Archives par mot-clé : Rediffusion

Les débuts de Proust et de Flaubert

C’est le programme minimum de l’été, alors, on rediffuse :

C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar.

Avec le « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » du petit Marcel, « C’était à Mégara… » est probablement l’incipit le plus connu de la littérature française. C’est celui du roman Salammbô de Gustave Flaubert.
Je ne vais pas disserter sur cette œuvre puissante et surtout pas tenter de la comparer à la Recherche du temps perdu. D’abord parce que ces deux romans sont incomparables, y compris entre eux. Ensuite parce que je ne suis carrément pas au niveau et, dans ces cas là, j’aime bien dire que je n’ai pas les outils.
Je voudrais simplement faire remarquer les différences qui existent pour moi entre ces deux magnifiques phrases d’entrée qui ne font d’ailleurs que refléter les différences fondamentales de nature entre les deux œuvres.
Avec l’incipit du petit Marcel, vous entrez dans son roman (on dirait aujourd’hui autofiction) par une petite porte, la fragile petite porte du fond du jardin de la maison de Combray, la délicate petite porte de la mémoire. La phrase est courte, simple et inattendue, surtout quand elle suit un titre aussi explicatif que « A la recherche du temps perdu ». Vous êtes tout de suite dans l’intimité du Narrateur qui, avec cette phrase d’introduction, commence à vous expliquer comment chaque soir il se couchait de bonne heure sans pouvoir s’endormir avant que sa mère ne vienne l’embrasser. Avec les trois mille pages qui suivent, vous saurez tout de lui.
Le grand Gustave ouvre Salammbô avec une phrase solennelle : « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar« . On est au cinéma, l’hymne de la Twentieth Century Fox vient Continuer la lecture de Les débuts de Proust et de Flaubert

Ma nuit au Blue Lagoon

C'est le programme minimum de l'été. 

Alors, on rediffuse :

Ça doit faire maintenant plus de cent kilomètres que je suis recroquevillé comme ça à l’arrière de ce gros Toyota qui me ramène vers Iligan. J’ai froid et je commence à avoir mal à la tête. J’ai beau me couvrir le visage avec la chemise en carton de mon dossier, je n’arrive pas à me protéger du souffle glacé de l’air conditionné. Chaque cahot de la piste m’enfonce la barre centrale du siège dans les reins et me cogne le crâne contre l’accoudoir. J’ai chaud, je dois avoir quarante.

Une pluie tropicale s’abat d’un coup sur la route. Bruit énorme sur la carrosserie. Quel pays ! Mais qu’est-ce que je fiche ici ? Je suis fatigué, épuisé, excédé. De temps en temps, je me redresse sur la banquette pour regarder vers l’avant. J’espère y voir les premières lumières d’Iligan. Mais, dans les phares, il n’y a rien d’autre que le déluge et les cocotiers penchés sur la piste. J’ai chaud. Le sang bat dans mes oreilles.

Le 4×4 s’arrête brutalement dans une lumière verte. Qu’est-ce qui se passe ? Un accident? Pourquoi est-ce qu’on avance plus ? Bon sang, je n’en peux plus ! Mais le chauffeur descend de la voiture et vient m’ouvrir la portière. Il dégouline de pluie. Il me sourit.

-Hi Jo !

C’est comme ça Continuer la lecture de Ma nuit au Blue Lagoon

Les chiens de guerre

C’est le programme minimum de l’été.

Alors, on rediffuse : 

Mars 44 avant JC.     César vient d’être assassiné.    Antoine, ami de César, est seul dans le théâtre de Pompée. Il contemple le corps de César et annonce la guerre civile.

…La malédiction va fondre sur la tête des hommes ; les fureurs intestines, la terrible guerre civile vont envahir toutes les parties de l’Italie. Le sang, la destruction seront des choses si communes, et les objets effroyables deviendront si familiers, que les mères ne feront plus que sourire à la vue de leurs enfants déchirés des mains de la guerre. Toute pitié sera étouffée par l’habitude des actions atroces ; et conduisant avec elle Até, sortie brûlante de l’enfer, l’ombre de César promènera sa vengeance, criant d’une voix puissante dans l’intérieur de nos frontières : Carnage ! Et alors seront lâchés les chiens de la guerre, jusqu’à ce qu’enfin l’odeur de cette action exécrable s’élève au-dessus de la terre avec les exhalaisons des cadavres pourris, gémissant après la sépulture.
Shakespeare (Jules César)

Mythe et allégorie

C’est le programme minimum de l’été.

Alors, on rediffuse : 

Chacun sait ce que c’est qu’un mythe. Selon Wikipedia, Pic de la Mirandole virtuel, un mythe c’est …

… une construction imaginaire qui se veut explicative de phénomènes cosmiques ou sociaux et surtout fondatrice d’une pratique sociale en fonction des valeurs fondamentales d’une communauté à la recherche de sa cohésion.

