Archives de catégorie : Critiques

Rendez-vous à cinq heures : à bord du Goncourt

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A bord du Goncourt

Après ces déceptions littéraires qu’ont été Un Barrage contre l’Atlantique (Begbeider) et Fragile des bronches  (Blier), il fallait que je me lance dans quelque chose de solide, sinon, c’était la rechute immédiate et totale dans Netflix et ses séries. J’ai donc pris une valeur sûre, garantie par trois prix littéraires en 2021 (Hennessy, Transfuge et Goncourt) : La plus secrète mémoire des hommes par Mohamed Mbougar Sarr (459 pages – 22€ -Editions Philippe Rey).

Bon ! Après avoir lu 59 pages, je peux déjà vous dire que pour aller plus loin, il va falloir que je prenne de l’élan. Ce n’est pas que le livre me paraisse (déjà ?) mauvais ou ennuyeux.  D’ailleurs j’y suis entré avec beaucoup plus de facilité et de plaisir anticipé que dans les deux objets bizarres que j’ai mentionnés plus haut. Mais voilà, j’appréhende. J’appréhende car, dans ce dernier prix Goncourt, rien ne correspond à ce à quoi je suis habitué, donc (bêtement) à ce que j’aime. 

Le style en est bon, sans doute excellent, on verra sur la distance, mais il est parsemé de mots qui m’obligent à Gougueuliser : déhiscent, clinamen, épillet, sénère… et ça, ça m’agace un peu. 

L’intrigue s’annonce bien : un écrivain disparu, auteur d’un seul livre, essentiel, introuvable, dont on sent que le narrateur, jeune écrivain sénégalais francophone; va se mettre à la recherche. Mais je crains  d’être peu sensible à l’ambiance humide, chaude et parfumée de l’envoûtement de la vieille Afrique. 

Et puis, ce passage de la page 50 m’a fait un peu peur :
« Les gens veulent qu’un livre parle nécessairement de quelque chose. La vérité, Diégane, c’est que seul un livre médiocre ou mauvais ou banal parle de quelque chose. Un grand livre n’a pas de sujet et ne parle de rien, il cherche seulement à dire ou découvrir quelque chose, mais ce seulement est déjà tout, et ce quelque chose aussi est déjà tout. »

Quand je pense que Flaubert, dont c’était justement le rêve que d’écrire un livre sur rien, n’y est pas arrivé, j’ai des craintes pour Mohamed Mbougar Sarr.

Mais, ne vous y trompez pas : je fais juste une pause pour voir la fin de Better call Saül et je reprends le bouquin. Je vous en donnerai des nouvelles. Si je dois m’arrêter en route, vous le saurez. Si je vais jusqu’au bout, il faudra attendre pour savoir, parce qu’il se peut que cela prenne du temps.
En attendant, si vous l’avez lu, ce Goncourt, vous pouvez toujours donner votre avis dans un prochain Rendez-vous à cinq heures. 

 

Fragile des bronches – Critique aisée 226

Critique aisée 226

Fragile des bronches
Bertrand Blier – 2022
Éditions Seghers – 185 pages–17 €

Décidément, je n’ai pas de chance avec les recommandations de fin d’émission du Masque et la Plume. Après Un Barrage contre l’Atlantique de Beigbeder dont je vous ai dit il y a peu ce que je pensais, voilà que je me suis laissé tenter par le Fragile des bronches de Bertrand Blier.

D’abord, Bertrand Blier pour moi, c’est l’homme qui a contribué (pour de bon) à changer notablement l’écriture avec son premier roman Les Valseuses paru en 1972, puis apporté quelque chose de vraiment neuf au cinéma avec son deuxième long métrage, du même titre, sorti en 1974. Il nous a ensuite régalés, touchés, glacés, choqués, amusés, interpellés avec ses films suivants : Calmos, Préparez vos mouchoirs, Buffet froid, Tenue de soirée, Trop belle pour toi, Les acteurs, Le Bruit des glaçons, pour ne citer que ceux que j’ai vraiment aimés.  Un beau palmarès, quand même, fait de films à chaque fois différents, originaux, jamais vus.

Alors, entendre je ne sais plus qui recommander son Fragile des Bronches à la fin d’un Masque et la Plume, ça me motivait.

Et puis, le titre, rien que le titre, Fragile des bronches était Continuer la lecture de Fragile des bronches – Critique aisée 226

Un barrage contre l’Atlantique – Critique aisée 225

Critique aisée n°225

Un barrage contre l’Atlantique
Frédéric Beigbeder
Grasset – 2022 – 263 pages – 20€

Ce livre, qui s’auto-qualifie de roman, n’en est pas un. Il a pour sous-titre « Un roman français, tome 2 » mais il n’en est pas la suite.
Allons bon ! Ça commence bien !

