Archives de catégorie : Fiction

Go West ! (43)

(…) J’ai confirmé que j’avais bien compris : Marylin s’était suicidée. Sur place, il faudrait jouer mon rôle de flic normal, sanctuariser les lieux, faire les constatations, interroger les témoins tout en faisant mon boulot d’agent double en cherchant un Dictaphone. Pour quoi il faudrait faire tout ça, je n’en avais aucune idée. Je me disais que je ne le saurais probablement jamais, mais qu’avec Marylin et tous les pontes qui tournaient autour ce devait être drôlement important. Deux minutes plus tard, j’entrai dans 5th Helena drive. Il était 10:34 p.m.

C’est un cul de sac. La maison de Marylin est tout au fond, portail ouvert. Deux voitures garées côte à côte font face à la porte d’entrée, un cabriolet T’Bird et une Rolls Royce décapotée. Sous le porche il y a un type en bermuda qui s’avance vers moi entre les deux voitures. Je le reconnais tout de suite, c’est Peter Lawford, l’acteur. Je ne suis pas surpris, tout le monde sait que c’est un ami intime de Marylin. Je me présente. Lawford a l’air bouleversé.  Dans le désordre, il me dit que Marylin est dans sa chambre, qu’elle est morte, sur son lit, que c’est la nurse qui l’a appelé, qu’il est venu tout de suite, que c’est terrible, qu’il a cassé un carreau pour entrer dans la chambre, qu’elle a fait une overdose, qu’elle est morte, qu’il a appelé le médecin de Marylin, que la nurse a appelé la police, que c’est bien d’être venu si vite, qu’elle est morte… Je finis par l’interrompre et lui demander Continuer la lecture de Go West ! (43)

Go West ! (42)

Un peu déçu, je compris à la lecture de cet article de Vanity Fair que ce n’était pas chez Lawford que je trouverai les réponses à mes questions. Bien qu’il ait divorcé depuis longtemps de Patricia et bien que John F. et Robert aient disparus peu d’années après Marylin, pouvais-je en attendre davantage d’un ex-membre de la puissante famille Kennedy ?
Les mémoires de Jack Clemmons devait s’avérer beaucoup plus intéressantes.

En août 1962, Jack Clemmons venait d’avoir 38 ans et il était sergent dans la police de Los Angeles, le fameux LAPD. Il termina sa carrière en tant que chef de la police municipale de Fort Myers en Floride où il prit sa retraite pour y mourir en 1998. Quelques années auparavant, il avait fait paraître un livre de souvenirs intitulé « Say good by to the President ». C’est de ce livre que j’ai tiré l’essentiel des informations que je reproduis ci-dessous.

Diplômé en droit de New-York University en 1947, le jeune Clemmons obtint un emploi au FBI. Après une formation complémentaire de six mois à Quantico, il effectua quelques missions banales en Californie en tant qu’adjoint d’un agent confirmé. A cette époque, l’inamovible directeur du FBI, J. Edgar Hoover, avait la ferme conviction qu’Hollywood était un nid d’espions communistes, souvent juifs et toujours dépravés. Il avait donc infiltré un petit nombre de ses agents dans le LAPD. Ces taupes du FBI étaient chargées de lui transmettre tout ce Continuer la lecture de Go West ! (42)

GO WEST ! (41)

Je sentais monter en moi une évidence, de plus en plus claire, incontestable, effrayante : cet enregistrement était terriblement dangereux. Je ne voulais aucun rôle, aucune responsabilité dans cette affaire ! Il fallait que je me débarrasse du dictaphone au plus vite. Que la police se débrouille toute seule pour découvrir la vérité sur la mort de Marylin. Mais la panique s’était installée en moi et si je pouvais encore penser, ce n’était qu’à ce qui pourrait m’arriver si j’étais pris avec cette pièce à conviction. Il n’était plus question de tentative de corruption d’un officier de police, de possession illégale d’arme à feu ou de coups et blessures sur une citoyenne américaine mais d’obstruction à la justice dans une scabreuse affaire d’État.
Il fallait que je me débarrasse de ce truc…

Au cours de la soixantaine d’années qui s’est écoulée depuis mon premier périple américain, j’ai effectué bien des voyages à travers le monde, il m’est arrivé de croiser de façon fugace quelques célébrités et si j’ai vécu quelques circonstances historiques, ce fut toujours de façon involontaire, passive et marginale. Mais la mort de Marylin Monroe est sans conteste l’événement mondial le plus important auquel j’ai pu être mêlé d’aussi près.

