Bourlanges, suite et fin 

Autres extraits du discours de remerciement de Jean-Louis Bourlanges prononcé le 5 septembre à l’occasion de la remise de ses insignes d’officier de la Légion d’Honneur.

(…) Quand je regarde ce qui n’a pas marché au cours des trente dernières années, je vois, au fond des choses, une crise de toutes les solidarités. Nous avons réduit la solidarité à un partage à la Ruy Blas entre des solliciteurs au bord de la crise de nerfs. Mais nous avons laissé se creuser toutes les fractures : territoriales, communautaires, générationnelles, écologiques et de genre. Nous n’avons su ni réunir, ni transmettre, ni investir.
(…)
L’essentiel, c’est que je ne me suis jamais pleinement reconnu dans les choix dominants des hommes Continuer la lecture de Bourlanges, suite et fin 

Vous avez dit « économies »?

Le premier ministre cherche partout des économies, grandes ou petites, à réaliser un peu partout. Il demande aussi que chaque service de l’état, chaque collectivité donne l’exemple. Comme tout un chacun, j’ai quelques idées la-dessus. Des tas de choses sont possibles. Par exemple, au hasard, à Paris, (dont la dette est, paraît-il, aujourd’hui de 12 milliards et le déficit pour 2024 de 231 millions) :

Anne Hidalgo
    • Arrêt des travaux continuels de transformation de la voirie et des places publiques

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L’Apple Intelligence et la Madeleine

J’ai un nouvel iPad. À bord, il y a maintenant une sorte d’Intelligence Artificielle embarquée. Elle s’appelle Apple Intelligence. Quand on l’utilise, elle travaille en interne sans échanger avec de mystérieux centres californiens ou chinois. De ce fait, bien sûr, elle n’a pas les capacités de la vraie A.I., celle qui fait peur, qui se trompe, et bouffe des milliards de kilowatts-heures. Pourtant, elle peut rendre des services, notamment en matière d’écriture. J’ai expérimenté ses possibilités pour la première fois en lui soumettant le passage le plus célèbre de À la Recherche du Temps Perdu, celui de  la madeleine. Lisez d’abord le passage tel que l’a écrit Marcel Proust. C’est long, mais admirable et facile à lire. 

 (Notre passé) est caché hors de son domaine et de sa portée, en quelque objet matériel (en la sensation que nous donnerait cet objet matériel), que nous ne soupçonnons pas. Cet objet, il dépend du hasard que nous le rencontrions avant de mourir, ou que nous ne le rencontrions pas.

Il y avait déjà bien des années que, de Combray, Continuer la lecture de L’Apple Intelligence et la Madeleine

Go West ! (100)

(…) J’aurais voulu lui expliquer que je n’étais pas ce qu’elle croyait, un petit vagabond fauché, perdu dans un pays trop grand pour lui, à la merci de la compassion ou des caprices de ses citoyens. J’aurais voulu qu’elle sache que chez moi, en France, à Paris, je n’étais pas si fragile, que j’étais entouré d’amis et de parents respectables, que j’étais considéré, moi, futur ingénieur, plein d’avenir, et qu’un jour, bientôt… Mais je n’y arrivais pas. Je n’y arrivais pas parce la colère montait en moi, qu’elle m’obscurcissait l’esprit, bousculait mes idées, encombrait ma langue, et que je n’en pouvais plus. Je devais être rouge de fureur car Ms Sherman-Vance se mit à me regarder d’un autre œil.
— Qu’est-ce qu’il y a ? chuchota-t-elle, inquiète. Ça ne va pas, Philippe ?
C’est sur ce « Ça ne va pas ? » que j’explosai.

Je ne sais plus très bien ce que je lui ai dit, à Bette, ni dans quel ordre, ni sur quel ton. Ce que je me rappelle, c’est que j’ai commencé par rebondir sur son « Ça ne va pas, Philippe ? » avec un « Non, ça ne va pas ! ». Je me rappelle aussi que j’ai dit ça avec fureur, à voix basse, sans desserrer les dents, réussissant le paradoxe de crier en chuchotant. Pour le reste, je ne suis sûr de rien, mais ça n’a pas dû être joli. Je crois bien que je lui ai tout balancé, son insupportable suffisance, son égocentrisme, son snobisme, son manque de considération, la stupidité de ses solutions et jusqu’au manque d’attrait de sa petite-fille. Je crains même de n’avoir pas usé de ces mots-là mais plutôt de certains de leurs synonymes peu élégants que je me refuse à reproduire ici tant je les regrette à présent.

