« Le bon sens, tout le monde en a ! »
Sagesse populaire – Op.Cit.
Dans notre précédent article, si opportunément intitulé Descartes, Socrate, Coluche, le Bon Sens et moi (1/2), nous avions vu que cette affirmation selon laquelle tout le monde serait suffisamment pourvu de bon sens est une de ces âneries que la sagesse populaire répand impunément depuis des siècles. Pour notre part, nous avions conclu que « certaines personnes peuvent être grandement ou totalement dépourvues de bon sens tout en clamant par les chemins qu’elles en ont bien assez ».
Mais nous avions négligé un point important, et c’est celui de la définition du bon sens. Pas facile de définir ce truc si bien partagé. On pourrait tenter de contourner la difficulté avec une pirouette de ce genre : « Le bon sens, c’est comme le charme : on en a ou en n’a pas. » Mais, comme on peut dire exactement la même chose du talent, de l’oreille absolue, de la recette de la mayonnaise ou du sens de l’humour, on voit bien que cette élégante sentence, d’apparence spirituelle et définitive, et qui présente en plus l’avantage d’être concise, ne résout rien du tout. Elle me fait penser à ce père déficient qui, à toutes les questions existentielles que lui pose son fils de huit ans, répond invariablement « parce que c’est comme ça !». On sait qu’un tel procédé n’est pas le genre de la maison et qu’ici, on n’évite pas les sujets difficiles en sortant je ne sais quelle gaudriole.
Essayons donc quelques définitions, glanées ici et/ou là, selon lesquelles le bon sens, c’est :
– La capacité de bien juger, sans passion
– La raison, l’évidence partagée avec le plus grand nombre
– Un jugement sain et prudent basé sur une simple perception de la situation ou des faits
– Un foyer de sagacité et de perspicacité
Cette première série reflète clairement la vision communément répandue. Bien sûr qu’en théorie, le bon sens, ce devrait être ça, un don, une qualité : la capacité de bien juger avec sagacité. C’est une vision positive, complaisante, préférée de ces gens dont je parlais dans mon article précédent qui considèrent être pourvus de bon sens en quantité suffisante.
Mais si on continue à glaner les définitions , on va nécessairement finir par tomber sur des trucs de ce genre : le bon sens, c’est
– Une raison grossière, ordinaire et emplie de préjugés.
– Un état d’ignorance où dominent l’opinion et le préjugé
– La rationalisation plus ou moins consciente d’un certain niveau d’ignorance auto-satisfaite et ignorée.
Ces trois dernières définitions offrent une vision pessimiste mais autrement plus réaliste que les précédentes descriptions d’un bon sens idéalisé. Malgré sa complexité apparente, la meilleure des trois me semble être la dernière parce que, d’une part, elle tient compte de l’aveuglement volontaire du malheureux possesseur de ce fameux bon sens, et d’autre part, parce que c’est moi qui l’ai trouvée.
En réalité, le bon sens tel qu’il est résumé dans les lignes ci-dessus s’oppose à tout ce qui différencie l’Honnête Homme du Président des États Unis et notamment l’Esprit des Lumières, c’est à dire principalement l’Esprit critique, l’Esprit scientifique et l’Esprit philosophique.
En effet, le bon sens a pour effet principal de dispenser celui qui s’y fie de toute analyse de la réalité des faits du moment qu’ils paraissent « relever du bon sens ». Dans la même ligne de pensée, le bon sens est contraire à l’esprit scientifique qui ne prend rien pour acquis qui ne soit prouvé. Et enfin, il est contraire à l’esprit philosophique, ou du moins à l’esprit platonicien, qui dit « Je ne sais qu’une seule chose, c’est que je ne sais rien »*, car le tenant du bon sens se dit au contraire « Je sais une chose, c’est que j’en sais bien assez ! »
Note * : Si vous cliquez sur la citation en rouge ci-dessus, vous serez conduits gentiment jusqu’à un article fort intéressant sur sa réelle signification.
Zut moi qui pensais en avoir à défaut d’intelligence et en était assez satisfaite, me voilà bien déçue !!!
La définition du bon sens est effectivement à ne pas négliger, par exemple celui de l’homme en marche vers un but, au sens figuré bien sûr. J’ai eu l’occasion ici de rappeler le bon sens que doit appliquer le marin à sa route. Pour un homme en marche son avenir devant lui, un homme politique par exemple, il l’aura dans le dos chaque fois qu’il se retournera, d’ac? Je sais, c’est ***descendant de ma part d’énoncer des vérités pareilles qui n’élèvent pas le débat.