Dans les heures qui avaient suivi le constat du décès de Marylin, le Coroner avait conclu à un probable suicide et, par la suite, plusieurs enquêtes officielles ont confirmé cette conclusion. Mais ni la première enquête de police ni celles qui ont suivi n’ont réussi à convaincre personne. Star hollywoodienne, personnages politiques de premier plan, scandale, faux témoins, vrais amis, journalistes à sensation, enquêteurs privés et préférence naturelle du public pour le complot, tous les ingrédients étaient réunis pour que Continuer la lecture de GO WEST ! (41)

Go West ! (40)

Toute la L.A.’s Gate semblait me dire « C’est ici qu’on construit le monde ! C’est ici que ça se passe, mon vieux ! Ici, tout le monde est bronzé, tout le monde fait du sport, tout le monde travaille, tout le monde gagne de l’argent ! Alors ? Qu’est-ce que tu attends pour en faire autant ? »
Debout sous le soleil, les bras ballants au milieu de cette fourmilière bigarrée, pendant quelques instants, j’avais oublié Marylin. Mais la parenthèse insouciante s’est refermée quand sa voix est revenue : « Dans une heure, je serai morte. J’espère que Jack et Bobby pourriront en enfer. »

Oublier Marylin ! Je voudrais bien moi, mais comment faire ?

Marylin, Kennedy, Lawford, Clemmons… ces noms tournent dans ma tête. Et ces mots aussi « Dans une heure, je serai morte… je veux mourir parce que je ne veux plus passer ma vie à attendre… si tu continues à nous emmerder, tu vas en baver, ma cocotte ! … on aurait dit un gangster… que Jack et Bobby pourrissent en enfer ! » Et cette voix qui est enfermée dans ma poche…

Tout ça me dépasse. Je ne sais pas quoi faire. Je n’ose pas me demander ce qu’il faudrait faire ; je n’ose même pas poser le problème. Je n’ai plus envie de jouer, je ne veux plus être le privé redresseur de torts de la nuit dernière, je veux juste me retrouver avec cinq copains dans une Hudson à cinquante dollars sur la route de San Francisco. Je veux juste que rien de tout cela ne soit arrivé ; je n’ai pas aperçu Peter Lawford à travers une vitre de voiture de police, je n’ai pas ramassé le dictaphone, je n’ai jamais approché la maison de Marylin Monroe, je n’ai rien à voir avec tout ça.  Mais mon pauvre déni ne dure pas : j’ai vu Lawford, j’ai pris le dictaphone, j’ai écouté la cassette, Marylin est morte et je sais pourquoi. Je suis le seul à le savoir, le seul peut-être avec Peter Lawford.

A ce moment, me revient du fond de ma mémoire que Lawford Continuer la lecture de Go West ! (40)

Go West ! (39)

(…)
« Santa Clarita, c’est bon pour toi ?
— C’est loin ?
— Environ trente miles vers le Nord.
— Formidable !
— Alors monte, mon gars ; on y va ! »
En démarrant, il ajoute : « Je suis Joe. Et toi ? ». Mais je ne réponds pas parce que sur le plancher, devant moi, il y a un journal. C’est le Los Angeles Times. J’ai les pieds dessus. On dirait une édition spéciale. Elle est pliée en deux, mais entre mes chaussures, je lis :
« MARYLIN MONROE DIES, BLAME PILLS »

C’est écrit en lettres capitales grasses. Le titre tient toute la page. Juste en dessous, on peut voir la partie haute d’une photographie. C’est un portrait. Il est coupé au niveau du front par la pliure du journal. On n’en voit qu’une chevelure blonde. Mais c’est bien elle ; c’est Marylin ! Et elle est morte. Pauvre fille, toujours si jolie, si innocente, si gaie dans ses films. En fermant les yeux, je la revois descendre cet escalier de « Sept ans de réflexion« , chanter dans ce wagon-lit de « Certains l’aiment chaud« . A l’instant, les mots qui me viennent à l’esprit pour la définir, c’est ‘’adorable… fragile’’… et maintenant ‘’morte’’. Comme je reste figé devant le journal, Joe me dit :
« Ah, tu as vu, Marylin est morte ! C’est triste, hein ? Une jolie fille comme ça ! »
—Je ne comprends pas « blame pills« . Qu’est que ça veut dire ? Continuer la lecture de Go West ! (39)

