(…) Je lui touchai doucement l’épaule. Elle se tourna vers moi. Il fallait parler maintenant. Contrairement à mon habitude, celle qui me réussit si bien dans cette matière, je n’avais rien préparé. Elle me regardait, dans l’expectative. Je ne disais rien. Et puis d’un coup, de mon meilleur anglais, je m’en souviens très précisément, j’ai dit : « Ah ! Vous voilà ! Je craignais que vous n’ayez été kidnappée ! »
Je ne sais pas ce qui lui a plu dans cette apostrophe. Était-ce l’inquiétude clairement simulée que j’y avais mise, l’impeccable respect de la grammaire anglaise, la subtile pointe d’accent français ? Elle ne me l’a jamais dit, mais je crois que c’est plutôt le mot “kidnappée“ ou, plus précisément, sa racine “kid“ qui l’a amusée. Elle a peut-être pensé que je la prenais pour une gosse, et elle a aimé ça. Va savoir pourquoi… En tout cas, mon approche était une réussite, parce qu’elle m’a souri doucement et m’a dit « Non, vous voyez, je suis là… », et puis elle s’est tue. Audace incroyable de ma part, aisance inhabituelle, je l’ai prise par la main et l’ai conduite vers un box tranquille, tout au fond du Broken Ski Club.
Nous avons passé une bonne partie de la nuit dans ce box. De temps en temps, un copain passait devant nous, affectant l’indifférence. Il nous jetait un coup d’œil et repartait raconter aux autres ce qu’il avait vu. De temps en temps, Continuer la lecture de Go West ! (22)
