« Entre guillemets »

Ceci est une rediffusion d’un article  publié sur le JdC il y a plus de dix ans. Mon opinion sur cette manie qui n’a pas cessé de se répandre n’a pas bougé d’un iota.

 (Critique aisée n°58)

Voici ce que disait Proust il y a cent ans de cette agaçante manie qui consiste à parler entre guillemets. A l’époque du petit Marcel, on ne soulignait cet artifice que par une intonation spéciale (machinale et ironique, comme le dit le narrateur). Aujourd’hui, dans une époque de smileys, d’idéogrammes et d’acronymes infantiles, on croit bon de faire la même chose en y ajoutant ce geste stupide qui consiste à lever les deux mains à hauteur des épaules en dressant l’index et le majeur de chaque main de manière à former deux sortes de V, puis à plier ces quatre doigts à deux reprises. En ayant tracé ainsi dans l’espace deux guillemets de part et d’autre de son visage, on se croit autorisé, par cette typographie virtuelle, à dire n’importe quelle ânerie, pensant s’en être désolidarisé à l’avance par la mimique à la dernière mode.

« …et je remarquai, comme cela m’avait souvent frappé dans ses conversations avec les sœurs de ma grand’mère que quand il parlait de choses sérieuses, quand il employait une expression qui semblait impliquer une opinion sur un sujet important, il avait soin de l’isoler dans une intonation spéciale, Continuer la lecture de « Entre guillemets »

Go West ! (104)

— Et là, tu vois, tout s’éclairait, tout s’arrangeait. Patricia était redevenue tendre, on allait déposer Walter dans son summer camp et on allait être tranquilles, tous les deux, pendant des jours et des jours… et des nuits.
— Et ça ne s’est pas passé comme ça, bien sûr !
— Ben non… Pas tout à fait… Mais quand même un peu…
— Pauvre cloche, va !

Nous sommes partis dans la petite Coccinelle bleu métallisé de Patricia, elle au volant et moi à côté. A l’arrière, Walter partageait la banquette avec une glacière que Patricia avait préparée pour notre pique-nique. Juste avant que nous quittions la maison, je l’avais entendue se disputer avec son frère et depuis, Walter n’avait plus dit un mot. Il faisait la gueule en regardant fixement dehors à travers la vitre. Au début du voyage, Patricia avait tenté de rétablir la communication en vantant le Sparrows sailing summer camp où il allait passer les deux prochaines semaines, la plage sur la baie de Chesapeake, les dériveurs, les soirées feu de camp, les chahuts dans les chalets, le spectacle de fin de séjour. Elle même y était restée tout un mois l’été de ses quatorze ans et elle en avait gardé un formidable souvenir. Bien sûr, le camp des garçons était séparé de celui des filles, mais elle se souvenait de deux ou trois endroits pas très bien surveillés qui permettaient de passer d’un camp à l’autre… À tous les avantages qu’énumérait Patricia, son frère se contentait de répondre « M’en fous !» avant de Continuer la lecture de Go West ! (104)

Le Roman des regards

Un texte original, très personnel, de Daniel Pennac sur l’art et sur l’œuvre d’un étrange photographe qu’on découvrira avec jubilation.
Un jour au Centre Pompidou, Daniel Pennac aperçoit un homme qui photographie les visiteurs de dos, à la seconde où ils se penchent sur une toile – une démarche qui semble même suspecte puisque, une fois le cliché pris, il s’éloigne à grandes enjambées. Lorsque Pennac le revoit peu après au musée d’Orsay, son comportement l’intrigue tant qu’il le suit dans les rues de Paris, jusqu’au Louvre, où cet homme recommence le même manège…
Et quelle surprise, des semaines plus tard, quand Pennac découvre que son nouveau médecin, le Dr Laurent Mallet(1),n’est autre que le mystérieux individu ! Ce gastro-entérologue reconnaît les faits, et lui raconte qu’il s’apprête à intensifier son activité de photographe amateur, puisqu’il va bientôt partir à la retraite.
Depuis des années, Daniel Pennac souhaitait rendre compte de cette création photographique hors normes – plus d’un demi-million de clichés pris dans des Continuer la lecture de Le Roman des regards

Le dictionnaire de mon grand-père

Ces feuilles serrées dans une sorte d’étui en cuivre, c’est un dictionnaire. Il fait 5 centimètres de hauteur, 3,8 de largeur et  1 d’épaisseur. Aujourd’hui, il comporte 601 pages.
Ce dictionnaire ne donne pas la définition des mots, mais seulement leur orthographe. Quant il s’agit d’un substantif, il précise le genre.
Il est un peu abîmé, ce dictionnaire. Il lui manque les 34 premières pages — de abat à arroger —  de même que les pages au-delà de la page 635. Les pages 35 à 153 sont fripées mais encore lisibles.

