REINE D’UN SOIR (Extrait)

(…) Dorsett a paru déstabilisé. Il a tapoté son oreillette pour vérifier son bon fonctionnement, mais, apparemment, elle est restée silencieuse. Il s’est tourné vers les coulisses, espérant sans doute une intervention ou au moins un signe de Bojo. Mais Bojo demeurait inexplicablement absent et Dorsett a commencé à perdre contenance. Il s’est mis à hésiter, à bafouiller :

« Euh… enfin voyons, Carmen… euh, je veux dire Veolia… ce n’est pas gentil ce que vous…

— Pas gentil ? Pas gentil ? a rugi Veolia. Et la salope, là, l’allumeuse de Clocaenog, l’inondeuse de polders, c’est gentil ce qu’elle fait ? C’est gentil de vouloir me voler mon titre en se faisant dessiner des trucs à deux balles sur la peau pour attendrir les braves gens ?

— Mais enfin… protestait Dorsett, mais enfin… »

Il n’avait plus pied, le présentateur vedette, il ne savait plus quoi faire ; tout cela n’était pas prévu ; ça le dépassait ; d’autant plus que Carmen qui, jusque-là, était restée tête baissée, étrangement silencieuse, venait de se mettre en branle. Elle a décroché son micro de son support et après avoir tiré un grand coup sur le câble comme une rockeuse professionnelle pour se donner du mou, elle a traversé la scène à grands pas vers son adversaire, non sans tenir le micro juste à la bonne distance pour que tout le monde entende ce qu’elle avait à dire :

« Non mais, je rêve ! Eh ! Oh ! La pétasse, là ! Tu veux me piquer ma couronne, pickpocket de mes fesses ! Tu vas voir un peu ! C’est pas au fer rouge que je vais te marquer, moi ! C’est à coup de tatanes dans la gueule. Pousse-toi de là, le minus ! »

Cette dernière injonction était adressée à Dorsett qui, courageusement, tentait de s’interposer entre les deux femmes.

« Dégage, que je te dis ! Dégage Dorsett, ou tu vas t’en prendre une !

— Mais enfin, Madame ! »

Et c’est tout en gémissant cette faible protestation que Dorsett, sensible à la menace, s’est écarté, laissant le champ libre à la furie. Cette diversion ayant laissé un peu de temps à Veolia pour réaliser le danger de la situation, elle entreprit de contourner son pupitre de manière à ce qu’il se trouve entre elle et son ennemie. Mais il suffit à Carmen d’un revers de main pour balayer le fragile rempart. Veolia saisit alors son pied de micro. Elle le brandit devant elle comme une hallebarde pour tenir Carmen à distance, tout en l’invectivant de la sorte :

« Viens-y donc, eh ! Patate ! Mais viens-y donc ! Ah ! Tu veux être Reine d’un soir ! Mais tu seras jamais que la reine des cloches, ma pauvre fille !

— Et, toi, t’es juste bonne à être l’impératrice de la betterave, grosse pouffiasse !

— Grosse pouffiasse ? Non, mais tu t’es regardée ? T’as vu comment t’es foutue ? On dirait une bouteille d’Orangina. Je m’en vais te secouer, moi, tu vas voir ! »

(…)

*

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LA MITRO et autres drôles d’histoires
C’est un recueil de nouvelles qui porte le titre de la première d’entre elles. Assez inspirée par Marcel Pagnol, il faut la lire avec l’accent. Les autres nouvelles revisitent aussi bien l’assassinat de Jules César que les jeux télévisés, les petits meurtres sans importance, l’effet papillon ou la manière d’accéder auParadis.

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