anéantir – critique aisée n°224

Critique aisée 224

Michel Houellebecq – 2022
Flammarion – 730 pages – 26 €

Je viens de finir le dernier Houellebecq

Moi, j’ai trouvé que, contrairement à ses livres précédents, anéantir était plutôt lourd, et j’ai trouvé aussi qu’il n’était pas facile à lire. La preuve, il m’est tombé des mains plusieurs fois. Par ailleurs, il comporte au moins deux défauts, et enfin, il confirme s’il en était encore besoin que Houellebecq et moi avons un sérieux point de désaccord.

En effet, le dernier Houellebecq est lourd : 850 grammes.(1)
Il n’est pas facile à lire parce qu’on ne peut pas le tenir d’une main,  tant il est pesant et anguleux avec son papier épais et sa couverture rigide et pointue. Cela fait que, quand il vous échappe, il vaut mieux qu’il ne vous tombe pas sur le pied.
De plus, le dernier Houellebecq comporte au moins deux défauts :
1) la page 407 est partiellement déchirée et repliée vers l’intérieur du livre.
2) page 553, une tache de colle obscurcit légèrement l’article du placé en fin de sixième ligne entre les mots heures et matin.
Enfin, le point de désaccord entre Michel et moi : un certain usage, ou plutôt un certain non-usage de la ponctuation.

Ceci dit, le dernier Houellebecq….

Disons tout de suite que le roman est très différent des précédents.
Son personnage principal n’est plus ce technocrate de niveau moyen, désespéré par la découverte de l’inutilité de sa vie et de son métier, sans désir, « mourant littéralement de chagrin »
Il n’est plus non plus cet intellectuel mou, désabusé, un peu cynique, un brin lucide, assez orienté sur le sexe, entrainé par paresse, par faiblesse et par facilité vers une soumission dégradante.

Disons aussi que l’auteur d’ anéantir n’est plus tout à fait le même que celui de Soumission et de Sérotonine. Finies ou presque, les remarques acides, frappées aux quatre coins du bon sens, de l’humour et de la précision sur les modes, les mœurs du temps et ceux qui les font. Finie aussi la construction en entonnoir vers une lamentable fin de l’homme ou de la société.

De ce court inventaire des principales différences, n’allez pas conclure que l’anéantir de Houellebecq est un roman gai ou même seulement optimiste. Pour ne pas vous gâcher sinon la surprise, du moins la lecture, je ne vous en dirai pas beaucoup plus sur l’intrigue ; c’est le rôle de Télérama que de paraphraser.

Sachez seulement que le personnage central est un haut fonctionnaire et que, s’il a quelques problèmes personnels — qui n’en a pas ? —, il n’est pas du tout désespéré ; il croit à l’utilité de son métier et la plupart de ceux qui l’entourent, son patron, son père, son ex-femme, sa sœur, son beau-frère, une jeune infirmière, un médecin sont des personnages attachants, positifs, et mêmes, pour certains, admirables.

Sachez aussi qu’au fur et à mesure que le roman avance sur fond de crise terroriste mondiale, on sent que les choses vont en d’améliorant et que tout pourrait même s’achever fort bien pour les protagonistes. On aura même droit à une émouvante description d’un retour amoureux fondé, bien sûr,  sur le sexe mais aussi et surtout sur la tendresse.

Mais sachez enfin que vous êtes chez Houellebecq, et qu’avec ses dernières pages absolument pathétiques, anéantir ne vous décevra pas sur ce point.

Vous n’êtes probablement pas haut fonctionnaire, vous n’avez peut-être pas d’ex-femme à reconquérir, mais vous réaliserez pourtant que ce personnage, c’est vous et que c’est en cela que ce roman est à la fois universel, passionnant et terrifiant.

Donc, anéantir est très différent des deux Houellebecq précédents.
Si vous ne les avez pas aimés, vous aimerez anéantir.
Et si vous les avez aimés, pareil !

Note 1 — Pour fixer les ordres de grandeur, Le Cujas, par exemple, pèse 425 grammes, exactement la moitié d’anéantir. C’est déjà pas mal. De plus, j’ai choisi sa couverture avec un tel soin que, si par extraordinaire, mon roman vous tombait des mains sur le pied, il ne vous ferait aucun mal.
Enfin, faites attention quand même.

 

Une réflexion sur « anéantir – critique aisée n°224 »

  1. Ah, très bien ! Mais à part le début en forme de teasing paradoxal, on croirait une critique de Télérama ou du Masque et la Plume ! Je veux dire par là une critique émise par un spécialiste de Houellebecque à destination de connaisseurs de Houellebecq ! Mais qu’aurais-tu écrit, cher Philippe, si cela avait été ton premier ? Personnellement, je n’ai pas l’art de la critique et comme j’oublie tout au fur et à mesure que je lis, il m’est difficile de rédiger quelque chose. Je dirais donc simplement que j’ai lu Anéantir en moins de sept jours (tout en vaquant à mes occupations diverses), que j’ai été passionné, que c’est fort bien écrit, parfois pathétique, souvent drôle, que les personnages sont forts et bien troussés, que les situations sont souvent inattendues, que les thèmes traités sont divers, éternels, très contemporains pourtant, et abordés avec finesse et une grande compétence reposant sur un vrai travail de documentation. Un bon livre, donc, voire très bon (au moins deux T). Et pourtant, je n’aimais pas Houellebecque !

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