SASSI MANOON ET LES TEXAS RANGERS (Extrait)

(…) Un beau matin, deux hommes en uniforme parurent à la porte du dispensaire : un gros rouquin du nom de Bill Crawley, et un petit brun moustachu qui s’appelait Ive Krupckie.
« Hi, Ma Sœur, dit Bill. Belle journée qui s’annonce, pas vrai ? »
La sœur resta un instant stupéfaite car aucun homme en uniforme ne s’était jamais présenté au dispensaire et, plus généralement, aucun homme blanc n’avait jamais été vu sur l’ile, a fortiori au dispensaire. Néanmoins, elle se ressaisit pour répondre :
« Bonjour Messieurs les soldats, et que Dieu vous protège.
— Bill et moi, on est des Rangers du Texas. On est comme qui dirait à la recherche de chasseurs d’alligators, des sacrés fils de pute, pardon Ma Sœur, mais y a pas d’autre mot, des sacrés fils de pute qui chassent la nuit au fusil et même à la dynamite. Pas vrai, Bill ?
— Pour sûr, Ive !
— Alors on remonte la Sabine depuis une semaine à la recherche d’un bateau qu’on nous a signalé et qui pourrait bien être celui de ces salopards qui se foutent de la loi comme de leur première vérole. S’cusez, Ma Sœur, ça m’a échappé. C’est un foutu gros dinghy tout noir. Mille pardons, Ma Sœur! Un foutu gros bateau en caoutchouc tout noir. Pas vrai, Bill ?
— Pour sûr, Ive. L’auriez pas vu, par hasard, le dinghy ?— Je regrette sincèrement, Messieurs les soldats, mais les seuls bateaux que j’ai vus ces deux dernières années, ce sont les barques des pêcheurs, le bateau de l’orphelinat et les barges des compagnies de pétrole qui font la navette entre les champs pétrolifères au Nord et le Golfe du Mexique. Mais à propos d’embarcations, où est donc la vôtre
— On l’a laissée de l’autre côté et on a traversé l’ile à pied. Trois heures pour faire à peine un mile ! Une sacrée foutue balade. Ah ! Merde ! Pardon, Ma Sœur, je voulais dire que c’était pas une promenade de tout repos. Pas vrai, Bill ?
— Pour sûr, Ive. C’est vraiment le trou du cul du monde ici ! Oups ! Au temps pour moi, Ma Sœur, je voulais dire que c’était un peu isolé, comme bled.
— Z’auriez pas entendu comme qui dirait des coups de fusil, la nuit ? Ou des explosions ? Ou un bordel pas ordinaire ? Quoi, qu’est-ce qu’il y a Bill ?
—Ben, Ive, faut pas dire bordel devant une dame, surtout si elle est bonne sœur.
— Pourquoi , Bill ? J’ai dit bordel moi ?
— Pour sûr, Ive, que t’as dit bordel.
— Et c’est pas bien de dire bordel, Bill ?
— Non, c’est pas bien de dire bordel, Ive. Surtout devant une bonne sœur.
— Ah ? Je savais pas. Bon alors, Ma Sœur, vous auriez pas entendu des bruits supposément bizarres, la nuit ?
— Non, Monsieur le soldat, pas depuis le 4 juillet dernier.
— Ah bon ? Y a eu du bordel, mille excuses, du bruit le 4 juillet ?

(…)

L’ histoire dont vous venez de lire un extrait fait partie du recueil du nouvelles « La Mitro« , disponible sur Amazon.fr.  Vous pouvez vous rendre sur le site de vente en cliquant sur l’image de la couverture ci-dessous.

LA MITRO et autres drôles d’histoires
C’est un recueil de nouvelles qui porte le titre de la première d’entre elles. Assez inspirée par Marcel Pagnol, il faut la lire avec l’accent. Les autres nouvelles revisitent aussi bien l’assassinat de Jules César que les jeux télévisés, les petits meurtres sans importance, l’effet papillon ou la manière d’accéder auParadis.

Une réflexion sur « SASSI MANOON ET LES TEXAS RANGERS (Extrait) »

  1. Les plus anciens (et les plus cultivés) d’entre vous auront peut-être remarqué que les formes utilisées pour rendre les dialogues entre Ive Krupckie et Bill Crawley sont assez clairement inspirées de ce chef d’oeuvre de Charles Williams, Fantasia chez les Ploucs, dont j’avais fait ici la critique il y a un eu plus de deux ans.
    Si vous ne l’avez plus dans son édition originale de la Série Noire (mais où sont les neiges d’antan), vous le retrouverez sous le nouveau et stupide titre « Le bikini de diamant ». Si vous voulez en relire ma critique, elle est au bout de ce lien :
    https://www.leblogdescoutheillas.com/?p=39741

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