Quand on prononce le mot « mythe » devant vous, vous sortez aussitôt votre Antigone, votre rocher de Sisyphe ou votre boite de Pandore. Et si par malheur un malappris vous somme de donner la signification du mythe, la plupart du temps, vous vous lancez dans une explication vaseuse et embarrassée comme quoi c’est la représentation de la révolte de la jeunesse contre l’autorité, l’illustration de la stupidité de l’existence ou l’avertissement du danger qu’il y a braver les interdits des dieux. Vous auriez pu dire tout aussi bien que Sisyphe symbolise la vanité des ambitions humaines, qu’Antigone est l’incarnation du devoir quoi qu’il en coute, et la Boite de Pandore, l’illustration du dicton selon lequel « ce que l’on ne se sait pas ne peut pas vous faire de mal ».
Vous auriez pu dire encore bien d’autres choses en somme, et avec un peu Continuer la lecture de Mythe et allégorie

Je

C’est le programme minimum de l’été.

Alors, on rediffuse : 

Avertissement
Le titre que vous venez de lire, « Je », annonce un article auto satisfait, égocentrique, suffisant et pas nécessaire. De plus, il ne va probablement pas vous intéresser. Pourtant, je vais quand même vous dire ce que je n’aime pas, enfin pas tout, mais une partie. Si, ensuite, vous acceptez d’aller un peu plus loin dans votre lecture, je vous dirai aussi quelques unes des choses que j’aime.
Maintenant, vous êtes avertis.

Second avertissement

Ce texte a été publié pour la première fois le 31/08/2014. Vous pensez bien qu’en 11 ans, la liste des choses et des gens que je n’aime pas s’est allongée sensiblement, mais pour cette rediffusion, j’ai préféré la version première, juste pour montrer combien mes désamours étaient futiles à l’époque quand on les compare à mes détestations  d’aujourd’hui.

Donc, il y a 11 ans, je n’aimais pas :
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Imagine

C’est le programme minimum de l’été.

Alors, on rediffuse : 

Institut Imagine, 24 boulevard du Montparnasse, site de l’hôpital Necker-Enfants malades.

Ca fait maintenant une vingtaine de minutes que je rode auprès du bâtiment en cherchant à  m’approcher de l’une de ses façades. La construction qui m’intrigue occupe une bonne longueur du côté pair du Boulevard du Montparnasse mais ne présente aucune entrée ni ouverture de ce côté. De plus, une grille empêche d’approcher la façade. Ça m’ennuie parce que j’ai repéré sur cet immeuble une chose étrange que je voudrais bien vérifier.

Cet immeuble imposant a été achevé il y a quelques mois. La longue et haute façade –peut-être  huit étages- est entièrement constituée de panneaux de verre. Certains sont gris et opaques et d’autres transparents. Sans doute pour égayer ce lugubre damier, la façade ne s’inscrit pas dans un seul plan, mais dans quatre plans d’inclinaisons différentes. Au milieu de ce quartier d’immeubles haussmannien et de constructions parisiennes plus anciennes, c’est du plus bel effet. Bon, mais des immeubles officiels lourdingues avec du verre en façade pour seule originalité, on commence à en avoir l’habitude.
Imagine 1
Je n’ai donc fait que Continuer la lecture de Imagine

Journal de prisonnier, dernière édition

C’est le programme minimum de l’été.

Alors, on rediffuse : 

3 aout (1940)

Je me fous de tout. Je n’ai plus de courage. De plus en plus impatient, j’attends ma mère avec les papiers nécessaires pour ma sortie du camp.
Nous devenons un peu fous. Nous interprétons tout de travers. Mes nerfs sont tendus comme une corde prête à se rompre.
J’écoute le haut-parleur qui m’appelera peut-être tout à l’heure…
Deux femmes venues d’Andilly en vélo ont accepté d’aller pour nous à Paris. Elles prendront le train, se chargeront de nos courses. Prunet, Mas, Dumousseau, Poirier et moi nous leur confions nos espoirs. Petites lettres…Elles reviendront apporter leur réponse ici dans deux ou trois jours.
Ce soir, les Ponts et Chaussées partent à leur tour, avec des faux papiers fournis par Continuer la lecture de Journal de prisonnier, dernière édition

 Le caporal épinglé

C’est le programme minimum de l’été.

Alors, on rediffuse :

« Jacques Perret était un homme contre, un homme du refus. Rien de ce qui était français ne lui était étranger. Folliculaire de la réaction, écrivain du transcourant « plume Sergent-Major », styliste hors-pair qui buvait avec soin afin d’éviter tout faux-pli dans le jugement, il eut la faiblesse de ne jamais dire non à l’aventure et au voyage. Il tenait la littérature pour un art d’agrément qui aurait pris tournure de gagne-pain. Il aimait Aymé et aussi Bloy, Blondin, Conrad, Dos Passos; il en tenait pour le duc d’Anjou et la dimension sacrificielle de la messe selon saint Pie V. J’avais été à sa rencontre à la Continuer la lecture de  Le caporal épinglé