Aventure en Afrique (51)

Jusqu’à preuve du contraire, cet épisode d’Aventure en Afrique s’avère comme le dernier de la série. Alors, dégustez-le…

Le retour

       Après notre périple dans l’Aïr nous avons eu treize jours pour préparer notre retour en France. Nous avons commencé par aller acheter une autre cantine sur le Grand Marché pour expédier tous nos achats souvenir. Celle-ci était bleu ciel, faite avec de vieux bidons d’huile recyclés, le résultat était identique aux cantines métalliques de Manufrance. Tous nos souvenirs y ont été placés, cela allait de la statue Dogon, au coffret à bijoux touareg, en passant par la sculpture d’un buste de femme Djerma… Soit  40kg expédiés, après les formalités de douane, par la route puis le bateau à Cotonou, reçus au bout de deux mois.
Avant mon départ, j’ai distribué bon nombre de nos affaires, à mes gars : chapeau de brousse, chaussures… Filtre Pasteur au boy, cocote minute etc.…
Nous prenions nos dernières photos, en particulier dans Niamey et le Musée que nous n’avions jamais photographié.
Je n’avais pas de remplaçant au Génie Rural pour mon poste. Le directeur souhaitait que celui-ci devienne civil, pour avoir davantage de suivi. Il désirait aussi que le future titulaire ait ma formation. J’ai donc contacté un camarade d’école qui avait fait son service militaire : Pierre Saclier m’y a succédé pendant 5 ans.
J’ai vendu notre 2CV à un coopérant, Louis Roze, spécialiste breton du traitement de la viande. C’est lui qui nous a accompagnés à l’aéroport, lors de notre départ. J’ai appris plus tard, qu’il avait cassé un cardan de la voiture au retour sur la route de l’aéroport.
Nous avons quitté le Niger avec une certaine émotion, sachant que probablement nous n’y reviendrions jamais.
Nous sommes partis le 5 janvier 1974 à 12h.40, pour atterrir à Marignane.
Mes dernières photos d’Afrique sont celles du Sahara vu d’avion et la côte algérienne (pas encore de photos satellite, ou drone).
Quelque jour après notre arrivée, nous nous sommes retrouvés dans un supermarché Casino à Aubagne (non loin de Marseille). Il y avait 50 caisses ! Au Pariscoa de Niamey, le seul supermarché du Niger, il y avait deux caisses. Nous étions quelques jours après les fêtes de fin d’année : nous étions écœurés, abasourdis par cette débauche de nourriture, nous avions oublié cela. Nous convertissions les prix en FCFA, le cerveau humain est ainsi fait, mais cela ne duré pas.
Chantal avait ramené, en souvenir, dans ses gros bagages le virus de l’hépatite…           

Epilogue.

