Rendez-vous à cinq heures pour la revanche

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À CHARGE DE REVANCHE !
par Patrick

Il n’y a pas de rubriques sportives dans le JDC qui se veut être depuis sa création il y a 10 ans un journal culturel. Il était temps que cette anomalie soit corrigée une fois au moins alors que la finale  du championnat du monde de rugby à XV vient de consacré à Paris son vainqueur: C’est l’Afrique de Sud et c’est pas la France, tant espérée. De profundis!
J’aime le rugby à XV, en spectateur je précise, dont on dit que c’est un sport de voyous joué par des gentlemen avec un ballon oval, inventé en Angleterre à Rugby. Deux équipes de 15 joueurs se disputent ce ballon oval dans un jeu brutal. Les règles du jeu sont strictes, ce qui nécessite la participation d’un trente-et-unième joueur sur le terrain, dit l’arbitre, pour faire respecter les règles de façon loyale et infaillible. Loyale? Infaillible? Pas sûr! C’est ce que je vais tenter d’illustrer dans l’histoire qui a pour titre :

À CHARGE DE REVANCHE !

Comme tous les français, amateurs de rugby ou non, j’espérais que le match final du championnat du monde 2023 organisé en France opposerait l’équipe de France, « les Bleus », à l’équipe de Nouvelle Zélande, les « All Blacks ». Je pariais sur la victoire des Bleus, d’un point m’aurait suffit. Le président Macron souhaitait lui aussi cette victoire des Bleus qui eut édulcorer un moment le blues endémique des français. Pour moi c’était plutôt une affaire de revanche. Revanche sur une victoire précédente des All Blacks et sur l’arbitrage contestable qui la facilita. Je dis ça en toute sportivité bien sûr. Démonstration.

ACTE 1, en 2007. En quart de finale des championnats du monde au Pays de Galle, les Bleus éliminaient les All Blacks par une victoire de 20 à 18 grâce à un essai magnifique mais chanceux des Bleus en toute fin de partie qui vola aux Blacks la possibilité d’aller en finale pour être sacrés champions du monde. Les Blacks furent furieux et toute la Nouvelle Zélande avec eux, à juste titre. L’arbitre anglais, Monsieur Wayne Barnes, l’un des meilleurs de l’époque, avoua honnêtement après coup mais trop tard, qu’il n’avait pas perçu la « passe en avant » qui, s’il l’avait sifflée, n’aurait pas permis l’essai français victorieux. Les Néo-Zélandais ne nous pardonnèrent pas cette offense, crièrent vengeance, mais c’est comme ça en rugby, l’arbitre fait partie du match et de son résultat, juste ou injuste! Cette victoire chanceuse en quart de finale ne profitera pas aux Bleus. Ils perdront en demi-finale face aux Anglais et seront écrabouillés par les Argentins en « petite finale ». Ce sont les Spingboks sud-africains, vainqueurs des Anglais, qui seront sacrés champions du monde. 

ACTE 2, en 2011. La Nouvelle Zélande organisait chez eux le championnat du monde. Les All Blacks étaient unanimement jugés favoris pour recevoir le titre de champions du monde. Ô surprise, qui se retrouva contre eux en finale? Les Bleus, encore eux ! La presse locale prédisait une humiliation cinglante de la France, en réponse tout à la fois à la supercherie du match de 2007 et à l’affaire du Rainbow Warrior 26 ans plus tôt. L’arbitre cette fois était sud-africain, Monsieur Craig Joubert. La partie fut particulièrement intense. Je l’ai vécue sur grand écran dans un bistro de Villefranche-sur-mer bondé d’aficionados, dans une atmosphère explosive. Les Bleus menés par leur capitaine Thierry Dusautoir (auteur du seul essai français) se battaient comme des lions, mais l’arbitrage de Monsieur Joubert n’était pas en leur faveur. Plusieurs fautes blacks graves ne furent pas sifflées, notamment un knock-out du poing et du genou de la part du capitaine blacks Richie McCaw, parfaitement visible à l’écran, sur le jeune et très doué demi d’ouverture et butteur indispensable Morgane Para. L’arbitre Monsieur Joubert négligea l’incident. Un arbitrage vidéo comme aujourd’hui eu probablement pénalisé d’un carton rouge le soit disant gentleman Richie McCaw. Dans les toutes dernières minutes, alors que les Blacks ne menaient que 8 à 7, les Bleus étaient à quelques centimètres de la ligne des Blacks, un essai, un drop ou une pénalité blacks, aurait donné la victoire aux Bleus. Les Blacks de leur côté jouaient la montre, autrement dit faisaient de l’anti jeu. Monsieur Joubert laissait faire et remarqua soudainement une faute bleue. Je ne me souviens même plus laquelle. Le match était terminé et les Blacks sacrés champions du monde comme il se devait être depuis le début du championnat. Il n’empêche que c’est le résultat du match final du championnat qui consacre le champion du monde, pas la réputation d’une équipe au préalable. Une question se pose à moi depuis 2011: pourquoi, de mon point de vue de rugbyman sur canapé, une telle mansuétude de Monsieur Joubert, arbitre sud-africain, à l’égard des Blacks. Une punition rétrospective en revanche sur le match de 2007? Un arbitrage tendancieux à charge de revanche pour l’avenir? Allez donc savoir, peut-on deviner ce qui se passe dans la tête d’un arbitre?

