Go West ! (88)

(…) Mais à l’époque du récit, je n’y crois pas à sa ville fantôme. Pourtant, je ne peux pas le lui dire.  D’abord, ça lui ferait de la peine, et ça, je n’en ai pas le courage. Ensuite, si je veux rester encore un peu ici et si je veux encore coucher avec elle, il ne faut pas lui dire. Et ça, c’est ce que je veux.
— Le 15 décembre, me dit-elle ! Tu te rends compte ? Le 15 décembre !
Alors je me tourne vers Mansi et la contemple avec admiration. Puis, simplement, comme elle l’avait fait lors de notre premier matin, je lui dis à mon tour : « C’est formidable ! Embrasse-moi. »

Ni Mansi ni moi ne dormons encore vraiment, quand tout à coup :
— Mansi ! Ouvre-moi ! Vite !
Il y a quelqu’un qui tambourine sur la vitre de la chambre et qui crie à voix étouffée.
— Ouvre-moi ! Il est revenu ! Il arrive ! Dépêche-toi !
Mansi hésite une seconde puis bondit nue hors du lit. Elle fonce à la fenêtre, tire le rideau et ouvre la baie vitrée. Fran entre. Elle est très énervée.
— Il est là ! Il est en ville ! Il arrive !
Mansi ne pose pas de question. Elle emmène Fran vers le salon. Je les entends discuter un peu, puis elles reviennent dans la chambre. Mansi commence à rassembler ses vêtements.
— Habille-toi, s’il te plaît, me dit-elle.
Elle a parlé de son ton calme habituel, neutre, sans intonation. On dirait une simple demande, mais c’est un ordre, un ordre qui ne souffre pas de question. Pourtant, moi, je ne peux pas m’empêcher de râler.
— Mais pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ? Continuer la lecture de Go West ! (88)

Ne jamais dire « fontaine… »

Je ne vais plus au Champs Elysées depuis longtemps… depuis que Les Champs et, il faut bien le dire, la majeure partie de Paris se sont transformés, par l’effet des bienheureuses mesures de notre Maire Annie Dingo, en un gigantesque mall commercial au seul usage des touristes, depuis que des hordes titubantes de fatigue et surchargées de sacs en papier glacé de magasins de luxe accrochés par grappes au bout de leurs doigts arthritiques viennent en foule lécher les vitrines de LVMH et les glaces de Bertillon, depuis que des files indiennes, chinoises et argentines s’allongent et se prosternent chaque matin devant les dieux Vuitton, Ladurée et Bouillon Chartier, je n’y vais plus… sauf par erreur ; et c’est ce qui s’est produit l’autre jour, où je suis sorti à l’air libre par erreur et sans réfléchir de la station Franklin-Roosevelt, autrefois et selon Pierre Dac station de l’élite, et où j’ai vu, ô horreur, quelque chose que je croyais avoir oublié depuis longtemps : les six fontaines du Rond-Point !

Voici ce que j’écrivais à leur propos le 9 avril 2019, il y a presque exactement six ans : Continuer la lecture de Ne jamais dire « fontaine… »

Chaque matin j’allais la voir se baigner

(…) Chaque matin j’allais la voir se baigner ; je la contemplais de loin sous l’eau, j’enviais la vague molle et paisible qui battait sur ses flancs et couvrait d’écume cette poitrine haletante, je voyais le contour de ses membres sous les vêtements mouillés qui la couvraient, je voyais son cœur battre, sa poitrine se gonfler ; je contemplais machinalement son pied se poser sur le sable, et mon regard restait fixé sur la trace de ses pas, et j’aurais pleuré presque en voyant le flot les effacer lentement.
Et puis, quand elle revenait et qu’elle passait près de moi, que j’entendais l’eau tomber de ses habits et le frôlement de sa marche, mon cœur battait avec violence ; je baissais Continuer la lecture de Chaque matin j’allais la voir se baigner

D’Alep à Paris

Les lignes qui suivent sont extraites du récit que fit Hanna Dyab, de son voyage de sa ville natale d’Alep jusqu’à Paris dans les années 1708 – 1709 alors qu’il était employé comme guide par un envoyé spécial de Louis XIV en orient. Dyab a écrit ses souvenirs de voyage dans un livre au style fleuri « D’Alep à Paris« , qui vient seulement d’être traduit de l’arabe. Ici, la sobre description d’une effrayante prison-hôpital pour enfants. Heureux temps du Roi Soleil !

