Archives de catégorie : Textes

Les corneilles du septième ciel (16)

temps de lecture : 2 minute

(…) En l’écoutant, Françoise réalisa que son enfance à elle, qu’elle avait toujours jugée sinistre, ne l’était peut-être pas autant que d’autres comme celle de ce photographe. Annick, de son côté, considéra que cet ahuri en rajoutait un peu pour se mettre en valeur. Comme elles en discutèrent plus tard ensemble, il n’y avait pas de réponses à leurs interprétations divergentes : aucune preuve ne pouvait démontrer la validité de l’une ou de l’autre. Telles sont les vies des gens : elles n’expriment pas toujours leurs propres différences mais les différences entre ceux qui les voient et les jugent.

Chapitre XVI

Françoise avait désormais pris de l’assurance. Elle en attribuait le mérite en partie à son analyse et en partie à son changement d’orientation professionnelle où elle s’épanouissait. Chaque jour, elle découvrait autre chose que l’horizon désolé de la campagne poitevine et le regard vide d’un poilu couleur kaki délavée. Sa récente rupture avec Annick ne l’avait pas perturbée et elles étaient restées les meilleures amies du monde. Reconnaissons que la vie de province favorisait son investissement dans des études qui, par ailleurs, la passionnaient. Elle fut nommée Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (16)

5 – En un mot comme en cent : CASTING(S)

Beaucoup de gens me disent « Tiens ! Toi qui écris, tu devrais lire ceci, ou cela, cet inédit de Virginie, ces brouillons de Louis Ferdinand,  ce témoignage de François, le dernier testament de Michel… » Parmi ces « beaucoup de gens », quelques-uns ne se contentent pas de recommander, ils offrent : « Tiens ! Je t’ai apporté le dernier Machin. Toi qui aimes Truque, tu aimeras sûrement… »
Et moi, je leur dis « Je ne lis pas, je ne lis plus ou presque pas. Je n’ai pas le temps, voyez-vous : j’écris… » A la plupart, cette excuse suffit : « Ah, oui ! disent-ils. Je comprends, vous écrivez… C’est très prenant, bien sûr. »
Mais c’est faux. Enfin, je veux dire que c’est vrai Continuer la lecture de 5 – En un mot comme en cent : CASTING(S)

4- En un mot comme en cent (4) : Berlin, Berlin

Berlin, Berlin
Gérald Sibleyras et Patrick Haudecœur
Théâtre Fontaine – 80 minutes – 44€ – 2 Molières

Sur la lancée de parodies souvent réussies, après Thé à la menthe ou t’es citron ?, très réussi, après Froufrou les bains, très honorable, voici Berlin, Berlin, la nouvelle pièce de Gérald Sibleyras et Patrick Haudecœur, 2 Molière en 2022, meilleure comédie, meilleur acteur.

Le thème est original, c’est encore une parodie, ce n’est pas vulgaire, pas grossier, pas méchant, pas choquant ; c’est nul, tout simplement nul, nul au sens mathématique, égal à zéro, vide, sans intérêt, inexistant.

Ce n’est pas drôle, c’est sans esprit, sans dialogue, sans rythme. Le dénouement est totalement bâclé. Les comédiens se contentent de répéter en les étirant les deux mêmes effets pendant les 80 minutes de la pièce : glorification décalée de Staline et du régime soviétique en RDA,  ahurissement permanent de l’un des personnages.
Si cette pièce avait été écrite en deux jours par des G.O. du Club Med de Djerba au début des Continuer la lecture de 4- En un mot comme en cent (4) : Berlin, Berlin

Les corneilles du septième ciel (15)

temps de lecture : 4 minutes 

(…) Elle constata aussi que ses hypothétiques prétendants prénommés Philippe avaient tous les deux un âge et une calvitie avancés. Cette dernière curiosité l’intrigua et elle se promit d’en demander la signification à son ex-psy qui la courtisait, lui aussi, depuis qu’elle était chef de clinique en Neurologie au CHU de Poitiers. Dans son escarcelle de prédatrice, elle envisagea de mettre une troisième victime, un photographe rencontré sur les quais.

Chapitre XV

Sur cette photo prise par Lorenzo, le photographe en question, élève d’Henri Cartier-Bresson, le plus grand de tous d’après lui, les deux jeunes femmes, Annick à gauche et Françoise à droite, se baladent dans Paris un jour de pluie. Comme il tenait à leur offrir les clichés qu’il venait de prendre d’elles, il les invita à la terrasse du Voltaire, un café sur le quai du même nom, pour échanger leurs adresses et continuer leur conversation. Lorenzo prétendait avoir été médecin dans le passé mais ni Françoise ni Annick n’en semblaient convaincues. Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (15)

