Archives par mot-clé : Philippe

Go West ! (82)

(…) Alors, je m’étais mis à quatre pattes et m’étais approché de mon père par le côté opposé au chien. J’avais hésité un instant, et puis je m’étais allongé sur lui, mon ventre contre son ventre, mon nez dans sa chemise blanche qui sentait le savon. Ni mon père ni Vercors n’avaient bougé, mais j’avais entendu le chien pousser un nouveau soupir d’aise. Quelques secondes plus tard, relevant la tête, j’avais vu mon père qui, tout en prenant soin de ne rien bouger d’autre que son bras, pinçait son cigare entre deux doigts et, d’une pichenette, l’envoyait à travers la fenêtre rejoindre le boulevard cinq étages plus bas. Après, j’avais dû m’endormir.

Bien sûr, Mansi voulut en savoir davantage. Alors je lui ai raconté le collège Sévigné, qui était mixte jusqu’à la huitième, l’école Massillon, religieuse, pas mixte du tout, et puis le Lycée Saint-Louis où j’allais retourner à l’automne. Je lui ai parlé des dimanches de chasse où j’accompagnais mon père, d’abord avec un bâton, puis avec un fusil. Et puis, forcément, je me suis mis à lui parler de mon centre du monde à moi, de mon port d’attache, du jardin du Luxembourg où j’étais venu enfant, puis étudiant, vers lequel, mais je ne le savais pas encore, je reviendrai toujours, à toutes les époques de ma vie, jusqu’à devenir l’un de ces Vieux Messieurs du Luxembourg que chantaient, mélancoliques, les Frères Jacques. Je lui ai raconté aussi le Quartier Latin, La Sorbonne, vieille de sept-cents ans, la Tour Eiffel, dix fois plus jeune, Saint Germain des Prés, Sartre, Montparnasse, La Coupole, Picasso, Hemingway…
Silencieuse, les yeux au plafond, Mansi m’écoutait sans m’interrompre mais je crois que c’était la chanson de mon accent français qu’elle Continuer la lecture de Go West ! (82)

Go West ! (81)

(…)
— Ton sac est dans le placard d’à côté, avec ton passeport. Nous sommes bons, maintenant ?
« Nous sommes bons », c’est la traduction littérale de « We are good ». Au cours de mon voyage, il m’a fallu du temps pour comprendre que cette expression signifie que tout va bien entre deux personnes, qu’il n’y a plus de désaccord.
Le visage dans ses cheveux, j’ai répondu :
— Oui, Mansi. Nous sommes bons…
Effectivement, nous étions bons. Alors, j’ai senti se détendre son corps et monter mon désir.

Le reste de la journée, nous l’avons passé comme un couple, un couple récent, mais établi, tranquille, assis côte à côte sur le divan, à regarder la télévision, à plaisanter sur les programmes en cours, à boire du café, à grignoter des bricoles, à discuter, à se raconter des choses que l’autre ne connait pas encore…C’était la grande réconciliation. Je donnais des détails rigolos sur mon voyage — l’épopée de Tavia courant nue dans le canyon d’Oak Creek lui plut beaucoup —, elle tentait de m’expliquer les règles du football ; je lui disais comment la guerre d’Algérie avait coupé la France en deux, elle me racontait les conflits continuels entre sa tribu d’origine et les Navajos depuis cent ans que leur réserve encerclait totalement celle des Hopis. J’essayais de lui expliquer que La Règle du Jeu était le plus grand film au monde, elle me répondait que je changerai d’avis quand j’aurai vu West Side Story. Parfois, nous nous touchions, mais à peine, tendrement. Nous avions des silences, sans gêne.
Et puis la nuit est arrivée et avec elle, la faim. On a fait frire quelques œufs, Continuer la lecture de Go West ! (81)

Go West ! (80)

(…)Rafraichi et reposé, vêtu de vêtements propres, rassasié de café, j’ai allumé une cigarette et j’ai entrepris d’inspecter la maison de Mansi. J’ai commencé par le placard où elle avait rangé mon sac. Il était toujours là, sous mon éternelle veste en daim, pendue à un cintre. Dans le sac, j’ai retrouvé toutes mes affaires, mes vêtements, mon revolver, mes cartouches, le dictaphone et même mon passeport. Rassuré sur ce point, j’ai poursuivi mon exploration.

