Sur la Place de l’Odéon

Sur la Place de l’Odéon, le théâtre est classé.

Sur la Place de l’Odéon, les immeubles portent les numéros 1, 3, 5 et 7 d’un côté, et 2,4, 6 et 8 de l’autre. Ils sont tous classés.

Sur la Place de l’Odéon, même le sol est classé.

Sur la Place de l’Odéon, il y a

le restaurant La Méditerranée que fréquentèrent Aragon, Ionesco, Cocteau, Welles…

Sur la Place de l’Odéon, se trouvait la maison de Lucile et Camille Desmoulins.

Sur la Place de l’Odéon, se trouvait le Café Voltaire, qui fut fréquenté par Delacroix, Balzac, Hugo, Gambetta, Vallès, Verlaine, Gide, France, Mallarmé… On y trouve aujourd’hui les bureaux de l’éditeur Flammarion

Sur la Place de l’Odéon, il y a Le Dilettante, une chouette libraire de livres d’occasion

Sur la Place de l’Odéon, on procède en ce moment au ravalement de l’immeuble qui porte le numéro 2.

On a placé sur ses façades ces grandes bâches blanches immaculées indispensables aux travaux et que d’habitude, pour des sites aussi remarquables que celui-ci, on recouvre d’immenses photographies représentant l’état futur de l’immeuble, au milieu desquelles on place d’ordinaire un placard publicitaire de dimensions restreintes à la gloire d’une marque, de luxe en général, qui paye cher pour être là.

Dans le cas du n°2, Place de l’Odéon, c’est Apple qui a payé pour présenter son iPhone 16. Jusque là, il n’y a rien à dire (dit celui qui vient d’écrire 200 mots sur le sujet). Pourtant, il y a problème.

Le problème est que, à la place de la photo des fenêtres, balcons, cariatides, chiens assis, acrotères, médaillons et autres décorations qui sont en cours de nettoyage derrière la bâche, on a fait figurer sur une façade un hippopotame en tutu faisant des pointes et, sur l’autre, un mouton rose à lunettes de soleil revenant souriant d’une journée de shopping. Ce sont des Genmoji, petits personnages que l’Apple Intelligence permet désormais à tout un chacun de créer facilement. Produits finaux de deux cents ans de civilisation américaine, ils vous permettront d’exprimer toutes les âneries, fadaises, foutaises et autres connerires du monde sans même devoir les écrire.

Ces deux animaux incongrus aux couleurs vomitives, ridicules d’anthropomorphisme, éclatants de vulgarité ont, je le pense, été soumis à l’agrément des services (in)compétents et (a)culturels de la Ville de Paris. À l’évidence, ils ont été acceptés.

Ce serait risible si ce n’était scandaleux, révoltant, écœurant.

Pourtant, c’était prévisible, en tout cas pour ceux qui ont vu le bouquet de marshmallows délavés de Jeff Koons dans les jardins des Champs Élysées et les six fontaines en tuyaux de douche des frères Bouroullec autour du Rond-Point des mêmes Champs.  Ceux-là connaissent les goûts raffinés de la Mairie de Paris et ils savaient bien qu’elle n’en resterait pas là.

3 réflexions sur « Sur la Place de l’Odéon »

  1. @ Chantal
    Le 25 août 2019, pour le 75 eme anniversaire de la libération de Paris, j’avais publié un article dont le titre était « Ici est tombé le lieutenant Martinet ». J’y évoquais la présence discrète mais nombreuse de ces plaques commémoratives qui rappellent les noms de ceux, très jeunes pour la plupart, qui se sont fait tuer dans le quartier Saint-Michel en cette belle journée d’août. Pour illustrer mon article, j’avais parcouru les rues à la recherche de ces plaques pour les photographier. Parmi d’autres, j’avais raté celle de Jacques Guierre, ton petit cousin, mort à vingt ans sur les marches de l’Odeon.
    Ci-dessous, le lien vers l’article :

    https://www.leblogdescoutheillas.com/?p=17074

  2. Place de l’Odéon, sur une des marches du théâtre au pied d’une colonne, une plaque commémorative d’un de mes petits cousins , Jacques Guierre , mort à vingt ans, FFI. (Fils du commandant Maurice Guierre)
    Cf : Ici est tombé, Paroles sur la Libération de Paris de Philippe Castetbon, Editions Tirésias 2004.
    Chantal belle-sœur de Philippe

  3. Le PROBLÈME, toujours le même, c’est une entité qui porte la dénomination de LA VILLE DE PARIS, une entité qui n’a rien à voir avec la réalité physique et historique de la ville elle-même, mais avec sa gouvernance, une maladie infectieuse honteuse.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *