HISTOIRE DE DASHIELL STILLER (Extrait)

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Bon, après ça, on a vécu des moments difficiles, Sammy et moi. J’avais plus de travail, plus de chambre, plus rien. Il a bien voulu que j’emménage avec lui dans sa chambre rue d’Odessa. La chambre était pas terrible, mais moi j’étais heureuse, vous pensez, toute la journée avec Sammy, à m’occuper de lui et tout ça. Mais au bout d’une semaine, il m’a dit que c’était pas tout ça, que c’était bien beau l’amour et l’eau fraiche, mais que ça manquait de beurre dans les épinards et qu’il allait falloir voir à me mettre au boulot. Quand j’ai compris que le boulot, c’était le ruban…

Le ruban ? Ben, c’est le trottoir, le turf, la racole… faire la pute, quoi ! Quand j’ai compris que c’était ça, j’ai refusé tout net. Alors il m’a flanqué une de ces roustes. J’étais une ingrate — une ingrate, c’est une moins que rien, une qu’a pas la reconnaissance du ventre, qu’il m’a dit — et qu’avec tous les sacrifices qu’il avait fait pour moi, il pensait que je pourrais bien faire ça pour lui, une fois de temps en temps. Quand j’ai dit « Jamais ! », il m’a flanqué une deuxième rouste et il m’a fichue dehors. Il ne voulait plus jamais me voir, même si je revenais en rampant. Ben, c’était pas vrai parce que, quand je suis revenue trois jours plus tard, j’ai pas vraiment rampé, mais il m’a reprise quand même. Et je me suis mise au turbin. Qu’est-ce que vous vouliez que je fasse ? Je pouvais pas vivre sans lui. Et puis, la passe, c’est pas si terrible, vous savez. Ça dépend beaucoup du quartier. Il y a des coins où je voudrais pas aller, hein, pour rien au monde. Les Fortifs, par exemple, c’est que des cinglés, là-bas, dangereux, même. La rue Blondel, c’est à peine mieux… de l’abattage. Mais ici, à Montparnasse, ça va… des artistes, des gens du monde, des étudiants, ça va. Et puis, j’y suis pas restée longtemps sur le ruban. Comme j’étais plutôt douée et que j’avais de la classe — ça c’était grâce aux Garrouste : ils supportaient pas que je cause mal — Sammy m’a installée dans un petit studio rue Bréa et là, j’ai commencé à monter en grade. Ça marchait de mieux en mieux et au bout de trois mois, on a pu s’acheter une voiture décapotable. Un petit coupé Celta 4, une affaire sensationnelle d’après Sammy. Il m’a emmenée au bord de la mer, deux fois. Oh, pas en Bretagne, non c’est trop loin, mais en Normandie, à Cabourg. C’est même là que j’ai rencontré Antoine.
(…)

Les lignes ci-dessus sont extraites du chapitre 3 de « Histoire de Dashiell Stiller ». C’est Armelle Poder, alias Simone Renoir, petite vertu du quartier Montparnasse, qui raconte sa vie.
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