Archives de catégorie : Citations & Morceaux choisis

LES DISPARUS DE LA RUE DE RENNES (Extrait)

Résumé des chapitres précédents

Une quarantaine d’immeubles de la rue de Rennes (75006) semble avoir disparu sans que l’on ne sache ni quand, ni pourquoi, ni comment. Le rapport que Roger Ratinet a établi ne satisfait pas, mais alors pas du tout, Anne Hidalgo, Maire de Paris.

3- Les parapluies de Saint-Germain

Où l’on verra le Conseil Municipal se transporter, et où l’on comprendra qu’il n’aurait pas dû.

Tout fut bientôt découvert, et l’on sut très vite que Cottard avait endossé le rapport de son subordonné pour se faire valoir, et que Ratinet avait constaté les faits à la fin juin de l’année précédente, soit plus de sept mois auparavant. Bien que ce délai ne fût pas considéré comme anormal, on contraignit Ratinet à réécrire son rapport en remplaçant partout juin 2022 par mai 2023.

Dans un premier mouvement qu’elle ne devait pas tarder à regretter, Madame la Maire convoqua pour la fin du mois une réunion extraordinaire du Conseil Municipal. Celui-ci mit aux votes une motion selon laquelle il se transporterait sans tarder sur les lieux du drame. La motion Continuer la lecture de LES DISPARUS DE LA RUE DE RENNES (Extrait)

Divan le Terrible

Lucien Guitry eut de nombreuses maitresses, au point qu’on l’appelait « Divan le terrible“. Il était colérique et parfois violent, en paroles en tout cas. Un jour qu’il était en colère contre sa maitresse, qu’il avait beaucoup crié et en était arrivé au point de faire mine de la gifler, elle se mit à pleurer de frayeur. Alors, il lui dit : « Mais n’aie pas peur ! Je suis là ! »

Rapporté par Michel Simon, lors d’une interview donnée à Montréal en 1967. 

MONSIEUR MINETTE (Extrait)

(…) Par un matin de printemps, je me promenais sur un chemin qui longeait une pâture. C’était avec Ena, ou peut-être avec Sari, la chienne qui a succédé à Ena, je ne sais plus. Ce que je me rappelle c’est que les herbes étaient hautes et les veaux dans les prés. Les ayant aperçus longtemps à l’avance, j’avais mis Ena, ou peut-être Sari, en laisse, car ni l’une ni l’autre n’aimait ces grosses bestioles. Les veaux étaient une dizaine et au lieu d’être en ordre dispersé et de me regarder avec fixité comme ils le font d’ordinaire quand n’importe quoi approche, un homme, un chien, un tracteur ou un train, ils étaient assemblés en un cercle parfait. La tête tournée vers l’intérieur du cercle, ils semblaient contempler quelque chose que leurs corps me cachaient. J’approchai aussi près que me le permettait la clôture de barbelés. Les veaux ne bronchaient pas. Je les apostrophai gaiment car, par les belles matinées de printemps, il m’arrive d’être de bonne humeur : « Alors, les veaux ! On ne dit plus bonjour ? » C’est alors que j’entendis, venant du centre du cercle Continuer la lecture de MONSIEUR MINETTE (Extrait)

BLIND DINNER (Extrait)

(…)

Arrivant de l’entrée, Renée apparait à nouveau dans le salon. Elle est suivie d’une sorte de bellâtre. Un peu plus grand que moi, plus mince aussi, assez large d’épaules, on devine tout de suite le type qui passe deux heures par jour à faire des abdos. Cheveux blonds tombant sur les épaules, barbe de trois jours, yeux bleus, visage légèrement bronzé, à peine marqué par quelques rides au coin des yeux et de la bouche, il porte un de ces étroits pantalons noirs serrés aux chevilles dont on ne sait pas s’il s’agit d’une tenue de sport ou d’un pyjama, et une veste noire moirée, largement ouverte tant elle est cintrée, sur une chemise d’un blanc éclatant. Juste le truc qu’il faut pour faire ressortir son bronzage, bien sûr ! Mais le plus étonnant, ce sont les chaussures : des tennis, d’énormes tennis blanches recouvertes de signatures de toutes les couleurs. On dirait un plâtre de jambe cassée à Courchevel. Une espèce de zazou, quoi ! Je me demande quelle sorte de manteau il a laissé dans l’entrée. Un truc en plume ou en Continuer la lecture de BLIND DINNER (Extrait)

RETOUR SUR ANDROMAQUE (Extrait)

(…) Ô toi, lecteur fidèle ! Reconnais que c’est grâce à moi que tu as connu la vérité sur les circonstances de la mort de Jules César ; que c’est bien par mon truchement que tu as entendu le récit de Quintus Tertius, ce militaire en retraite qui malencontreusement voulut changer de coiffeur en ce jour maudit des Ides de Mars 44 ; que c’est bien son récit(*) qui t’a révélé comment et pourquoi Marc-Antoine, ami et garde du corps du grand Jules, avait abandonné son poste, permettant ainsi à une bande de politiciens bedonnants et craintifs de trucider sévèrement le plus grand homme que Rome ait connu avant qu’Octave n’entre en scène dans le costume d’Auguste.