ACTE 3, en 2023. Le championnat du monde est organisé en France et l’équipe de France, les hommes de Fabien Galthié comme certains la nomment, emmenée par son capitaine Antoine Dupont, déjà sacré meilleur joueur de rugby au monde, est pronostiquée gagnante. Une situation donc identique à celle des Néo-Zélandais en 2011. Dans le match d’entrée au championnat les Bleus battent les All Blacks puis les trois autres équipes de sa poule. Vient alors le quart de finale qui oppose les Springboks sud-africains aux Bleus. Si les Bleus gagnent ce match, il est plus que probable que la finale sera entre la Nouvelle Zélande et la France, la revanche tant attendue depuis 2011. L’arbitre est Monsieur Ben O’Keeffe, néo-zélandais. Pourquoi, de l’avis de nombreux observateurs, officiels de la World Rugby, arbitres réputés comme Nigel Owens, journalistes sportifs, et moi l’observateur sur canapé, ses fautes d’arbitrage flagrantes en défaveur de la France? Une revanche tardive sur la défaite blacks de 2007 et celle plus récente en ouverture de ce championnat? Une charge de revanche à honorer envers Monsieur Joubert et son arbitrage en finale de 2011? Non, j’imagine un plan plus machiavélique consistant à éliminer la France en ce quart de finale pour éviter une nouvelle finale Bleus contre All Blacks dont beaucoup pronostiquaient les Bleus vainqueurs. Monsieur O’Keeffe a gâché mon plaisir d’apprécier un beau match. Il m’a privé de la fierté d’une France enfin championne du monde de rugby et première nation à entrer dans ce panthéon qui est une chasse gardée des pays du Commonwealth anglo-saxon qui règne sur les deux hémisphères de la planète rubistique.

Dans une interview à un journaliste Néo-Zélandais au lendemain du match, Ben O’Keeffe déclarait, très relax, sans remords: « je sais que nous ne sommes jamais parfaits en tant qu’arbitres, on fait certainement des erreurs dans le jeu ». Je n’ai rien à ajouter à cet aveu, sinon que ce match s’est bel et bien disputé à quinze contre seize.l

10 réflexions sur « Rendez-vous à cinq heures pour la revanche »

  1. @Lorenzo. C’est justement ce que je trouve remarquable dans le rugby: le fair play, à l’anglaise! Les anglo saxons, hémisphère nord comme hémisphère sud, ne remettent jamais en cause les décisions de l’arbitre. Ils sont brutaux, toujours à la limite des pénalités, mais c’est aussi ce qu’ils attendent des adversaires, anglo saxons ou non. C’est la règle du jeu, celle qui permet d’apprécier une victoire, c’est aussi ça le fair enough. Un match avec un score de, disons, 56 à 8 par exemple, c’est bien pour le spectacle des essais qui s’enchaînent, mais n’a aucun intérêt sur le plan purement jeu de rugby. D’ailleurs, tous les match de haut niveau, opposant les meilleures équipes au monde, se terminent avec un écart de quelques points, souvent réversibles par un essai (5 jeu 7 points) ou une simple pénalité (3 points). Ce que je viens d’écrire à propos du fair play anglais ne s’applique pas qu’au rugby, mais aussi dans toutes les situations de rivalité, politiques ou diplomatiques par exemple. Les anglais aiment avoir des rivaux (pas des ennemi, là c’est différent) et ils ont un arme infaillible pour au moins les dominer: l’humour! Churchill était un parfait exemple du fair play anglais, respectueux envers les rivaux mais intraitable avec les ennemis.
    Cela dit, j’admire les équipes débutantes, telles le Portugal, l’Italie autrefois, qui s’opposent aux plus grandes pour apprendre et espérer devenir un jour en quart de finale, c’est à dire parmi les 8 meilleures au monde.