Un roman français (tome 1 ?) était un bon livre. Ce n’était pas un roman non plus, mais quand un récit est enlevé, fluide, souvent drôle et parfois touchant, on ne va pas faire la fine gueule et lui reprocher sa classification.

Mais Un barrage contre l’Atlantique n’est pas la suite d’Un roman français. Ce n’est pas un roman. C’est à peine un récit. Ce pourrait être un journal, dans le genre de celui de Jules Renard (que Jules me pardonne), ou un recueil d’aphorismes, de sentences, de pensées diverses, une mine d’exergues pour écrivains en mal de citations de la Bible ou de Shakespeare. Ce pourrait être un répertoire de noms de familles, de lieux et de vêtements branchés. Ce pourrait être enfin un témoignage de gratitude, un cadeau de remerciement, tel un carton de Saint-Émilion qu’on envoie au propriétaire de la maison qui vous a accueilli l’été dernier. Ce pourrait être tout ça, mais certainement pas un roman.

Bon ! Et alors ? Un écrivain n’est pas tenu Continuer la lecture de Un barrage contre l’Atlantique – Critique aisée 225

anéantir – critique aisée n°224

Critique aisée 224

Michel Houellebecq – 2022
Flammarion – 730 pages – 26 €

Je viens de finir le dernier Houellebecq

Moi, j’ai trouvé que, contrairement à ses livres précédents, anéantir était plutôt lourd, et j’ai trouvé aussi qu’il n’était pas facile à lire. La preuve, il m’est tombé des mains plusieurs fois. Par ailleurs, il comporte au moins deux défauts, et enfin, il confirme s’il en était encore besoin que Houellebecq et moi avons un sérieux point de désaccord.

En effet, le dernier Houellebecq est lourd : 850 grammes.(1)
Il n’est pas facile à lire parce qu’on ne peut pas le tenir d’une main,  tant il est pesant et anguleux avec son papier épais et sa couverture rigide et pointue. Cela fait que, quand il vous échappe, il vaut mieux qu’il ne vous tombe pas sur le pied.
De plus, le dernier Houellebecq comporte au moins deux défauts :
1) la page 407 est partiellement déchirée et repliée vers l’intérieur du livre.
2) page 553, une tache de colle obscurcit légèrement l’article du placé en fin de sixième ligne entre les mots heures et matin.
Enfin, le point de désaccord entre Michel et moi : un certain usage, ou plutôt un certain non-usage de la ponctuation.

Ceci dit, le dernier Houellebecq….

Disons tout de suite que le roman est très Continuer la lecture de anéantir – critique aisée n°224

Rendez-vous à cinq heures : fausses critiques

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Fausses critiques

Bravant le Covid et ses affluents je suis allé récemment au cinéma deux fois de suite. Choisissant mes salles et mes horaires, chapeauté, ganté, masqué, incognito, j’ai pu voir la, première fois Les Illusions perdues et, la deuxième, Licorice Pizza.
Étant plutôt occupé en ce moment à procrastiner la poursuite de la rédaction d’un nouveau roman qui pour l’instant n’est écrit la moitié, je n’ai pas le temps aujourd’hui d’écrire de véritable « Critique Aisée » sur ces deux films.
Je n’en dirai donc que quelques mots, destinés, comme toute critique qui se respecte, non pas à l’analyse de ces œuvres mais à vous faire savoir ce que j’en ai pensé, car c’est bien ça que vous êtes venu chercher ici , n’est-ce pas ?

Les Illusions perdues
Xavier Giannoli – 2021
Allons-y franchement : Ce film, d’un grand classicisme, est une vraie réussite. La reconstitution est parfaite de cette étrange époque de la Restauration ou les Libéraux, les Républicains et les Ultras s’opposent Continuer la lecture de Rendez-vous à cinq heures : fausses critiques

Critique aisée 223 – Le Voyant d’Étampes

Critique aisée 223

Le Voyant d’Etampes
Abel Quentin-2021
Éditions de l’Observatoire – 380 pages – 20 €

Au début, on pense à Houellebecq ; un universitaire sur le retour, un peu alcoolique, solitaire, drôle, ironique, amer, lucide… Houellebecq. Après, on pense à Philippe Roth, victime de la pensée unique, de la racialisation et de la correctitude politique.

