(…) L’homme ne prête pas attention à Bernard, il regarde devant lui, les yeux dans le vague. Bernard hésite et se lance :
« Excusez-moi, monsieur, mais votre ami m’a dit que …
— Non, dit l’homme.
— Pardon ?
— Boutros ne vous a rien dit. Il ne parle pas votre langue. Mais j’ai entendu votre question.
— Alors ? Vous pouvez me dire où vous allez en Italie ?
— Non et non, dit l’homme, impénétrable. »
L’air idiot, Bernard ne peut que répéter cette réponse qu’il n’a pas comprise :
« Non et non ?
— C’est cela, dit l’homme au sac avec une toute petite étincelle de gaité dans le regard, non, je ne peux pas vous dire où nous allons et non, ce n’est pas en Italie.
— Vous n’allez pas vers l’Italie ? insiste Bernard qui, tout à son problème, n’a rien vu de l’étincelle.
— Puisque nous y sommes, dit l’homme de plus en plus énigmatique.
— On est en Italie ?
— Je le crains. Vous auriez préféré autre chose ? »
Le ton mondain que vient d’utiliser son interlocuteur vient de faire comprendre à Bernard que le bonhomme veut s’amuser. Énervé, il élève la voix :
« Écoutez, monsieur. Je suis fatigué, je suis épuisé, je n’en peux plus. Je viens de vivre les pires heures de ma vie. On s’est moqué de moi, on m’a tapé dessus. J’ai tué un homme. C’était lui ou moi, mais je l’ai tué. La police me poursuit depuis des heures, j’ai parcouru des kilomètres de tunnels pleins de rats. Je me suis cogné partout, je suis tombé un million de fois ; j’ai froid, j’ai faim, Continuer la lecture de Gisèle ! (18)
