Les corneilles du septième ciel (27)

Chapitre XXVII

Comment la jolie Myriam, professeur de lettres à Poitiers, avait-elle bien pu croiser la route du célèbre écrivain Philippe C., une icône de Saint Germain des Prés et du Jardin du Luxembourg ? Tous nos lecteurs interloqués se posent la question.

Issue d’une famille fort cultivée, Myriam avait depuis toujours un goût prononcé pour la littérature. Elle le partageait avec Philippe, son cousin germain, qui s’obstinait à vouloir lui faire lire les œuvres complètes du Marquis de Sade. De tels conseils de la part d’un petit garçon de douze ans obligèrent ses parents à le confier à un spécialiste. C’est aussi ce que Myriam lui avait conseillé de faire en le formulant de façon un peu brutale et dépourvue de la moindre élégance : « Va donc te faire soigner, espèce d’obsédé sexuel ! ».  A sa décharge, il convient de rappeler qu’elle avait été victime des outrages de ce Casanova en herbe lors d’une kermesse de bienfaisance à Sainte Cécile.

Donc, un soir de désœuvrement comme sa charge de professeur de lettres lui en laissait tant, elle découvrit par hasard le blog de l’écrivain Philippe C. Les quelques récits auxquels elle put accéder l’intéressèrent au plus haut point et elle leur trouva beaucoup de charme. Il ne lui en fallait pas plus pour rechercher aussitôt des informations sur cet auteur méconnu. Le blog de ce dernier faisant état d’un recul de plus de dix ans, ce qui, à raison d’un texte par jour, correspondait à plus de 3650 publications. Séduite par cette performance, Myriam décida de s’y inscrire pour en savoir plus. Les modalités étaient d’une grande simplicité : la première consistait à acheter, pour une somme il est vrai dérisoire, les deux derniers ouvrages de Philippe C. publiés sur Amazon et la seconde était de déposer un commentaire.

Bien que passionnée de littérature, Myriam était malheureusement incapable de rédiger une critique littéraire ou cinématographique. Dans l’atelier d’écriture auquel elle participait depuis plusieurs années, elle refusait désormais cet exercice. La lecture des critiques de François Truffaut qu’elle jugeait d’une méchanceté déshonorante n’en était pas la cause. Elle avait adoré les 400 Coups et Baisers Volés mais Le Dernier Métro avait été une double déception : ce n’était qu’une redite besogneuse des films qu’il s’était permis jadis de rouler dans la farine et il n’avait même pas eu l’honnêteté de le reconnaitre.

Sur Amazon, les commentaires des romans de Ph. C. étaient à ce point dithyrambiques et flatteurs qu’ils jetaient un doute sur leur sincérité. Une telle pluie d’éloges lui semblait suspecte et elle était bien placée pour savoir que la perfection n’existait pas en littérature. Certes, Françoise avait trouvé ces textes bien écrits, agréables à lire, assez justes sur le plan psychologique, mais il manquait aux avis complaisants de ses admirateurs un minimum de critiques proprement dites qui leur auraient donné plus de crédibilité.

Il y avait à son avis une certaine ressemblance entre son roman Blind Dinner et le film de Luis Buñuel, Le Charme Discret de la Bourgeoisie. Dans l’espoir de trouver l’inspiration, Françoise consulta les critiques consacrées à ce film et découvrit celle de Bernard Cohn, un des fondateurs de la revue Positif. Plutôt que de lui donner l’inspiration, ce texte lui donna l’idée perfide de le recopier mot à mot en lui ajoutant quelques références au Covid dont parlaient les convives de Blind Dinner. C’est cette critique usurpée qu’elle mit sur Amazon.

Dans un premier temps, notre écrivain l’accepta mais il se rétracta ensuite pour des raisons qui échappèrent à Myriam. Avait-il découvert la supercherie et comment ? Elle se promit de le lui demander un jour mais, dans l’immédiat, elle prit sa plume à deux mains et rédigea malgré ses inhibitions une critique cette fois personnelle qui reçut l’agrément de l’auteur.

Pas rancunier et même plutôt amusé d’avoir été abusé par une jeune femme séduisante dont il s’était empressé d’aller voir la photographie sur le site de la Faculté de Lettres de Poitiers, il souhaita faire sa connaissance et lui donna rendez-vous à la terrasse ensoleillée du Cyrano devant les grilles du Jardin du Luxembourg.

6 réflexions sur « Les corneilles du septième ciel (27) »

  1. Comme Il a été établi de manière définitive dans le JdC que les aphorismes (même ceux du Cardinal de Retz) étaient de la diarrhée d’incultes (d’après Jim), je n’oserai pas proposer le plus célèbre de Beaumarchais qui me semble la meilleure réponse aux attaques injustes dont je suis l’innocente victime.