Tu te rappelles donc que Quintus Tertius, après avoir acheté Disiset, une jeune et jolie esclave fraichement arrivée de Cyrénaïque, pour remplacer son coiffeur barbare et récemment défunt du typhus, avait changé son nom en Andromaque, plus convenable Continuer la lecture de RETOUR SUR ANDROMAQUE (Extrait)

UN CONTE DE NOËL (Extrait)

Il était une fois un petit garçon qui s’appelait Théophile. Il était très très gentil. Il était très très riche aussi — enfin, ses parents étaient très très riches — mais il était très très gentil quand même.

Théophile vivait très très heureux dans un très très grand appartement, un haussmannien traversant, entouré de son papa, qui était très très riche, de sa maman, qui était très très belle, de sa grande sœur, Abigail, qui était très très jolie et de son petit frère, Reinhard, qui était très très intelligent.

Il y avait aussi la bonne, très bretonne, la gouvernante, très british, et le chauffeur, très noir. Mais ces gens-là Continuer la lecture de UN CONTE DE NOËL (Extrait)

LES DISPARUS DE LA RUE DE RENNES (Extrait)

CHAPITRE 1 – Une mécanique bien huilée

Où l’on constatera qu’à l’instar du temps judiciaire, le temps municipal n’est pas celui de tout le monde et qu’en réalité, il y a moins d’urgence que de gens pressés.

C’est le 27 juin 2022 à 11 h 45, alors qu’il procédait à une opération de contrôle de routine, que Roger Ratinet[1], technicien de la Mairie de Paris préposé à la vérification de la conformité des plaques de rue à la parité homme/femme, découvrit que les quarante premiers numéros de la rue de Rennes avaient disparu. Choqué, il rentra chez lui et prit le reste de la journée pour se remettre.

Le lendemain, de retour à son bureau, il entreprit de rédiger le rapport d’anomalie circonstancié que méritait un tel événement. Quel ne fut pas son embarras quand il constata qu’il n’existait aucun formulaire adapté à ce qu’il avait à rapporter. Il y avait bien le formulaire spécial pour signaler la destruction d’un abribus ou d’une fontaine Wallace, ou celui Continuer la lecture de LES DISPARUS DE LA RUE DE RENNES (Extrait)

Grain à moudre

À son nouveau ministre qui lui demande combien de personnes travaillent dans son ministère, le chef de cabinet répond : « Environ 50%, Monsieur le Ministre »

L’homme est comme Macbeth après le crime : reculer serait pour lui beaucoup plus difficile et plus fastidieux que de persévérer, que de s’enfoncer davantage dans l’irréparable.
?

Oui, je parle bien quand j’ai quelque chose à dire. Non pas que j’arrive précisément à dire ce que je veux dire. Malgré moi, je dis tout autre chose. Mais je le dis bien.
Jean Giraudoux

L’intelligence d’un individu se mesure à la quantité Continuer la lecture de Grain à moudre

3- LES FLEURS JAUNES (Extrait)

(…)

En fait, je vais vous dire, ces femmes, toutes ces femmes, elles l’avaient vu, le bouquet. C’est même tout ce qu’elles voyaient. Et ça m’a fait comprendre que, quand une femme voit un inconnu porter des fleurs dans la rue, elle se dit : « Tiens, voilà un homme gentil ; il apporte des fleurs à sa femme, ou à sa vieille mère, ou à sa petite amie ; c’est sûrement un type bien, un type doux, un homme attentionné. Ah ! Quel dommage que je ne l’aie pas rencontré plus tôt, au lieu de ce sale égoïste de Gérard qui oublie chaque mois l’anniversaire de notre première rencontre et m’offre un brin de muguet le 2 mai en me disant « bon sang, ce qu’il est cher, cette année ! »  Je suis certaine qu’il ne met pas sa serviette de table dans son col de chemise, celui-là, et qu’il laisse des pourboires corrects dans les restaurants, lui. En plus, il n’est sûrement pas du genre à refuser d’aller au théâtre ou d’aller voir le dernier film de Nicole Garcia… »

Eh oui, les femmes se disent ça quand Continuer la lecture de 3- LES FLEURS JAUNES (Extrait)