Dans le placard d’à côté, les vêtements d’homme qui m’avaient perturbé la veille étaient toujours là. Quelques sobres chemises, bleu ciel ou blanches, deux T-shirts kaki, une tenue militaire de couleur beige, complète, pantalon, veste et calot, plus un treillis et un blouson de combat en toile camouflée, le tout impeccablement propre, sur cintres en fil de fer et sous housses en papier léger à la marque d’une blanchisserie de Barstow. Je remarquai quelques vêtements civils, un blouson léger rutilant en rayonne rouge marqué aux armes argentées d’une équipe de bowling de Junction City, et une veste en daim à frange comme on en trouve dans les boutiques d’artisanat indien en Arizona. Debout côte à côte dans un coin du placard, il y avait aussi deux de ces gros sacs cylindriques militaires en épaisse toile kaki et, sur un des deux sacs, un képi à galon doré et, à côté, un étui pour deux boules de bowling et une petite malle métallique noire fermée par Continuer la lecture de Go West ! (80)

Descartes, Socrate, Coluche, le Bon Sens et Moi (2/2)

« Le bon sens, tout le monde en a ! »
Sagesse populaire – Op.Cit.

Dans notre précédent article, si opportunément intitulé Descartes, Socrate, Coluche, le Bon Sens et moi (1/2), nous avions vu que cette affirmation selon laquelle tout le monde serait suffisamment pourvu de bon sens est une de ces âneries que la sagesse populaire répand impunément depuis des siècles. Pour notre part, nous avions conclu que « certaines personnes peuvent être grandement ou totalement dépourvues de bon sens tout en clamant par les chemins qu’elles en ont bien assez ».

Mais nous avions négligé un point important, et c’est celui de la définition du bon sens. Pas facile de définir ce truc si bien partagé. On pourrait tenter de contourner la difficulté avec une pirouette de ce genre : « Le bon sens, c’est comme le charme : on en a ou en n’a pas. » Mais, comme on peut dire exactement la même chose du talent, de l’oreille absolue, de la recette de la mayonnaise ou du sens de l’humour, on voit bien que cette élégante sentence, d’apparence spirituelle et définitive, et qui présente en plus l’avantage d’être concise, ne résout rien du tout. Elle me fait penser à ce père déficient qui, à toutes les questions existentielles que lui pose son fils de huit ans, répond invariablement « parce que c’est comme ça !». On sait qu’un tel procédé n’est pas le genre de la maison et qu’ici, on n’évite pas les sujets difficiles en sortant je ne sais quelle gaudriole.
Essayons donc quelques définitions, glanées ici et/ou là, selon lesquelles le bon sens, c’est : Continuer la lecture de Descartes, Socrate, Coluche, le Bon Sens et Moi (2/2)

Au revoir, l’Amérique…

Oui, je sais, ce titre est un peu pompeux, emphatique même. Et encore, je n’ai pas dit « Adieu… »! J’aimerais tant donner dans l’understatement ; ce serait tellement plus drôle, tellement plus élégant. Mais comment garder une « upper lip stiff » quand une bonne partie de ce sur quoi vous vous êtes construit s’effondre sous la poussée de ce que vous avez toujours considéré comme le pire de la nature humaine.

Bien sûr, cet effondrement n’est pas vraiment une surprise quand, depuis Continuer la lecture de Au revoir, l’Amérique…

États unis : un nouveau remède contre la rougeole !

En 1990, les USA avaient enregistré près de 28.000 cas de rougeole. Grâce à une vigoureuse campagne incitant à la vaccination et des obligations de vaccinations pour les enfants des écoles publiques, en 2000, le nombre de cas était tombé à 85.

Plus récemment, en 2024, on a détecté au total 385 cas de rougeole. Parmi ces cas, le taux de non-vaccination était de 89%.