  2. Pour aller dans le sens de Philippe, je signale à Lorenzo une autre faute puisqu’il se trompe à plusieurs reprises de prénoms, utilisant Françoise au lieu de Myriam. Une erreur de jeunesse, à coup sûr !
    Par contre, il avait clairement prévenu en page 1 que des ressemblances avec des personnages du JdC pourraient ne pas être fortuites. Cela étant dit, on se demande bien comment Philippe peut s’identifier à Philippe, le romancier méconnu des Corneilles, icône de Saint Germain des Prés, comme on le verra dans un prochain chapitre (s’il y en a).
    Enfin, tu affirmes ne pas connaître Myriam, mais elle, elle te connait (in Le Cercle Rouge, J-P Melville, 1970).
    Rassurez-vous, la fin de cette histoire qui ne tient pas debout est proche et si elle a pu en irriter certain, je le prie de bien vouloir l’attribuer à mon incompétence et non à un quelconque manque de respect …
    Lorenzo

  3. Il faut quand même savoir ce que parler veut dire et ne pas cacher ses propres erreurs en tordant les mots ni en ré-écrivant l’histoire selon ses besoins. C’est une technique qui, comme la roulette, est russe et dangereuse.
    Si l’on peut concevoir que quelqu’un puisse n’être une icône qu’à ses propres yeux, il est plus difficilement admissible que l’on ne soit célèbre qu’à ses propres yeux. Objectivement, on est célèbre ou on ne l’est pas.
    Si tu voulais dire que Philippe C était célèbre et icône etc.., il ne fallait pas dire le contraire quelques lignes plus bas.
    Si tu voulais dire que Philippe C était méconnu et qu’il n’était une icône qu’à ses propres yeux, il suffisait de l’écrire clairement et de dire, comme Alexandre Vialatte l’avait fait de lui-même, qu’il était un écrivain notoirement méconnu et d’ajouter qu’il n’était une icône de Saint Germain des Prés qu’à ses seuls yeux.
    Mais, comme disait le Cardinal de Retz, on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment.
    Par ailleurs, et puisqu’à nouveau tu as porté sur la place publique des échanges qui n’auraient dû concerner que nous, je vais aller un peu plus loin que le Rubicon.
    Tout d’abord, si je t’ai effectivement demandé de retirer ton commentaire d’Amazon, ce même commentaire, je l’avais publié in extenso dans le JdC le 26/04. Je l’avais même qualifié un peu plus tard de plaisanterie faite en réponse à une demande de service, sans imaginer un instant qu’il puisse être envoyé à Amazon.
    Ensuite, j’ai déjà dit dans un commentaire antérieur que les Corneilles étaient une auto fiction à clé, mais que ses clés avaient la transparence gênante du verre. Quiconque a lu avec un minimum de suivi ne serait-ce que deux ou trois épisodes de cette saga aura compris qui sont en réalité les différents personnages.
    Je viens donc ici même ante muros, coram populo déclarer urbi et orbi que je n’ai aucune cousine s’appelant Myriam, que je n’ai jamais connu aucune pimbêche du nom de Myriam, que par conséquent je n’ai pu faire à Myriam, ni d’ailleurs à aucune autre personne de quelque sexe ou prénom que ce soit aucune des lamentables propositions alléguées par l’auteur des Corneilles, dont on se demande d’ailleurs où il va les chercher.
    J’ajoute que je considère que, du fait de la transparence sus-mentionnée des clés d’interprétation des Corneilles, ce récit porte atteinte à mon image de façon acerbe et désobligeante et que, par conséquent, il me porte un préjudice conséquent qui s’accroit à chaque nouvel épisode. Il est donc temps que ce récit s’achève ou que les noms des personnages en soient modifiés ainsi que certains décors et circonstances par trop reconnaissables.
    Faute de quoi, faute de quoi ! Et ce sera justice !

  4. En raison du refus de la Rédaction de publier le commentaire de Myriam sur Amazon, les fidèles lecteurs du blog ne pourront pas se faire leur propre opinion sur la controverse qui l’oppose à l’auteur et c’est bien regrettable. Quant on sait leur objectivité sans failles (à part Lariéchigeoise), leur avis serait pourtant une pièce importante à verser au dossier (d’après mon avocat).

  5. Les commentaires acerbes, pour ne pas dire désobligeants, de notre néanmoins bien-aimé Rédacteur en Chef m’obligent à prendre (encore) la plume pour, non pas me justifier, mais rétablir la vérité. Je le fais avec d’autant plus de meilleures grâces que les commentaires se font de plus en plus rares sur le blog. L’âge des lecteurs explique certainement leur silence du à leurs difficultés croissantes à taper sur la bonne touche du clavier du premier coup.

    L’intérêt de la fiction, mon cher Philippe, c’est toi-même qui me l’as appris, est de pouvoir écrire n’importe quoi et son contraire. L’écrivain Ph. était effectivement une icône de Saint Germain des Prés, mais uniquement à ses propres yeux comme la majorité des lecteurs l’avaient compris. Dans la réalité, c’était, et je suis le premier à le regretter, un auteur de fictions méconnu qui n’eut jamais la notoriété qu’il méritait de l’avis de Lariérrechoise.

    Quant à la critique personnelle de Myriam concernant Blind Dinner que notre bien aimé auteur méconnu attend avec impatience, c’est pas demain la veille qu’il en verra la couleur. La raison en est la blessure narcissique qu’il s’est permis de lui infliger en refusant sa première critique d’un humour, certes difficile d’accès, mais néanmoins irrésistible d’après les spécialistes. Il commit ce sacrilège indigne un soir de cuite ce qui constitue sa seule excuse valable aux yeux des membres de l’illustre Académie à laquelle il revendique d’appartenir depuis plus dix ans.

  6. Mais dites-moi, Lorenzo, Philippe C était-il ce célèbre écrivain (icône de Saint Germain des Prés et du Luxembourg) du début du texte ou cet écrivain méconnu du milieu du chapitre ?
    Encore une chose : la critique personnelle de Myriam de Blind dinner, on l’attend toujours, avec ou sans l’aval de l’icône.

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