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LE GRAND MEAULNES (Critique)

LE GRAND MEAULNES
ALAIN-FOURNIER, 1913.

par Lorenzo dell’Acqua

Mon roman préféré pourrait avoir bien d’autres titres en raison des significations différentes qu’il a eues au cours de ma vie : Robin des Bois et la Belle au Bois Dormant en Sologne ou Les Trois Mousquetaires, Le Bon, la Brute et le Truand ou bien encore l’Idéaliste, l’Utopiste et le Passif, et enfin  Augustin, Frantz, Julien, moi et les autres pour faire plaisir aux inconditionnels de Claude Sautet.

Comme celle de la plupart des romans, la lecture du Grand Meaulnes n’est pas la même selon l’âge où on le découvre. Mais, ce qui me semble plus rare, sa vision en change chez un même lecteur avec le temps. Tel a été mon cas. En schématisant, je l’ai lu pour la première fois pendant la préadolescence, une seconde fois pendant l’adolescence et bien d’autres fois à l’âge adulte. Et chaque lecture fut pour moi celle d’un roman complètement différent comme le montrent ces titres imaginaires que je lui ai donnés.

Lors de ma découverte du Grand Meaulnes, je n’ai vu aucune différence avec les aventures d’Ivanhoë et surtout, forêt oblige, de Robin des Bois. Un héros idéal tombe amoureux d’une princesse Continuer la lecture de LE GRAND MEAULNES (Critique)

Errare ? Perseverare ? Hoc est quaestio

A propos des erreurs de mémoire …
par Lorenzo dell’Acqua

Je crois qu’il existe deux sortes d’erreurs de la mémoire :

l’erreur involontaire, conséquence directe des erreurs de transmission neuronales. C’est un mécanisme physico-chimique.

l’erreur inconsciemment volontaire qui nous arrange. C’est un mécanisme psychologique appelé refoulement par les psychanalystes

Selon la théorie que l’on privilégie, on peut éliminer une de ces deux causes d’erreur mais je ne sais pas sur quels arguments.

Dans les films qui sont des repères indiscutables car non modifiés par le temps, j’en ai trouvé deux qui illustrent ces deux types d’erreurs de la mémoire.

Dans « Que la bête meure » de Jean-Claude Chabrol, j’ai le souvenir que Jean Yanne meure poussé à la mer par Michel Duchaussoy. C’est faux et pourtant j’en étais absolument certain. Là, en raison de mes ressentiments envers mon père ou de ceux que j’ai ressentis bien après sa mort, on peut évoquer, je l’admets, une raison psychologique bien que Continuer la lecture de Errare ? Perseverare ? Hoc est quaestio

Rendez-vous à cinq heures à la pharmacie

la page de 16h47 est ouverte…

 

Numéro 048
par Lorenzo dell’Acqua

Canicule oblige, je portais alors une robe si légère qu’elle ne m’avait pas permis de garder mon soutien-gorge. A cinquante ans passés, l’indécence de cette frivolité ne risquait pas de provoquer un scandale. Jeune, j’avais été une Louise Brook blonde aux yeux verts fort courtisée qui conservait aujourd’hui de beaux restes arrondis par un léger embonpoint. Pharmacienne dans une station balnéaire agréable, je n’étais pas malheureuse mais, ce matin-là, ma tenue aguichante m’avait donné à la fois l’illusion d’être encore désirable et une nostalgie un peu volage.

Le chiffre qui s’affichait là-haut sur l’écran était identique à celui inscrit sur le petit papier blanc qu’il me tendait. C’était donc bien son tour.

— Numéro 048, merci de me montrer votre ordonnance Continuer la lecture de Rendez-vous à cinq heures à la pharmacie

Les corneilles du septième ciel (28)

Chapitre XXVIII

Nous apprenons à l’instant la disparition aussi soudaine qu’imprévue de Lorenzo dell’Acqua dont le roman inachevé laissera bien des lecteurs et surtout des lectrices dans la plus profonde désolation. D’après ses proches, il aurait été meurtri par les critiques d’un éditeur connu qui considérait que son œuvre pourtant admirable de sincérité et d’honnêteté n’était qu’une banale autobiographie. Il ignorait que Lorenzo était en accord avec les penseurs les plus modernes de son temps pour qui la fiction était désormais dépassée bien que, selon lui, la frontière entre ces deux genres littéraires avait toujours été floue. « Ecrire, c’est parler de soi, et parler de soi, c’est obscène parce que si on parle de soi de manière transparente, on se déshabille, et si on parle de soi de manière trouble, on se travestit ».

