Tous les articles par Philippe

Go West ! (37)

(…) Et moi, j’ai fini de jouer mon rôle, je suis fatigué et je voudrais bien que tout ça s’arrête, parce que moi, je n’ai ni secrétaire ni voiture et il va falloir que je m’arrête pour souffler un peu, il va falloir que je dorme. Seulement pour le moment, je ne pense qu’à m’éloigner de l’officier de police Jack Clemmons, de sa voiture et de cette foutue maison.
Tout au long des années qui ont suivi ces événements, j’ai souvent repensé à cette nuit du 4 août 1962, forçant ma mémoire à revenir sur chaque détail. Depuis, j’ai lu, je crois, presque tous les livres et articles de presse qui y ont été consacrés et aujourd’hui, je me rends compte que je suis sans doute l’une des rares personnes vivantes à connaître la vérité. 

Voici donc ce qui est arrivé après que j’aie traversé la dernière propriété privée et me sois retrouvé à trainer mon sac sur Bondy Drive.

Au bout d’un temps infini, j’ai fini par passer devant un chantier où l’on construisait une de ces grandes villas faites entièrement de bois. Il était ouvert sur la rue et j’y entrai sans difficulté. Il devait être un peu avant minuit et le lendemain était un dimanche. Au moins, je ne risquais pas d’être surpris à l’aube par une équipe d’ouvriers. Pourtant, si la police se mettait à fouiller le quartier, elle ne manquerait pas de s’intéresser à ce chantier. Mais je n’y croyais pas vraiment. Pourquoi se lancerait-elle à la poursuite d’un type disparu dans la nature et dont le seul crime était, croyait-elle, d’avoir voulu acheter un policier pour 100 $ ? A Los Angeles, ça ne devait pas être si rare Continuer la lecture de Go West ! (37)

Mieux partager l’espace public, qu’elle disait…

Non, cette photo de la rue de Rivoli n’est pas truquée ! Elle n’a pas été créée avec une Intelligence Artificielle ni même naturelle, puisque c’est moi qui l’ai faite. Elle a été prise le mercredi 3 avril à 15h41 à la hauteur du carrefour de la rue de Castiglione.

Sur la gauche, on y voit une file interrompue, mais arrêtée, d’automobiles en infraction et de taxis assoupis. A droite, Continuer la lecture de Mieux partager l’espace public, qu’elle disait…

Go West ! (36)

(…) A droite, très reconnaissable, une Rolls-Royce, gris clair, énorme, décapotée. Sa plaque de Californie, noir sur fond blanc est bien visible : L-A-W-F-R-D. Aux USA, il est courant que les gens choisissent l’immatriculation de leur voiture en fonction de leur nom, de leur métier ou de leur hobby. Alors je cherche… LAWFRD, LAWFRD… ça doit vouloir dire quelque chose… ça veut surement dire quelque chose…et d’un coup, ça y est, j’ai compris : LAWFRD c’est pour LAWFORD et la Rolls, c’est la voiture du type en bermuda, et ce type, c’est Peter Lawford, le copain de Sinatra, le beau-frère de Kennedy… Incroyable ! Je viens de voir Peter Lawford !

Après tout, je suis à Los Angeles, tout près d’Hollywood et de Beverley Hills. Rencontrer un acteur de cinéma n’a rien d’exceptionnel. Mais quand même, qu’est-ce qu’il peut bien se passer dans cette maison ? J’ai entendu le mot suicide. Un suicide, ce n’est pas rien. On a dû appeler Clemmons pour faire les premières constatations, mais qu’est-ce que vient faire Lawford là-dedans ?  Et combien de temps Clemmons va-t-il me laisser seul dans sa voiture ? J’ai mon sac à côté de moi avec, dedans, mon foutu P .38. La voiture n’est pas fermée à clé. C’est peut-être le moment de ficher le camp. Je ne crois pas que le flic ait noté mon identité sur son carnet. Si je fichais le camp maintenant, il se souviendrait sûrement de ma nationalité, mais peut-être pas de mon nom. Le problème, c’est qu’il ne m’a pas rendu mon portefeuille. Je crois qu’il l’a posé Continuer la lecture de Go West ! (36)

LES DISPARUS DE LA RUE DE RENNES (Extrait)

Madame Hidalgo est en colère parce que cette affaire des Disparus de la rue de Rennes ne tourne pas du tout comme elle le voudrait. Alors, elle se retire dans ses appartements pour visionner son film favori : « L’Impératrice rouge ». Elle dit que ça la calme. 

