(…) Mais ça n’a pas duré et, à la prochaine apparition de Mitchum, Judy s’est à nouveau jetée dans mes bras. Et ainsi de suite, de rebondissement en rebondissement, jusqu’à la fin du film. Quand, après l’apparition du mot FIN, l’écran devint blanc à travers le pare-brise, les lampadaires du parking s’éclairèrent tous ensemble et les voitures qui nous entouraient commencèrent à démarrer. Judy et moi n’avions pas été bien loin dans un flirt a peine poussé… pas mal de first base, un peu de second base, mais surtout pas de troisième base. Encore aujourd’hui, je suis persuadé que ni Judy ni moi ne souhaitions y parvenir.
Les filles nous ont raccompagné jusqu’au bowling. Nous avons échangé nos noms et nos adresses — si jamais tu viens en France… — puis Tom et moi nous avons quitté Bakersfield dans la Corvette décapotée. Nous avons roulé en silence jusqu’au guest house. Aucun de nous deux ne souhaitait raconter à l’autre ce qui s’était réellement passé dans la voiture. Deux jeunes hommes frustrés, deux gentlemen ? Aujourd’hui je ne sais plus. Tom m’a dit « Bonne nuit. Demain matin 7 heures, je viens directement au guest house et on regarde tout ça. D’accord ? »
J’ai dit « D’accord, bien sûr, et merci pour le restaurant, le film, tout ça. Sacrée soirée ! C’était sympa. » Et il est reparti vers Taft, vers son motel. A l’époque, on ne disait pas « super » ou « top », alors, « c’était sympa. »
Il est une heure du matin. Je suis fatigué, j’ai sommeil… les bières sans doute. Je n’allume pas de lumière, je me débarrasse de l’essentiel de mes vêtements et je m’affale sur le lit. Je suis étendu sur le dos, en caleçon et chaussettes, les yeux fermés, convaincu que le sommeil va très vite couronner cette journée, finalement plutôt agréable. Dans l’après-midi, j’ai décidé de tenter une autre méthode pour avancer dans ma traduction. Je vais proposer à Tom Continuer la lecture de Go West ! (56)
(…) Arrivé au drive-in, vous commenciez par passer une sorte de péage, un guichet où vous achetiez deux places, car on n’a jamais vu personne aller seul dans ce genre d’endroit. Ensuite, il fallait rouler dans les allées d’un immense parking au milieu d’autres voitures qui toutes faisaient face à un écran gigantesque jusqu’à ce que vous trouviez votre place. Là, vous gariez votre voiture juste à côté d’un piquet et, de ce piquet, tendant le bras par la fenêtre, vous attrapiez le petit haut-parleur destiné à vous prodiguer le son du film et vous l’accrochiez à votre portière. Vous aviez alors tout ce qu’il fallait pour assister depuis votre voiture à la projection de deux films consécutifs.
J’en ai fait des voyages professionnels dans mon dernier métier ! … Abidjan, Alger, Athènes, Barcelone, Caracas, Casablanca, Cayenne, Clermont-Ferrand, Djakarta, Dortmund, Douala, Edimbourg, Fort de France, Istanbul, Papeete, Rome, Ljubljana, Londres, Madrid, Manchester, Milan, Munich, Prague, Pointe à Pitre, Saint-Denis de la Réunion, Singapour, Tanger et leurs environs… Même en les prenant par ordre alphabétique, je suis sûr que j’en oublie. Et je ne compte pas