Jean Roscoff, le narrateur du Voyant d’Étampes, est un peu tout ça, prof, alcoolique, nostalgique d’une ex-femme pour laquelle il n’était pas fait, père attendri d’une fille aimante mais moutonnière, aigri par un échec littéraire de jeunesse, bientôt victime d’une de ces campagnes dont nos jeunes élites ont fait leur arme de destruction massive : l’antiracisme fureteur, la racialisation indéfrisable, le Wokisme intégral. (A la place d’  « intégral », mon correcteur d’orthographe automatique s’obstine à me proposer « intergalactique ». Il est en avance sur son temps, mon correcteur, mais de combien de mois ?)
Et ce qu’on lui reproche, à ce Roscoff-Houellebecq-Roth qui a écrit un ouvrage savant sur un poète ignoré, américain, communiste et disparu, c’est de n’avoir pas mis suffisamment en avant la négritude du bonhomme. Alors qu’en d’autres temps, Continuer la lecture de Critique aisée 223 – Le Voyant d’Étampes

Rendez-vous à cinq heures : Un barrage contre l’Atlantique

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Un barrage contre l’Atlantique
par Lorenzo

J’ai lu le dernier roman de Frédéric Beigbeder :
Frédéric Beigbeder a réussi à écrire un roman avec une succession de phrases indépendantes, imagées et poétiques, sans rapport chronologique ou logique entre elles. J’admire cette forme nouvelle d’écriture un peu comme celle d’Hemingway. Je ne l’ai pas trouvée fastidieuse contrairement à celle d’Eric Neuhoff dont le style aussi épuré, un sujet, un verbe, un complément, est lassant Continuer la lecture de Rendez-vous à cinq heures : Un barrage contre l’Atlantique

Rendez-vous à cinq heures : Fausses critiques

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Fausses critiques

Vu l’autre soir sur FR3 

La Bonne année
Claude Lelouch (1973)
Contrairement aux habitudes de C.L. , un film très classique dans sa construction de polar, et conformément aux habitudes de C.L. des dialogues si naturels qu’on les croirait improvisés, de merveilleuses scènes d’amitié entre Lino Ventura et Charles Gérard, une paisible scène de séduction entre Ventura et Françoise Fabian dans un restaurant. 

Une de mes scènes favorites se situe vers la fin du film : Le 1er janvier au matin, après six années de prison, Ventura vient de s’annoncer au téléphone à Fabian alors qu’elle est au lit avec son amant du moment. Après l’avoir délicatement chassé, elle entreprend de ranger son appartement pour accueillir l’homme de sa vie.  Voir Françoise Fabian en peignoir, courir en tous sens, passant du Continuer la lecture de Rendez-vous à cinq heures : Fausses critiques

West Side Story – Critique aisée n°222

Critique aisée n°222

West Side Story
Steven Spielberg – 2021
Rachel Zegler, David Alvarez, Ariana DeBose, Mike Faist

Peut-on ressentir les mêmes émotions deux fois ? C’est la question qui se pose quand on parle du remake d’un film qu’on a aimé ?
Et ce film, celui de 1961, (photo ci-contre) celui avec Nathalie Wood, Georges Chakiris, Rita Moreno, Russ Tamblin, celui-là, je l’avais aimé. Vu à New-York en 1962. Epoustouflé par la mise en scène et les cadrages de Robert Wise, renversé par la musique de Leonard Bernstein, enthousiasmé par la chorégraphie de Jerome Robbins, soixante ans plus tard, je garde encore un grand souvenir de cette gigantesque salle de cinéma, de cet immense écran, et de cette extraordinaire séance de vrai cinéma. Je n’avais pas vingt ans.
Alors, peut-on revivre les mêmes émotions à tant d’années de distance ? C’est avec cette question en tête, mais tout prêt à Continuer la lecture de West Side Story – Critique aisée n°222

Don’t look up ! Critique aisée n°221

Critique aisée n°221

Don’t look up
Adam McKay – 2021
Leonardo di Caprio, Jennifer Lawrence, Merryl Streep, Cate Blanchett, Timothée Chalamet

C’est la derrière grosse production de NETFLIX.
Sur le thème à présent ultra-classique d’une fin du monde annoncée pour demain (en fait pour dans 6 mois : une comète de 10km de diamètre se dirige tout droit sur le terre), Don’t look up nous présente une farce, critique des réactions des politiques, des businessmen et des médias devant cette catastrophe inéluctable. Le titre Don’t look up est extrêmement bien choisi et résume en trois mots ces réactions : « Ne regardez pas en l’air », c’est le message que ces trois groupes sociaux vont délivrer au quatrième, les petits, les sans grade, les moyens, les gradés. Le titre français, Déni cosmique, est tellement nul que j’en ai honte pour la langue française.

Le film commence de façon très classique et très premier degré avec la découverte de cette comète et de sa trajectoire certaine et meurtrière par Continuer la lecture de Don’t look up ! Critique aisée n°221