(…) Il y a aussi à Paris un hôpital¹ pour les enfants insoumis, qui se trouve dans un couvent de religieux en lisière de la ville. Votre humble serviteur alla le visiter. On me fit pénétrer dans le lieu où ces enfants sont emprisonnés. Je vis une une salle allongée avec, sur toute sa longueur, une grande poutre en bois. Des anneaux en fer y sont fixés, auxquels les enfants sont attachés par une chaîne. Ils sont placés de telle façon qu’aucun d’entre eux Continuer la lecture de D’Alep à Paris

Go West ! (87)

(…)
— Alors, qu’est-ce qu’on fait ? On ne va pas se recoucher quand, même ?
— Si tu veux, on peut…
Elle avait repris son ton neutre habituel et je n’arrivais pas à savoir ce qu’elle avait vraiment voulu exprimer. Était-ce l’enthousiasme : « Oh oui, Phil, s’il-te-plait, retournons dans la chambre » ? Ou bien une simple constatation objective des possibilités : « Parmi les choses que nous pouvons faire ce matin, nous recoucher est un choix parmi d’autres » ? Ou encore la résignation : « Moi, j’aimerais mieux pas, mais si ça te fait vraiment plaisir… » ?

Compte tenu de son attitude de tout à l’heure, je penchai plutôt pour la troisième version. Et puis, comme je venais de décider de m’intéresser davantage à elle, je changeai de sujet :
— Mais, dis-moi, tu ne dois pas sortir ? On est lundi aujourd’hui, non ? Tu ne travailles pas
— J’ai un petit boulot, mais seulement un jour sur deux et jamais le lundi.
— Ah bon ? Mais ça m’intéresse. Qu’est-ce que tu fais comme travail ?
Elle m’expliqua qu’elle était guide à Calico, une ville fantôme qui avait poussé au siècle dernier à une dizaine Continuer la lecture de Go West ! (87)

The sense of humour, goddamnit !

Ce n’est pas sans raison que les Anglais disent d’un homme qu’il a ou qu’il n’a pas le « sense of humour » – car c’est également un sens – et c’est parce que la plupart des gens s’en trouvent dépourvus qu’il est si mal considéré.  Il est vrai d’ajouter que si tout un chacun possédait le sens de l’humour, l’humour en souffrirait car, pour qu’une plaisanterie humoristique ait son plein rendement, il convient d’être trois : celui qui la profère, celui qui la comprend et celui à qui elle échappe, le plaisir de celui qui la goute étant décuplé par l’incompréhension de la tierce personne.

Sacha Guitry (bien sûr)

Sur la Place de l’Odéon

Sur la Place de l’Odéon, le théâtre est classé.

Sur la Place de l’Odéon, les immeubles portent les numéros 1, 3, 5 et 7 d’un côté, et 2,4, 6 et 8 de l’autre. Ils sont tous classés.

Sur la Place de l’Odéon, même le sol est classé.

Sur la Place de l’Odéon, il y a

le restaurant La Méditerranée que fréquentèrent Aragon, Ionesco, Cocteau, Welles…

Sur la Place de l’Odéon, se trouvait la maison de Lucile et Camille Desmoulins.

Sur la Place de l’Odéon, se trouvait le Café Voltaire, qui fut fréquenté par Delacroix, Balzac, Hugo, Gambetta, Vallès, Verlaine, Gide, France, Mallarmé… On y trouve aujourd’hui les bureaux de l’éditeur Flammarion

Sur la Place de l’Odéon, il y a Le Dilettante, une chouette libraire de livres d’occasion

Sur la Place de l’Odéon, on procède en ce moment au ravalement de l’immeuble qui porte le numéro 2.

On a placé sur ses façades ces grandes bâches blanches Continuer la lecture de Sur la Place de l’Odéon