Archives par mot-clé : Philippe

La République de Weimar

Je n’ai pas une grande confiance en Franck Ferrand en tant qu’historien. Ma méfiance est née le jour où j’ai lu un livre qu’un ami qui connaissait mon gout pour l’Iliade m’avait offert. Ce bouquin complotiste dont j’ai vite oublié et l’auteur et le titre était entièrement consacré  à démontrer que la ville de Troie ne se trouvait pas en Turquie, mais quelque part en Angleterre ou en Écosse, je ne sais plus… Il se trouve que Franck Ferrand avait préfacé et promu ce livre ridicule, d’où ma méfiance. D’ailleurs,  je ne connaissais pas F.F. avant de me mettre à écouter Radio Classique comme seule et unique radio d’information. Leur matinale, de 7 heures à 9 heures me convient très bien (mis à part l’invitation du lundi de Luc Ferry). Or, chaque jour, entre 9h et 9h30, Franck Ferrand reprend l’antenne pour raconter un événement historique. Historiquement exacte ou complaisamment amélioré — ça m’est égal — l’évènement est agréablement raconté, parfois instructif, souvent surprenant. 

Le sujet de ce matin du 20 septembre 2025 était la République de Weimar, cette république Continuer la lecture de La République de Weimar

Go West ! (102)

(…) Une lumière s’allume au-dessus de la porte, trois verrous se dénouent bruyamment et la porte s’ouvre, vite bloquée par un entrebâilleur. C’est Walter. Il me regarde du genre « Alors, comme ça, c’est toi, Philippe ! » et referme la porte sans dire un mot. Il la rouvre largement et me fait entrer.
Walter est brun, les cheveux lisses coupés au bol. Il doit avoir une douzaine d’années mais il est déjà grand, un peu fort, un peu enveloppé. Le contraste avec sa sœur est frappant. Je pense qu’il faudra bientôt qu’il fasse attention. Il porte un large bermuda vert militaire et un sweat-shirt presque de la même couleur. Il est pieds nus.
— Alors, comme ça, c’est toi, Philippe ? (…)

Walter parle clairement, il me regarde droit dans les yeux, sans sourire. Je lui réponds négligemment :
— Oui. Patricia est là ?
— C’est toi qui as appelé tout à l’heure ?
— Oui. Patricia est là ?
— Le type qu’elle a rencontré en Suisse ?
— C’est ça. Patricia n’est pas là ?
— Tu couches avec, mec ?
— Tu es fou ! Nous sommes juste amis !
— T’es sûr, mec ?
— Bien sûr que je suis sûr ! Elle n’est pas là ?
— Mouais…
— Écoute-moi juste une seconde, Walter. Continuer la lecture de Go West ! (102)

Cruella de retour ?

Mais qu’est-ce qu’il se passe avec Madame Hidalgo ? Elle était pas dans la Creuse ? Paraît qu’elle est revenue ! Si, si, je vous assure, je l’ai vue à la télévision. Même qu’elle n’avait pas l’air dans son assiette. Ben, oui ! Voilà qu’on reparle d’elle ! Parait qu’on lui cherche des poux dans la tête à propos de ses frais de bouche — c’est quoi ça, les frais de bouche ? Le coût de son rouge à lèvres ? — et de sa garde-robe, de son voyage à Tahiti pour aller, avec son mari, inspecter la solidité d’un plongeoir, la conformité de la hauteur des vagues et l’humeur de sa fille qui habite dans le coin et autres dispendieuses babioles.

Moi, qu’on parle d’elle à propos de tout ça, ça me dérange pas. C’était inévitable. On le savait, qu’elle avait poussé le bouchon plus loin que les autres. C’est sa Nature qui veut ça.
Non, ce qui m’ennuie, c’est qu’elle soit revenue sur le devant de la Seine, Annie Dingo ! Moi qui croyais qu’on l’avait envoyée pour le reste de son mandat dans une jolie maison de repos, à Guéret (dans la Creuse). Elle était pas bien, là-bas ?
Vous vous souvenez du schmilblick ? Non ? Ah ben c’est pas la peine que je me donne du mal à vous tenir informés. Bon, je vous rappelle : Continuer la lecture de Cruella de retour ?

Go West ! (101)

(…) Ms Sherman-Vance reste de marbre. Robert et Alice regardent devant eux. Ils ne se sont même pas retournés quand j’ai ouvert la portière. Harry Belafonte vient d’entamer Jamaica Farewell. Je suis dehors, les pieds sur le bitume, penché vers l’intérieur de la voiture ; les camions me passent au ras des fesses en hurlant ; je me penche un peu plus pour attraper mon sac et, par-dessus le dossier du siège avant, je vois, posées tranquillement sur la banquette, les mains d’Alice et de Robert, leurs doigts entrelacés.
Je referme la portière. Dans la seconde qui suit, le doux ronronnement des huit cylindres de la voiture semble pousser la Lincoln vers l’avant et, tandis que je la regarde s’éloigner, je pense que pour Alice, tout n’est pas perdu. 