  2. « Je pense que la pire des choses est de dire à nos enfants et nos petits-enfants que si nous avons perdu, c’est la faute à l’arbitre. »
    Il y a un grand nombre de choses que l’on ne peut pas dire à nos enfants et petits enfants, mais que l’on dit couramment entre adultes consentants, la plus importante étant : « le Père Noël n’existe pas »

  3. @ Jim : la vérité est que les anglais ont inventé le fair-play pour les autres.

  4. @ Patrick : bien d’accord avec toi. Je pense que la pire des choses est de dire à nos enfants et nos petits-enfants que si nous avons perdu, c’est la faute à l’arbitre. C’est un principe qui n’a pas cours dans la vraie vie.

  5. C’est vrai, les Anglo-saxons inventeurs du fair play contournent sans scrupules ce principe selon un autre principe qui est celui du tous les coups sont permis et du pas vu pas pris. Ils jouent toujours pour gagner. Mais ils sont aussi les inventeurs du « fair enough » quand ils sont pris à leur propre jeu. Toutes ces notions sont à la base du rugby, un sport brutal qui nécessite maintenant un arbitrage vidéo au secours de l’arbitre sur le terrain, arbitrage faillible lui aussi. Quoi qu’il en soit, le rugby reste pour moi le sport d’équipe le plus enthousiasmant à regarder. Je ne crache pas sur le football, sur le basket ball, sur le hand balle, ils ont leurs lettres de noblesse eux aussi mais ils se jouent avec un ballon rond, tandis que le rugby se joue avec un ballon oval, parfois malicieux pour pimenter le jeu, avec un faux rebond par exemple.

  6. Les Anglais sont les inventeurs de la notion de fair play. Par gout de l’efficacité, les Anglo-Saxons ne la pratiquent que fort peu.

  7. @ Lorenzo dell’acqua. Hier matin, l’un des rares chroniqueurs que j’aime bien sur l’A2, Axel de Tarlé, expliquait que le rugby était un sport pratiqué dans les pays démocratiques et pas dans les pays autoritaires. Il attribuait cette réalité au fait que l’arbitrage dans le jeu ne se discute pas, non pas qu’il soit infaillible mais parce qu’il est souverain. Je suis totalement d’accord sur ce point. J’ai d’ailleurs regretté la remarque, pourtant timide, de Antoine Dupont en conférence de presse après le match qui a dit son regret que « l’arbitrage n’avait pas été au niveau de l’enjeu aujourd’hui ». Galthié n’a pas fait la même erreur et a rattrapé le coup. Mon texte écrit dans la précipitation, donc peut être faillible, voulait aussi rappeler par ailleurs que les arbitres n’en sont pas moins des êtres humains et « on » ne sait pas trop ce qui se passe dans leur tête. « On » peut donc en discuter en mauvais joueur, les anglais, inventeurs du rugby, diraient en étant pas « good sport ».

  8. « l’arbitre est fautif car il n’a pas sanctionné quatre fautes de l’Afrique du Sud mais il n’a pas sanctionné non plus cinq fautes de la France … »
    Inexact.
    World Rugby, qui est l’organisme international qui gère le rugby à XV et définit notamment les règles du jeu (Wikipedia), a identité 5 erreurs d’arbitrage, 3 en faveur de l’Afrique du Sud et 2 en faveur de la France. Le départ précoce du joueur d’Afrique du Sud sur la tentative de transformation française était sans doute le plus facile à identifier (sur écran) et à rectifier (rejouer la transformation).
    Les erreurs d’arbitrage, cela arrive; elles font partie du jeu. Mais le refus de l’arbitre de re-visionner ce cas indubitable est très étrange.

  9. L’Angleterre a gagné la Coupe du Monde de Rugby en 2003
    Je suis un passionné de rugby et je suis aussi chauvin que Patrick. Néanmoins, il faut bien un arbitre sinon on ne peut pas jouer le match …
    Dans le match perdu contre l’Afrique du Sud en quart de finale, on peut effectivement nourrir des regrets car, sur la papier, nous étions peut-être les meilleurs. Mais en sport, comme dans la vie, la seule chose qui compte au final, ce ne sont pas les regrets mais les victoires.
    Surtout, et je trouve que c’est une conclusion implacable à ce débat, une analyse rétrospective du match a été faite par un ou des arbitres neutres La conclusion est la suivante : l’arbitre est fautif car il n’a pas sanctionné quatre fautes de l’Afrique du Sud mais il n’a pas sanctionné non plus cinq fautes de la France …

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