Go West ! (38)

Et puis partir au hasard de la bonne volonté des automobilistes, ça m’évitait temporairement d’avoir à choisir entre Seattle et Washington. Je verrais bien dans quelle direction le hasard m’entrainerait.
Comme je m’agitais sur mon matelas de carton pour rassembler mes affaires, je sentis quelque chose de dur dans une poche avant de mon jean. C’était le truc que j’avais ramassé sous la Rolls de Peter Lawford et que depuis, j’avais totalement oublié.

A peine plus long mais un peu plus étroit qu’un paquet de cigarettes, très compact, un peu lourd, avec sa petite fenêtre de plexiglass qui couvrait le logement de la cassette et son cordon tressé noir faisant office de gance, il dépassait à peine de ma main fermée. C’était un dictaphone de poche, en acier brossé gris, simple et élégant, le fruit de la technologie et du design allemands. Je le considérai tout d’abord avec hésitation, méfiance même, et puis je décidai d’écouter ce qu’il pouvait bien y avoir d’enregistré sur sa bande magnétique. Son maniement était simple et tout de suite j’ai entendu la voix. Elle disait : Continuer la lecture de Go West ! (38)

Go West ! (36)

(…) A droite, très reconnaissable, une Rolls-Royce, gris clair, énorme, décapotée. Sa plaque de Californie, noir sur fond blanc est bien visible : L-A-W-F-R-D. Aux USA, il est courant que les gens choisissent l’immatriculation de leur voiture en fonction de leur nom, de leur métier ou de leur hobby. Alors je cherche… LAWFRD, LAWFRD… ça doit vouloir dire quelque chose… ça veut surement dire quelque chose…et d’un coup, ça y est, j’ai compris : LAWFRD c’est pour LAWFORD et la Rolls, c’est la voiture du type en bermuda, et ce type, c’est Peter Lawford, le copain de Sinatra, le beau-frère de Kennedy… Incroyable ! Je viens de voir Peter Lawford !

Après tout, je suis à Los Angeles, tout près d’Hollywood et de Beverley Hills. Rencontrer un acteur de cinéma n’a rien d’exceptionnel. Mais quand même, qu’est-ce qu’il peut bien se passer dans cette maison ? J’ai entendu le mot suicide. Un suicide, ce n’est pas rien. On a dû appeler Clemmons pour faire les premières constatations, mais qu’est-ce que vient faire Lawford là-dedans ?  Et combien de temps Clemmons va-t-il me laisser seul dans sa voiture ? J’ai mon sac à côté de moi avec, dedans, mon foutu P .38. La voiture n’est pas fermée à clé. C’est peut-être le moment de ficher le camp. Je ne crois pas que le flic ait noté mon identité sur son carnet. Si je fichais le camp maintenant, il se souviendrait sûrement de ma nationalité, mais peut-être pas de mon nom. Le problème, c’est qu’il ne m’a pas rendu mon portefeuille. Je crois qu’il l’a posé Continuer la lecture de Go West ! (36)

Go West ! (35)

(…) Et voilà ! Pour la deuxième fois en trois semaines, je suis enfermé à l’arrière d’une voiture de police ! Je ne suis pas menotté, c’est un progrès, mais cette fois-ci, je sais pourquoi je suis là et ça n’a rien pour me rassurer.
Tandis que le policier fait marche arrière pour se dégager, ses phares balaient mes cinq camarades. Éblouis, ils ne peuvent surement pas me voir mais moi, je vois bien leur air inquiet, désemparé. Derrière eux, j’aperçois l’arrière de l’Hudson Hornet et, au-delà, un petit morceau de plage et d’Océan Pacifique. Je ne le sais pas encore mais je ne reverrai plus notre belle voiture à 50 dollars.