Blandin prend l’autobus

temps de lecture : 4 minutes 

Ce matin, j’ai croisé Blandin. Ça m’a fichu un  coup !
Il ne devait pas être loin de neuf heures et je descendais tranquillement la rue Monsieur-le-Prince, le nez en l’air et l’esprit préoccupé du seul souci du temps qu’il ferait tout à l’heure, car le bulletin météorologique avait annoncé des averses passagères et j’avais oublié mon parapluie.
C’est au moment où je débouchais dans le carrefour de l’Odéon que je le vis. Je m’arrêtai net au bord du trottoir et me dissimulai à demi derrière la masse jaune d’une grosse boîte à lettres des P.T.T. car je ne tenais pas à le rencontrer. On verra pourquoi tout à l’heure.
Blandin était sur la chaussée, au beau milieu de ce carrefour qui, certes, est petit par la taille, mais réputé dangereux par la complexité des flux circulatoires qui s’y affrontent. L’homme dansait sur le bitume une sorte de samba syncopée, sautillant sans élégance pour éviter autos, vélos, trottinettes et camionnettes  qui se succédaient en flot continu. De la direction générale qu’il donnait à ses petits pas, je déduisis que, venant de la rue des Quatre-Vents, il tentait vainement de rejoindre le Boulevard Saint-Germain.  Soudain, un brusque saut de côté Continuer la lecture de Blandin prend l’autobus

Les corneilles du septième ciel (14)

temps de lecture : 3 minutes

(…) Les enquêtes farfelues de l’inspecteur avaient fait ses délices d’étudiante dans sa petite chambre chez les Soeurs Augustines de Poitiers. Après, lui dit-t-il, son style avait évolué plus par lassitude que par volonté mais il connut alors la célébrité avec Les Corneilles du Septième Ciel aux multiples récompenses. Françoise l’avait lu aussi et lui demanda :

– Mais l’histoire se passe en Afrique, n’est-ce pas ? Vous connaissez donc l’Afrique ?

Chapitre XIV

Au début de sa première vie d’ingénieur, son entreprise avait été missionnée pour reconstruire après un incendie une ferme que possédait au pied du Ngong une femme d’origine scandinave. Ce n’était pas la vue de sa chambre d’étudiant à Vincennes donnant sur la fosse aux lions du zoo qui l’avait incité à partir au Kenya. Non, au départ, ce jeune ingénieur frais émoulu de la célèbre Ecole des Ponts et Chaussées dont il énumérait en guise de présentation tous les termes un à un en séparant et en martelant chaque syllabe pour qu’on comprenne bien de quoi il s’agissait (ce qui en énervait plus d’un), s’y rendit pour diriger les travaux de reconstruction. Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (14)

Zéro virgule vingt-huit grammes

Une vielle histoire vraie, déjà parue en 2015

temps de lecture : 3 minutes et 30 secondes 

Bon, faut que je rentre. Il est à peine minuit, mais faut que je rentre. Demain matin, j’ai du boulot et ça fait quand même trois nuits que je me couche après deux heures. J’ai rendez-vous aux aurores avec Machin, là…, comment il s’appelle déjà, Machin… de chez NNMG…Faut absolument que je sois en forme. Bon, là, ça va encore, Continuer la lecture de Zéro virgule vingt-huit grammes

3-En un mot comme en cent : The English

temps de lecture : 1 minute

The English
Hugo Blick – Série TV
Emily Blunt

Le pitch annoncé sur le site de MyCanal est extrêmement classique, donc tentant, enfin… pour moi : « Déterminée à venger la mort de son fils, Cornelia, originaire d’Angleterre, s’installe dans l’Ouest des Etats-Unis, où elle espère retrouver le responsable du drame. Elle y rencontre Eli Whipp, un Amérindien et éclaireur de cavalerie à la retraite. Guidés par un objectif commun, le duo prend la route… » Tadaaa !
On y va !

Un grand écran, des prises de vue soignées, des décors et costumes peaufinés.  Un indien solitaire et civilisé, une femme énigmatique, Continuer la lecture de 3-En un mot comme en cent : The English

Les corneilles du septième ciel (13)

temps de lecture : 3 minutes

(…) Pris de court et parant au plus pressé, Edward envisagea de lui dire des répliques cultes du cinéma bien qu’aucune ne lui sembla adaptée, comme  « T’as d’beaux yeux, t’sais ? » d’autant que Françoise portait des lunettes de soleil. « Atmosphère, atmosphère … » collait mieux à son dépaysement intellectuel dans ce lieu, mais « C’est lourd, soit, mais c’est lourd » avait le mérite d’être décalé et assez spirituel à condition que son gibier ait eu connaissance de ce chef d’œuvre du septième art sorti sur les écrans plus de cinquante ans auparavant ce qui, vu sa jeunesse, n’était pas sûr. Sans avoir encore trouvé la réplique la mieux adaptée à cette attaque surprise, Edward ne put que balbutier d’une voix chevrotante :

– Non, monsieur.

Chapitre XIII

Françoise n’en revenait pas de son audace. Elle avait abordé un homme, qui plus est d’âge mûr, telle une courtisane à la recherche d’un vieux gigolo pour l’entretenir ! Dans ses années-là d’avant le féminisme, une telle attitude relevait de la débauche ; aujourd’hui, cette démarche serait considérée comme une réhabilitation de la dignité de la femme. Qu’avait bien pu en penser sa victime ? Pour excuser sa méprise, elle avait invoqué Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (13)