Et me voilà de retour dans le Super-Constellation des Flying Tigers. En montant dans l’avion tout à l’heure, j’espérais un peu que Carol serait parmi les hôtesses, mais non. Le quadrimoteur a décollé en milieu d’après-midi face au soleil, puis il a amorcé un large virage sur la gauche, nous laissant admirer les tours de Manhattan qui se découpaient au loin dans une sorte de halo marron au-delà du miroir étincelant de l’East River. Et puis il a mis le cap vers Terre-Neuve. Demain après-midi, nous serons à Paris.
Je suis assis, serré, entre Hervé et Jean-Louis. Les quelques jours que nous venons de passer ensemble à New-York ont épuisé les histoires que nous avions à nous raconter. C’est ainsi que j’ai appris que, lors de mon arrestation sur la plage de Santa Monica, mes Continuer la lecture de Go West ! (101)

Vous avez dit « économies »?

Le premier ministre cherche partout des économies, grandes ou petites, à réaliser un peu partout. Il demande aussi que chaque service de l’état, chaque collectivité donne l’exemple. Comme tout un chacun, j’ai quelques idées la-dessus. Des tas de choses sont possibles. Par exemple, au hasard, à Paris, (dont la dette est, paraît-il, aujourd’hui de 12 milliards et le déficit pour 2024 de 231 millions) :

Anne Hidalgo
    • Arrêt des travaux continuels de transformation de la voirie et des places publiques

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L’Apple Intelligence et la Madeleine

J’ai un nouvel iPad. À bord, il y a maintenant une sorte d’Intelligence Artificielle embarquée. Elle s’appelle Apple Intelligence. Quand on l’utilise, elle travaille en interne sans échanger avec de mystérieux centres californiens ou chinois. De ce fait, bien sûr, elle n’a pas les capacités de la vraie A.I., celle qui fait peur, qui se trompe, et bouffe des milliards de kilowatts-heures. Pourtant, elle peut rendre des services, notamment en matière d’écriture. J’ai expérimenté ses possibilités pour la première fois en lui soumettant le passage le plus célèbre de À la Recherche du Temps Perdu, celui de  la madeleine. Lisez d’abord le passage tel que l’a écrit Marcel Proust. C’est long, mais admirable et facile à lire. 

 (Notre passé) est caché hors de son domaine et de sa portée, en quelque objet matériel (en la sensation que nous donnerait cet objet matériel), que nous ne soupçonnons pas. Cet objet, il dépend du hasard que nous le rencontrions avant de mourir, ou que nous ne le rencontrions pas.

Il y avait déjà bien des années que, de Combray, Continuer la lecture de L’Apple Intelligence et la Madeleine

Go West ! (100)

(…) J’aurais voulu lui expliquer que je n’étais pas ce qu’elle croyait, un petit vagabond fauché, perdu dans un pays trop grand pour lui, à la merci de la compassion ou des caprices de ses citoyens. J’aurais voulu qu’elle sache que chez moi, en France, à Paris, je n’étais pas si fragile, que j’étais entouré d’amis et de parents respectables, que j’étais considéré, moi, futur ingénieur, plein d’avenir, et qu’un jour, bientôt… Mais je n’y arrivais pas. Je n’y arrivais pas parce la colère montait en moi, qu’elle m’obscurcissait l’esprit, bousculait mes idées, encombrait ma langue, et que je n’en pouvais plus. Je devais être rouge de fureur car Ms Sherman-Vance se mit à me regarder d’un autre œil.
— Qu’est-ce qu’il y a ? chuchota-t-elle, inquiète. Ça ne va pas, Philippe ?
C’est sur ce « Ça ne va pas ? » que j’explosai.

Je ne sais plus très bien ce que je lui ai dit, à Bette, ni dans quel ordre, ni sur quel ton. Ce que je me rappelle, c’est que j’ai commencé par rebondir sur son « Ça ne va pas, Philippe ? » avec un « Non, ça ne va pas ! ». Je me rappelle aussi que j’ai dit ça avec fureur, à voix basse, sans desserrer les dents, réussissant le paradoxe de crier en chuchotant. Pour le reste, je ne suis sûr de rien, mais ça n’a pas dû être joli. Je crois bien que je lui ai tout balancé, son insupportable suffisance, son égocentrisme, son snobisme, son manque de considération, la stupidité de ses solutions et jusqu’au manque d’attrait de sa petite-fille. Je crains même de n’avoir pas usé de ces mots-là mais plutôt de certains de leurs synonymes peu élégants que je me refuse à reproduire ici tant je les regrette à présent.