S’il est abîmé comme ça, c’est qu’il a fait toute la guerre de 14 dans la poche du Caporal Coutheillas, Marcellin, mon grand-père. Lui qui n’avait pas son certificat d’études le consultait pour écrire son journal de guerre car, à cette époque, une parfaite orthographe était Continuer la lecture de Le dictionnaire de mon grand-père

Coutheillas&Amazon Ltd – Rapport d’activité, statistiques et comparaisons utiles

Exemplaires vendus (Tableau n°1)

Entre 2023, première année de parution, et fin septembre 2025, l’association Coutheillas&Amazon Ltd a vendu en tout 204 exemplaires des livres présentés au public.
On notera plus particulièrement le succès de Blind Dinner avec 55 exemplaires vendus, l’échec relatif des Disparus de la Rue de Rennes, dont on dit qu’il serait dû à une campagne négative et clandestine dont le point de départ se trouverait à l’Hôtel de Ville, et la modestie des ventes des Trois Premières Fois, peut-être explicable par la date plus récente de sa parution.

TABLEAU N°1
TITRE TOTAL 2023 2024 2025
BLIND DINNER 55 46 3 6
LA MITRO 29 21 2 6
HISTOIRE DE DASHIELL STILLER 33 26 3 4
BONJOUR, PHILIPPINES ! 25 15 7 3
HISTOIRE DE NOEL 29 14 8 7
LES DISPARUS DE LA RUE DE RENNES 18 11 7
LES TROIS PREMIÈRES FOIS 15 10 5
TOTAL 204 122 44 38

Fiches produit et Mentions obligatoires (Tableau n°2)

Conformément à la réglementation européenne, les prix à la page et au poids sont indiqués dans Continuer la lecture de Coutheillas&Amazon Ltd – Rapport d’activité, statistiques et comparaisons utiles

Go West ! (103)

(…) Elle a dit non, qu’il était tard, qu’elle était fatiguée, qu’elle devait se lever de bonne heure demain matin, qu’on allait réveiller son frère et que la véranda… que non, vraiment, la véranda, ce n’était pas possible. J’ai insisté un peu, mais elle m’a regardé avec ce sourire si doux, un peu triste, mais aussi un peu prometteur. Alors, j’ai lâché sa main. Elle s’est dressée sur la pointe des pieds pour déposer sur mon font un baiser aérien et je l’ai regardée grimper l’escalier, légère, et disparaître vers sa chambre. Debbie Reynolds…
C’est là que j’aurais dû comprendre.

— Et tu n’as pas compris…
— Eh ben… non ! À ce moment-là, je n’ai pas compris.
— Tu n’as pas compris que l’heure tardive, la fatigue, le frangin, la véranda, ça faisait beaucoup de raisons pour un refus.
— Mais, c’était vrai tout ça ! Il était tard, il y avait Walter à l’étage au-dessus, et puis, et je l’ai tout de suite regretté, vouloir entraîner Patricia sur la moquette de la véranda, c’était quand même un peu brutal…
— Et même carrément sordide. Ça ! Pour un soi-disant romantique… enfin… Et le baiser sur le front… pas vraiment amoureux, le baiser sur le front… plutôt amical, presque maternel… On n’embrasse pas comme ça quelqu’un qu’on attend depuis des mois, voyons !
— Tu as sûrement raison mais, qu’est-ce que tu veux, moi, je voulais y croire, à ses excuses. Je voulais croire que ça allait s’arranger. J’y trouvais même un côté positif, à son drôle d’accueil : je me disais que le lendemain, quand elle serait reposée, disponible, quand on se serait débarrassé Continuer la lecture de Go West ! (103)

Les routiers sont-ils vraiment sympa ?

Je me souviens de mes premières années de conduite. C’était il y a bien plus de soixante ans (O.M.G. ! Soixante ans !). À cette époque, en France, il n’y avait que très peu d’autoroutes : une trentaine de kilomètres vers l’ouest à partir de Paris, une quinzaine vers le sud, pas davantage au sud de Lille, une vingtaine au sud de Lyon et la même chose au nord de Marseille, et encore, je n’en suis pas sûr. Les routes étaient magnifiques, souvent bombées et bordées de platanes. On parcourait campagnes, villes et villages sans traverser de zone commerciale ou industrielle. Il n’y avait pas de encore de Courtepaille, pas davantage de Novotel ou de Formule 1. Les restaurants de bord de route s’appelaient  « Le Lion d’Or », « Chez Angèle », « L’Auberge Saint-Christophe », quelques uns présentaient un panneau spécial bleu et rouge « Les Routiers ». Il y en avait même qui offraient deux salles, une pour les chauffeurs routiers (nappes en papier, verres à moutarde, menu unique) et une pour les voyageurs (nappes en tissu, verres à pieds et carte du jour). Quant aux hôtels, on ne les trouvait qu’au centre des villes, Place de la Gare, Avenue Gambetta, Cours de la République. Ils s’appelaient Hôtel Monopole, Hôtel de Sens et de la Poste, Hôtel des Voyageurs…

On roulait vite, on roulait agressif, on roulait Continuer la lecture de Les routiers sont-ils vraiment sympa ?