m’appelait jamais par mon prénom mais par mon nom de famille, Mallet. De toute façon, et heureusement, si j’ose dire, j’avais d’autres chats à fouetter comme une urticaire au froid qui me défigurait le visage à chaque récréation. Je dois reconnaître qu’aucun de mes camarades d’alors ne profita de la situation pour m’affubler de sobriquets ridicules comme Lolo auquel j’eus droit plus tard de la part de vrais amis pour des raisons œnologiques discutables.

A la Faculté, par chance, nos prénoms ne revêtaient aucune importance aux yeux de mes nouveaux amis. Ils jalousaient même le mien qui leur évoquait peut-être un poète maudit ou un aventurier des mers du sud. Hélas, malgré son charme, il ne me rendait pas plus performant auprès des filles. A cette même époque, j’avais un ami guère favorisé lui non plus par son nom de famille, Leloup, que j’appelais le grand méchant Leloup alors qu’il ne fut jamais grand et encore moins méchant. Je ne crois pas qu’il m’en voulut bien qu’il décidât un jour de m’appeler l’Orang Outan de Malaisie, un jeu de mots certes hilarant  mais difficile à placer dans une conversation entre adolescents boutonneux.

Avec le temps, mon aversion pour mon prénom s’estompa parce qu’on finit pas s’habituer à tout. Et puis, soudain, je passai en un temps record de la résignation à la fierté quand je fis la connaissance de cet illustre personnage portant exactement le même prénom que moi, Laurent le Magnifique. Je dois à Lorenzo de Médicis, en plus de ma réconciliation tardive avec mon prénom, la passion du Quattrocento et de l’Italie qui ne me quittèrent plus jamais.

Quand je pris le pseudonyme de Lorenzo dell’Acqua pour faire plaisir à Philippe, notre bien-aimé Rédacteur en Chef du JdC qui possédait une résidence secondaire proche de la frontière italienne dans le Bas de l’Aisne, je ne savais pas qu’il me donnerait une aura aussi valorisante auprès des fidèles lectrices de son blog. Dell’Acqua n’était pourtant que la traduction littérale de La Flotte, le village où était située notre maison.

Lorenzo dell’Acqua

2 réflexions sur « Rendez-vous à cinq heures avec Laurent »

  1. Et toi, Bruno, ton prénom, tu le trouvais comment quand tu étais enfant ? Et ta coiffure ?

  2. Un véritable coming out ! Révéler ainsi toute la vérité dans sa stricte nudité, qui plus est un dimanche soir, relève d’une exigence de l’esprit qui force l’admiration !
    Un vrai Médicis !

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