D’après un de ses amis médecin, la disparition de Lorenzo ne pouvait pas être en rapport avec une éventuelle blessure narcissique incapable selon lui d’ébranler sa confiance exagérée en lui. Peu de temps avant son départ, il s’était confié au Rédacteur en Chef du JdC attablé comme tous les matins à la terrasse ensoleillée du Panthéon devant les colonnes de ce vaste édifice funéraire dédié aux héros de notre pays et en particulier à nos écrivains célèbres. Sa famille espérait le voir Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (28)

Les corneilles du septième ciel (27)

Chapitre XXVII

Comment la jolie Myriam, professeur de lettres à Poitiers, avait-elle bien pu croiser la route du célèbre écrivain Philippe C., une icône de Saint Germain des Prés et du Jardin du Luxembourg ? Tous nos lecteurs interloqués se posent la question.

Issue d’une famille fort cultivée, Myriam avait depuis toujours un goût prononcé pour la littérature. Elle le partageait avec Philippe, son cousin germain, qui s’obstinait à vouloir lui faire lire les œuvres complètes du Marquis de Sade. De tels conseils de la part d’un petit garçon de douze ans obligèrent ses parents à le confier à un spécialiste. C’est aussi ce que Myriam lui avait conseillé de faire en le formulant de façon un peu brutale et dépourvue de la moindre élégance : « Va donc te faire soigner, espèce d’obsédé sexuel ! ».  A sa décharge, Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (27)

Les corneilles du septième ciel (26)

Chapitre XXVI

Comme s’y attendent ceux qui ont eu la gentillesse de lire les chapitres précédents, la relation de Françoise et Pierre devint de plus en plus intime. Sans qu’il soit nécessaire de se livrer à des descriptions triviales au risque de décevoir certaine abonnée pyrénéenne, même les moins perspicaces auront deviné en les voyant enlacés que leur amitié n’en était déjà plus une. Quel nom donner à ce moment irréel que nous avons connu, au moins une fois pour les plus chanceux, où l’on sent que notre vie est en train de basculer vers Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (26)

Les corneilles du septième ciel (25)

temps de lecture : 3 minutes 

Chapitre XXV

Qu’est la vie d’un neurologue hospitalier comme Françoise Maignan ? Qui le sait ? Qui s’en préoccupe ?

Être neurologue de garde, personne en dehors des intéressés ne sait ce que cela signifie. Personne ne sait la contrainte d’être réveillé à trois heures du latin pour se rendre en quatrième vitesse au CHU tenter de sauver une vie humaine. Non, personne ne sait la détresse du médecin dans un couloir au sous-sol en train de pousser son chariot sur lequel il y a les instruments thérapeutiques les plus sophistiqués qu’il va devoir utiliser, mais seul, à trois heures du latin, sans personne pour l’aider. De toute façon, ce sera un cauchemar ; il le sait mais il y va parce que, à ce moment-là, il est la seule et dernière chance du patient qui vient Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (25)

Les corneilles du septième ciel (24)

temps de lecture : 6 minutes 

Chapitre XXIV

Prétextant un stage dans le service de Neurologie du Professeur Gibert à La Salpêtrière, Françoise Maignan se rendait une fois par semaine à Paris. La vérité oblige à dire qu’elle n’y mettait jamais les pieds. En réalité, elle retrouvait son ami Annick avec laquelle elle faisait de longues promenades sur les quais. Elles avaient acheté la carte d’abonnement à Batobus, une véritable aubaine et pas seulement économique. Pour une somme modique, les deux jeunes femmes pouvaient se balader toute l’année sur la Seine et sans aucune limitation de temps. Au soleil sur le pont arrière du bateau, elles regardaient défiler Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (24)