Le flic s’appelle Jack Clemmons ; il est sergent ; c’est ce que dit son badge.  Ce crétin croit que j’ai voulu l’acheter avec un billet de 100 dollars glissé dans mes papiers ! Mais c’est complètement fou, ce truc ! Mon billet, il n’était pas glissé dans le permis ! Il était gentiment plié en deux dans un des compartiments de ce foutu portefeuille ! Et il a bien vu que je lui avais donné le portefeuille parce que je n’arrivais pas à le sortir, ce foutu permis rose à trois volets à la con que le monde nous envie, coincé qu’il était dans son foutu triptyque en plastique. Il a bien dû s’en rendre compte, cet abruti, que je lui avais donné pour qu’il puisse le lire sans le sortir du plastique !  Mais non ! Si ça se trouve, il voulait me voler, ce flic ! Il a fouillé mon portefeuille pour le trouver, le billet ! Ou alors, il avait envie de s’amuser, et il a fait semblant de prendre ça pour une tentative de corruption. « Vous avez voulu acheter un officier de police ! » Acheter un officier de police ! Tu parles ! Il s’ennuyait, l’officier de police, c’est tout ! Faut dire qu’à dix heures du soir, contrôler une grosse voiture marron sale immatriculée en Arizona rôdant à quinze miles à l’heure dans Santa Monica avec six types à bord, une vielle Hudson qui hésitait, faisait demi-tour sur Ocean Boulevard, hésitait encore pour Continuer la lecture de Go West ! (35)

Go West ! (34)

(…) La journée passe comme ça, en confirmation des images que nous avons apportées avec nous. Et c’est vrai, tout est là, comme nous l’attendions : les beatniks et les maisons étranges de Venice Beach, la jetée de Santa Monica et sa fête foraine, la plage déserte de Pacific Palisades, les courbes majestueuses du Sunset Boulevard, les larges allées bordées de cocotiers et de maisons invisibles de Beverley Hills, l’animation de Hollywood Boulevard et le légendaire Théâtre Chinois.

La nuit est tombée. Vers dix heures du soir, nous n’avons toujours pas trouvé d’hôtel et nous décidons de dormir à nouveau sur une plage. Pour y parvenir, la route est évidente : Go West, young man ! Sunset boulevard vers l’ouest, jusqu’au bout. Je me suis débrouillé pour conduire, bien que ce ne soit pas mon tour. Même au volant de cette vieille voiture poussiéreuse, conduire ses deux tonnes dans les virages voluptueux du Boulevard le plus long et le plus célèbre du monde est un plaisir fabuleux. Toutes vitres ouvertes sur la douceur de la nuit, le coude à la portière, j’écoute le chuintement des pneus sur l’asphalte impeccable, je sens ma chemise flotter et battre au vent qui s’engouffre dans sa manche courte, je respire l’odeur des magnolias arrosés par les jets d’eau des jardiniers nocturnes mexicains, je regarde la lune qui nous suit en courant au sommet des bosquets qui cachent les propriétés.  Du côté de Pacific Palisades, le bord de mer est désert. Je roule doucement le long de la plage. Arrivé devant les lumières de la jetée de Santa Monica, je fais demi-tour pour reprendre Ocean Avenue vers le nord. Je finis par tourner à gauche sur Ocean pour m’engager dans une courte impasse et me garer face à l’océan. Je coupe le moteur. Nos quatre portières s’ouvrent en même temps.

D’un seul coup, nous sommes illuminés par les phares d’une voiture qui vient se coller contre le pare-chocs arrière de l’Hudson. C’est une voiture de police, avec sa Continuer la lecture de Go West ! (34)

Go West ! (33)

(…)  La procédure s’achèvera quand les deux clients officiels iront régler la note juste avant de partir avec la voiture tandis que les quatre clients additionnels sortiront discrètement pour attendre un peu plus loin sur la route. Hervé avait appelé cette méthode Cheval de Troie, car dans ses premières tentatives, il arrivait souvent que deux des passagers clandestins se cachent au fond de la voiture. Impraticable à six, cette technique particulière a été abandonnée mais le nom est resté.

Cela fait cinq heures que nous roulons après notre deuxième demi-nuit à Las Vegas. Le jour se lève. Nous sommes tous à nouveau épuisés mais, avec le jour, il n’est plus nécessaire de monter la garde à la fenêtre avec la lampe électrique.

Hier soir, vers neuf heures, propres et reposés, nous avions quitté le Centennial Motel où notre opération Cheval de Troie avait parfaitement fonctionné. Ayant payé la chambre et n’étant pas emporté les couvertures avec nous, nous avions la conviction de n’avoir lésé personne et nous n’éprouvions pas le moindre des remords. Arrivés au Golden Nugget, désormais Continuer la lecture de Go West ! (33)