Depuis le début de l’année 2025, en trois mois, il y a eu 321 cas de rougeole déclarés, principalement au Texas et au New Mexico. Le taux de non-vaccination était de 95%.

Pendant ce temps, Robert F. Kennedy Jr, Ministre de la Santé, attribue cette épidémie à la mal-bouffe pratiquée par Continuer la lecture de États unis : un nouveau remède contre la rougeole !

Go West ! (79)

(…) Une autre fois, je plane ; littéralement, je plane ; comme un vautour ; je suis un vautour ; je vole lentement en larges cercles au-dessus de la table basse ; ma vision de vautour est perçante et je distingue parfaitement les détails de la pièce, la table, les chaises, les tapis, le poste de télévision et, dispersés au milieu du désordre, des corps à moitié nus, enchevêtrés, emmêlés sur le canapé, sur la table, sur le sol, des corps qui remuent lentement comme un nœud de serpents et parmi lesquels, je le reconnais au peignoir jaune qui l’embarrasse, il y a le mien.

Et puis, j’ai eu une vision. Insérée quelque part au milieu des images incohérentes et irrationnelles qui me sont restées en mémoire et de celles qui n’ont pas laissé de trace, j’ai eu une vision très précise. Une vision… je n’aime pas cette idée. Je n’avais pas cru un instant à la vision de Mansi. J’avais mis son récit sur le compte d’une idéalisation ou plutôt d’une rationalisation de son coup de foudre pour Bo. Que l’on puisse avoir une prémonition aussi précise, une vision aussi nette d’un instant à venir était en pleine contradiction avec mes certitudes rationnelles. S’il était possible à qui que ce soit d’avoir une vision de l’avenir, le sien ou celui d’un autre, cela voudrait dire que le futur existe déjà quelque part et qu’il est possible d’y avoir accès, et cela, je me refuse à y croire.

Malgré tout, malgré Continuer la lecture de Go West ! (79)

Descartes, Socrate, Coluche, le Bon Sens et moi (1/2)

Beaucoup de gens pensent que le bon sens est suffisant pour bien mener sa barque. Ces gens-là disent « A quoi bon l’histoire, la littérature, les maths, la philosophie, la culture en général, à quoi bon l’intelligence même du moment qu’on a du bon sens ? Et le bon sens tout le monde en a ! » Pour le prouver, inévitablement, ils vous ressortent cette antienne “Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée“.
Et avec ça, ils sont contents, les gens ; ils disent « Alors ! Vous voyez bien ! Le peuple a du bon sens, même qu’il est très bien partagé, le bon sens, et même que c’est Descartes qui l’a dit, et Descartes, c’est pas la moitié d’un imbécile. » (Eh oui, c’est comme ça qu’ils s’expriment, les gens !)

Et moi, je dis d’accord : Descartes (1596-1650) n’était pas la moitié d’un imbécile. Et j’ajoute : mais ce qui est totalement idiot, c’est de ne pas citer Descartes complètement. Voyons voir : dans le Discours de la Méthode, perché qu’il était sur son poêle, le bon vieux René avait dit : « Le bon sens est Continuer la lecture de Descartes, Socrate, Coluche, le Bon Sens et moi (1/2)

Sous le soleil de Trump

Quelques aphorismes de saison et un peu plus.

Deux ennemis héréditaires, l’un mafieux, l’autre dictateur, s’unissent pour casser l’Union Européenne.
L’union fait la force, d’accord, mais pour qui ?

L’Amérique a renoncé à incarner le monde libre.

Désormais, ce n’est plus « America First » mais « America Alone » (François Bujon de l’Estang)

François Hollande juge Macron “trop discret sur Trump“. Il a sans doute oublié qu’un Président de la République ne peut s’exprimer comme un député de la Corrèze.

Il y a quatre jours, Elon Musk a re-Tweeté sur son réseau X un message affirmant que Staline, Hitler et Mao Tse Young n’avaient pas causé la mort de millions de personnes pendant leur exercice du pouvoir et que c’était les fonctionnaires qui l’avaient fait. Peu de temps après, Continuer la lecture de Sous le soleil de Trump