Cette année-là, alors que la température restait étrangement douce, la pluie avait commencé à tomber la veille de la Toussaint et, depuis ce jour, il n’avait pas cessé de pleuvoir. Les chemins s’étaient transformés en bourbiers, les ruisseaux en torrents et les torrents en rivière. On disait que si ça continuait comme ça, demain, la route qui menait de St-Géraud à La Claux serait coupée.
Noël marchait sous la pluie depuis bientôt deux heures. Son chapeau de feutre avait perdu sa forme et ses larges rebords rabattus sur ses oreilles pendaient maintenant jusque sur ses épaules. Ses vêtements détrempés s’étaient collés à son corps et pesaient lourd sur son dos et sur ses reins. Il avançait encore plus péniblement qu’à l’ordinaire, trainant son pied difforme dans les ornières du chemin. Noël pressait le pas autant que sa démarche le lui permettait. Il voulait arriver à la Prétentaine avant la nuit car il avait gardé de son enfance une sourde crainte de l’obscurité et des esprits malfaisants qui la peuplent. D’ailleurs aucun homme de la région, même le plus courageux ou le plus inconscient, n’aurait eu l’idée de marcher dans l’obscurité, le vent et la pluie à travers cette campagne à demi submergée.
Pourtant, malgré l’humidité qui le pénétrait, malgré la nuit qui approchait et malgré le mauvais chemin qu’il lui restait encore à parcourir, Noël était joyeux : c’en serait bientôt fini de son infirmité. Le docteur Cottard Continuer la lecture de HISTOIRE DE NOËL (Extrait)