(…)
À la fin du film, sa colère était calmée et elle pouvait réfléchir plus sereinement. Bientôt, lui revint en mémoire une phrase de cet ancien député de Corrèze, ministre récidiviste et éphémère de la IVèmeRépublique, Henri Queuille. Ce politicien expérimenté et cependant homme d’esprit avait un jour déclaré : « Peu de problèmes résistent longtemps à l’absence de solution. » Elle était là, la solution, la vraie, la troisième voie politique quand étouffer l’affaire et faire porter le chapeau à quelqu’un d’autre ne sont pas réalisables. Comment n’y avait-elle pas pensé plus tôt ! Ne rien faire ! Il suffisait de ne rien faire, de laisser les choses en l’état, de faire comme si de rien n’était, de ne pas constituer de commission ni de sous-commission et de ne plus jamais parler de cette disparition.
Sa décision était prise. Après s’être félicitée de la vivacité de son sens politique, elle appela son Directeur de Cabinet à son domicile.

— Mawouais…

— Allo, Hubert ? demanda-t-elle presque aimablement, car il n’était pas loin de deux heures du matin.

— Mawouais…

— C’est moi.

— Qui ça, mouha ?

— Vous avez bu, Hubert ? Continuer la lecture de LES DISPARUS DE LA RUE DE RENNES (Extrait)

WETBACKS (Extrait)

Je suis à Lynwood, dans South Central, pas loin du croisement d’Atlantic et d’Olanda, je recouvre de papier Alu les plateaux de haricots qui n’ont pas été mangés à l’anniversaire d’un petit gamin, lorsqu’on m’annonce qu’il faut que je rentre à la maison plus tôt que prévu, et probable que je ne reviendrai pas demain[1].

C’est Rubio lui-même qui vient de me dire ça, et il a l’air sacrément ennuyé. Pourtant, je peux pas m’en aller maintenant. Tous les autres sont déjà partis et y a encore plein de trucs à ranger avant de fermer. C’est peut-être pour ça qu’il a l’air embêté, Rubio.

Qu’est-ce qui se passe ? Il y a eu un accident ? Y a les flics chez moi ? Non, non, il sait pas, Rubio, il a juste reçu un coup de fil de son cousin. Il faut que je rentre tout de suite, et c’est pas sûr que je puisse revenir demain. Il n’en sait pas plus. Il est désolé.

« Bon sang, Rubio… ?

— M’emmerde pas, Rafael, c’est pas le moment, tu ferais mieux de partir maintenant ! Allez, fous-moi le camp ! Ce soir, c’est moi Continuer la lecture de WETBACKS (Extrait)

Go West ! (35)

(…) Et voilà ! Pour la deuxième fois en trois semaines, je suis enfermé à l’arrière d’une voiture de police ! Je ne suis pas menotté, c’est un progrès, mais cette fois-ci, je sais pourquoi je suis là et ça n’a rien pour me rassurer.
Tandis que le policier fait marche arrière pour se dégager, ses phares balaient mes cinq camarades. Éblouis, ils ne peuvent surement pas me voir mais moi, je vois bien leur air inquiet, désemparé. Derrière eux, j’aperçois l’arrière de l’Hudson Hornet et, au-delà, un petit morceau de plage et d’Océan Pacifique. Je ne le sais pas encore mais je ne reverrai plus notre belle voiture à 50 dollars.

Le flic s’appelle Jack Clemmons ; il est sergent ; c’est ce que dit son badge.  Ce crétin croit que j’ai voulu l’acheter avec un billet de 100 dollars glissé dans mes papiers ! Mais c’est complètement fou, ce truc ! Mon billet, il n’était pas glissé dans le permis ! Il était gentiment plié en deux dans un des compartiments de ce foutu portefeuille ! Et il a bien vu que je lui avais donné le portefeuille parce que je n’arrivais pas à le sortir, ce foutu permis rose à trois volets à la con que le monde nous envie, coincé qu’il était dans son foutu triptyque en plastique. Il a bien dû s’en rendre compte, cet abruti, que je lui avais donné pour qu’il puisse le lire sans le sortir du plastique !  Mais non ! Si ça se trouve, il voulait me voler, ce flic ! Il a fouillé mon portefeuille pour le trouver, le billet ! Ou alors, il avait envie de s’amuser, et il a fait semblant de prendre ça pour une tentative de corruption. « Vous avez voulu acheter un officier de police ! » Acheter un officier de police ! Tu parles ! Il s’ennuyait, l’officier de police, c’est tout ! Faut dire qu’à dix heures du soir, contrôler une grosse voiture marron sale immatriculée en Arizona rôdant à quinze miles à l’heure dans Santa Monica avec six types à bord, une vielle Hudson qui hésitait, faisait demi-tour sur Ocean Boulevard, hésitait encore pour Continuer la lecture de Go West ! (35)

La Chrysler

Dans le cadre de mon retour sur moi-même, je veux dire sur le moi des années passées, voici encore une rediffusion de cet article déjà nostalgique quand je l’ai publié une première fois en 2017.

Chronique des années 90

10-La Chrysler

En fait, on ne l’appelait pas comme ça, mais ça sonne tellement bien « la Chrysler ». Ça fait tout de suite voiture de luxe, puissante, bicolore et sur-dessinée, glissant silencieusement dans les rues de Beverley Hills. Cette image doit me rester de cette chanson parodique de Fernand Raynaud qui commençait comme ça :
T’es un peu belle, mignonne,
T’es balancée comme une Chrysler…

Dans les années 90, l’automobile américaine était en crise. On n’était même pas certain que cette marque puisse passer le prochain hiver. Mais Chrysler commençait à commercialiser en France un mini van sur lequel elle fondait beaucoup d’espoir, le Voyager. Son nez très court qui lui donnait une gueule de petit camion, sa silhouette carrée qui rappelait de loin la Citroën Kubik de mon enfance dont j’ai déjà parlé ici, ses barres de toit qui lui donnaient un air randonneur… Tout cela me plaisait bien. D’ailleurs, il faudrait bientôt remplacer la Volvo qui avait fait son temps et qui de toute façon devenait trop petite : les enfants tenaient de plus en plus de place à l’arrière, sans parler d’Ena, notre labrador jaune de trente-trois kilos.

Avoir à conduire cette encombrante voiture Continuer la lecture de La Chrysler

Mais où sont les neiges d’antan ?

Ce poème nostalgique a été publié pour la première fois le 16 février 2017. Quand parfois je réalise qu’avec l’âge et le réchauffement climatique, le ski pour moi, c’est bel et bien fini, voilà que le spleen me reprend. 

TIGNES LE LAC

À Jean-Louis
À Patrick
À François

Vous souvenez-vous, mes amis,
Aujourd’hui devenus bien vieux,
Quand nous allions faire du ski,
O combien c’était merveilleux.

Nous partions de très bon matin,
C’est à dire vers neuf heures et demi
Tandis que je rongeais mon frein
A attendre ce bon vieux Jean-Louis.

Je dressais le programme du jour.
Jean-Louis finissait son loto.
Patrick et François, pleins d’humour,
M’app’laient aussitôt Bénito.

C’était bien souvent vers la Daille Continuer la lecture de Mais où sont les neiges d’antan ?