J’ai fini par me taire, un peu essoufflé, un peu surpris par la violence de mon discours, un peu honteux aussi. Je n’ose pas regarder Ms Sherman-Vance. À la radio, Brenda Lee chante I’am sorry. Continuer la lecture de Go West ! (100)

Tourisme culturel

Quand le sage montre la lune, l’idiot  regarde le doigt.
Proverbe chinois

« (…) Dans les galeries du Muséum, ils passèrent avec ébahissement devant les quadrupèdes empaillés, avec plaisir devant les papillons, avec indifférence devant les métaux; les fossiles les firent rêver, la conchyliologie les ennuya. Ils examinèrent les serres chaudes par les vitres, et frémirent en songeant que tous ces feuillages distillaient des poisons.
Ce qu’ils admirèrent du cèdre, c’est qu’on l’eût rapporté dans un chapeau. Ils s’efforcèrent au Louvre de s’enthousiasmer pour Raphaël. À la Grande Bibliothèque ils auraient voulu connaître le nombre exact des volumes.(…) »
Bouvard et Pécuchet – Gustave Flaubert

Fait divers : l’explosion de la Rue Saint-Jacques

L’explosion du 21 juin 2023 au 277 de la rue Saint Jacques à Paris 5ème a fait trois morts et des dizaines de blessés.
Quatre photographies prises 1)avant l’explosion, 2)pendant l’incendie qui s’en est suivi, 3)quelques jours plus tard et enfin, 4)deux ans après l’explosion.

Outre les dommages corporels aux victimes décédées ou blessées, des dommages matériels importants ont été causés au voisinage.
Dans les jours et les mois qui ont suivi le sinistre, les réparations des dommages les moins graves ont été effectuées et les décombres ont été sécurisés derrière une palissade, mais l’immeuble du 292 de la rue, qui fait face au siège de l’explosion, est demeuré inhabitable pendant près de deux ans. 

Les rares articles de presse, dont le plus récent remonte à juin de cette année, ne mentionnent aucun progrès dans l’enquête sur les causes du sinistre. Habitant du quartier, je n’ai jamais vu ou même entendu parler de déplacement d’un Expert ou plusieurs Experts judiciaires, encore moins de fouilles dans les décombres. Il est donc très probable qu’elle n’ait pas encore commencé.
On ne parle pas davantage, et pour cause, de la reconstruction de ce bâtiment classé du XVII siècle.

En attendant que la justice de prononce sur les responsabilités, celles des victimes qui étaient personnellement mal assurées ou même non assurées n’ont toujours pas été indemnisées.

 

Go West ! (99)

(…) Moi, je savais bien que si je m’embarquai dans ce voyage avec Bette, je n’aurais jamais le courage d’abandonner au bout de quelques jours la vie de luxe qu’elle m’offrait. Je resterais jusqu’au bout, jusqu’à mon départ pour Paris. Est-ce que je pouvais faire ça à Patricia ? Est-ce que je pouvais la décevoir à ce point alors qu’elle m’attendait dès ce soir chez elle à Bethesda ?
Comme je continuais à peser et soupeser en regardant dehors, Ms Sherman-Vance se souleva légèrement pour changer de position. Elle s’assit de biais, croisa les jambes, et dit :— Et si je vous demandais de dormir avec Alice ?

Dormir avec Alice…
Je roulais les mots dans ma tête. Pourtant, ils étaient clairs et, dans ce pays, sans ambiguïté possible, mais Ms Sherman-Vance les avait prononcés d’un ton si léger, si mondain que je n’étais pas sûr d’avoir compris leur sens. Dans sa bouche, la question semblait anodine, comme de pure politesse, comme si la réponse qu’elle attendait de moi lui était indifférente. C’est sur ce ton, qu’elle aurait pu me dire :  « Accepteriez-vous d’être le cavalier d’Alice au prochain bal des débutantes de Boston ? » ou plus banal encore : « Et si je vous proposais une partie de tennis ? » Je me tournai vers elle. Son visage était impassible, son sourire poli, à peine esquissé, mais son regard contredisait son attitude. Il était profond, insistant, presque angoissé, comme si elle désespérait de me faire comprendre ce qu’elle souhaitait vraiment. Mais pour moi, il n’y avait plus de doute. J’avais compris. D’ailleurs, elle ne tarda pas à ajouter : Continuer la lecture de Go West ! (99)