J’ai fini par me taire, un peu essoufflé, un peu surpris par la violence de mon discours, un peu honteux aussi. Je n’ose pas regarder Ms Sherman-Vance. À la radio, Brenda Lee chante I’am sorry. Continuer la lecture de Go West ! (100)

Fait divers : l’explosion de la Rue Saint-Jacques

L’explosion du 21 juin 2023 au 277 de la rue Saint Jacques à Paris 5ème a fait trois morts et des dizaines de blessés.
Quatre photographies prises 1)avant l’explosion, 2)pendant l’incendie qui s’en est suivi, 3)quelques jours plus tard et enfin, 4)deux ans après l’explosion.

Outre les dommages corporels aux victimes décédées ou blessées, des dommages matériels importants ont été causés au voisinage.
Dans les jours et les mois qui ont suivi le sinistre, les réparations des dommages les moins graves ont été effectuées et les décombres ont été sécurisés derrière une palissade, mais l’immeuble du 292 de la rue, qui fait face au siège de l’explosion, est demeuré inhabitable pendant près de deux ans. 

Les rares articles de presse, dont le plus récent remonte à juin de cette année, ne mentionnent aucun progrès dans l’enquête sur les causes du sinistre. Habitant du quartier, je n’ai jamais vu ou même entendu parler de déplacement d’un Expert ou plusieurs Experts judiciaires, encore moins de fouilles dans les décombres. Il est donc très probable qu’elle n’ait pas encore commencé.
On ne parle pas davantage, et pour cause, de la reconstruction de ce bâtiment classé du XVII siècle.

En attendant que la justice de prononce sur les responsabilités, celles des victimes qui étaient personnellement mal assurées ou même non assurées n’ont toujours pas été indemnisées.

 

Go West ! (99)

(…) Moi, je savais bien que si je m’embarquai dans ce voyage avec Bette, je n’aurais jamais le courage d’abandonner au bout de quelques jours la vie de luxe qu’elle m’offrait. Je resterais jusqu’au bout, jusqu’à mon départ pour Paris. Est-ce que je pouvais faire ça à Patricia ? Est-ce que je pouvais la décevoir à ce point alors qu’elle m’attendait dès ce soir chez elle à Bethesda ?
Comme je continuais à peser et soupeser en regardant dehors, Ms Sherman-Vance se souleva légèrement pour changer de position. Elle s’assit de biais, croisa les jambes, et dit :— Et si je vous demandais de dormir avec Alice ?

Dormir avec Alice…
Je roulais les mots dans ma tête. Pourtant, ils étaient clairs et, dans ce pays, sans ambiguïté possible, mais Ms Sherman-Vance les avait prononcés d’un ton si léger, si mondain que je n’étais pas sûr d’avoir compris leur sens. Dans sa bouche, la question semblait anodine, comme de pure politesse, comme si la réponse qu’elle attendait de moi lui était indifférente. C’est sur ce ton, qu’elle aurait pu me dire :  « Accepteriez-vous d’être le cavalier d’Alice au prochain bal des débutantes de Boston ? » ou plus banal encore : « Et si je vous proposais une partie de tennis ? » Je me tournai vers elle. Son visage était impassible, son sourire poli, à peine esquissé, mais son regard contredisait son attitude. Il était profond, insistant, presque angoissé, comme si elle désespérait de me faire comprendre ce qu’elle souhaitait vraiment. Mais pour moi, il n’y avait plus de doute. J’avais compris. D’ailleurs, elle ne tarda pas à ajouter : Continuer la lecture de Go West ! (99)

Le Mari, la Femme et l’Académie

L’Académie Française a été fondée en 1634. Le Cardinal de Richelieu avait défini sa mission :  travailler à « donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences » et, notamment, élaborer un Dictionnaire de référence.

Une application du dictionnaire de l’Académie française est désormais disponible sur Apple Store et autres marchands de rêves. Elle permet en particulier pour chaque mot de connaitre la définition qu’en ont donné les différentes éditions du dictionnaire. La 1ère édition date de 1694 et l’édition actuelle, la 9ème, a été publiée en 2024

Si, pour un mot donné, on consulte les éditions successives, on peut apprécier l’évolution du sens du mot à travers les époques. Je l’ai fait pour deux mots essentiels de notre langue : HOMME et FEMME.
Je me suis limité à la comparaison des définitions premières que je reproduis ci-dessous

1ème édition – 1694
HOMME : Animal raisonnable. En ce sens il comprend toute l’espèce humaine, et se dit de tous les deux sexes.
FEMME : La femelle de l’homme

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