    Le 27 juillet 2023 je rédigeai le texte sur le Massif de l’Aïr, lorsque j’apprenais qu’il y avait eu un nouveau coup d’état à Niamey, par la Garde Présidentielle, contre le Président élu, qu’elle était supposée protéger !  
Depuis l’indépendance en 1960 c’est le cinquième coup d’état, 1974, 1996, 1999, 2010, 2023, sans compter les tentatives : 1975, 1976, 1983, 2011, 2021. C’est également la 7émerépublique.
Le premier coup d’état a eu lieu 3 mois après notre départ. L’épouse du Président, AÏssa Diori Hamani, y a été tuée à coup de baïonnette. C’était une belle Peul, ses assassins n’étaient pas de la même ethnie. Le Président lui était incarcéré.
Actuellement les pays du Maghreb sont inquiets, car  les pays au sud, sont tous dirigés par des militaires, suite à des coups d’état.
J’ai lu que le Président Mohamed Bazoum, a été mis à l’isolement, avait  des origines arabe, “mauvais“ dans un pays raciste.
“Pauvre Niger“ avec ses 21 473000 habitants (en 2017) il se classe parmi les 10 pays les plus pauvres du monde, avec un PIB de 573$ par habitant.
Pays ravagé, par la corruption à tous les niveaux, le racisme, la pauvreté : 41.8% de la population soit environ 10 millions de personnes sont en extrême pauvreté.
“Pauvre Niger“, avec un taux de fécondité de 6,2 par femme et 30% des filles mariées ont l’âge de 15ans. Seulement 62,2% de la population en zone rurale ont accès à l’eau potable. Avec une moyenne de vie de 61,8 ans, il se classe à la 154ème place mondiale.
“Pauvre Niger“, la communauté internationale a très mal admis ce nouveau coup d’état, en particulier la France qui a stoppé toutes les aides de financements. La Banque Mondial et le FMI ont également arrêté leurs aides.
La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDAO) a suspendu toutes les transactions commerciales et financières entre ces pays membres et le Niger.
Washington a finalement reconnu, le 10 octobre 2023, le coup d’état suspendant la majeure partie de ses programmes de soutien au pays, pour un montant avoisinant les 500 millions de dollars (cf. source : France 24).
Le Niger se retrouve terriblement isolé et lance un appel à l’aide à ses diasporas.
Pour finir, l’armée française est chassée de toutes ses bases et rejoint le Tchad puis le Bénin jusqu’à Cotonou pour rejoindre la France. Il n’y a plus de rempart  pour arrêter les djihadistes du Sahel.
“Pauvre Niger“ : Le désert avance d’environ 6km par an. Cette désertification est le résultat, entre autres, de l’exploitation accrue du bois, qui représente 90% de la consommation énergétique et de la sècheresse dont les conséquences sont particulièrement fortes.
“Pauvre Afrique“, les chercheurs américains Jonathan Powell et Clayton Thyne ont comptabilisé de 1950 à 2022, 214 tentatives de coups d’état en Afrique, dont 106 réussis et 108 ratés (n’ont pas été comptabilisés les derniers en date ceux du Niger et du Gabon). “Ils sont dévastateurs pour le continent, contribuant à l’instabilité, la corruption, aux violations des droits de l’homme, à l’impunité et la pauvreté qui ont caractérisé de nombreux pays africains durant cette période. Les coups d’état, sont en outre contagieux“(cf. source : Centre d’études statistiques de l’Afrique).
“Triste Niger». Ce qui nous a le plus profondément marqué fut d’abord le décès de l’épouse de Michel Grange, mon camarade du Génie Rural. Elle avait 20 ans ! Elle était une  fille sympathique, sportive qui pratiquait en France le parachutisme. A Niamey elle était une adepte de la piscine, où nous la côtoyions. Elle a été atteinte d’une hépatite foudroyante. Notre amie Monique a aperçu l’avion qui l’évacuait sur la France. Il était trop tard, elle décédait quelques jours après.
Nous avons tous été choqués par cette disparition.
Michel, en tant que militaire, n’avait qu’une semaine pour accompagner son épouse et devait revenir au Niger. Essayant de me mettre à sa place, j’ai accompli des démarches auprès du Génie Rural, du ministère, de l‘ambassade de France pour qu’il ne revienne pas. Nous ne l’avons jamais revu.
Ce qui nous a le plus profondément marqué fut ensuite, la faim. La faim que nous avons approchée, impuissants dans de Camp du Lazaret et en brousse. Nous n’étions pas préparés à côtoyer ce drame ! Des enfants affamés, mourants, ces images nous ont marquées pour la vie. Notre  comportement face au respect de la nourriture a été différent et nous avons essayé de le transmettre à nos enfants.
Beau Niger
   Ce qui nous a profondément marqué pendant notre séjour :
La beauté des grands paysages, la grosse chaleur, la poussière de la latérite, l’intérêt du travail,  l’hospitalité du peuple nigérien, la dignité des miséreux, le charme des femmes Peul … et tous ces sourires.
Comme l’avait dit mon prédécesseur, l’aventure a été presque au quotidien.
 Depuis 50 ans nous nous retrouvons au fil du temps : Henri et Nicole, François et Monique, Bernard. Pour fêter ces : “il y a 50 ans nous étions ensemble au Niger“ nous nous sommes tous retrouvés pour le week-end de la Saint Géraud 2023 et avons évoqué entre autres nos souvenirs anciens.

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