Ce texte est une rediffusion d’un article paru sous un autre titre (Retour au Ferret) pour la première fois en septembre 2015
Premier dimanche de septembre.
Dans la région par obligation pour quelques jours, nous n’avons pas pu résister à l’élan qui nous poussait à revenir au Cap Ferret.
Nous avions passé là nos meilleures vacances.
Nous louions une maison, jamais la même, mais presque toujours dans les « quarante-quatre hectares ». Maisons sommaires, maisons sonores, maisons vétustes et ensablées, merveilleuses maisons. Nous vivions là tout un mois, entourés d’enfants, d’amis et de chiens. Il faisait beau, il pleuvait, il faisait lourd, il faisait froid, il faisait chaud, qu’importe. On allait au marché acheter du vin, des fruits ou des nattes de plage. On allait chez Boulan acheter des huitres, ou chez Total acheter des pains de glace. On allait à la plage, aux Caillebotis ou au Shadocks, parfois au Truc Vert, rarement au Mimbo. On étalait nos toiles multicolores, nos parasols délavés, nos serviettes rayées et nos lourdes glacières. On lâchait les chiens et les enfants. On mangeait du poulet froid au sable, des saucisses tièdes au sable, des tomates fraîches au sable et des olives vertes à l’ambre solaire. On buvait du rosé glacé ou du Graves blanc sec. On sautait dans les vagues, redoutant les vives et craignant les baïnes. On démêlait des cerfs-volants, on pommadait des coups de soleil. On cherchait des enfants, des chapeaux oubliés. Les soirs se passaient au frais, sous les pins, chez l’un, chez l’autre. Deux ou trois fois dans la saison, on dansait.
Nous avions passé là nos meilleures vacances.
Alors, par ce très beau dimanche de septembre, nous sommes revenus au Ferret. Nous avons retrouvé notre place aux Caillebotis. Bien sûr, la dune avait un peu reculé, les blockhaus s’étaient un peu plus enfoncés, mais pour le reste, rien n’avait changé. Le même vent, les mêmes vagues, les mêmes gens, les mêmes enfants, les mêmes chiens, les mêmes cris, le même sable. Non, rien n’avait changé. Sauf nous. Sans enfants, sans chien, sans amis, sans maison, nous n’avions plus rien à faire ici. Ce n’était plus notre plage.
Alors, après nous être allongés sur nos petites serviettes blanches de l’hôtel, après avoir, le nez dans le sable, agité les mêmes pensées sans nous être concertés, sans nous concerter, au même moment, nous nous sommes levés, un peu assommés par le soleil, un peu abasourdis par notre découverte, un peu attristés par notre déception et nous avons descendus une dernière fois les caillebotis de la dune. Nous avons passé le reste de la journée dans le jardin de l’Hôtel des Pins en buvant du Pouyanne et en nous forçant à nous raconter des souvenirs heureux.
Un peu plus tard, devant un plat d’huîtres, nous regardions la marée descendante emporter l’eau du Bassin. Et l’un de nous deux, je ne sais plus lequel, a dit: « Tu sais ? On n’aurait pas dû ! »
Salutaire nostalgie!