Archives mensuelles : octobre 2017

Post it n°15 – L’imbécile

Du mauvais côté de la cinquantaine, de taille moyenne, le cheveu grisonnant, clairsemé et mi- long, légèrement voûté, l’air grognon, il a tout pour passer inaperçu.

C’est un imbécile, mais pas du genre imbécile heureux, plutôt du genre imbécile râleur. Non seulement il n’a jamais envie d’être là où il est mais de plus, il considère que c’est une grande injustice qu’il y soit. Alors, il fait la gueule.

C’est un adepte fervent et prosélyte de la théorie du complot, et plus particulièrement de celle du complot ourdi contre lui.

En plus de bénéficier de cette personnalité légèrement paranoïaque et lourdement dépourvue d’humour, il a réellement la poisse. Il attire la foudre.

Sa vie est parsemée de trains manqués, de porte-feuilles perdus, de flaques d’eau cachées, de méduses estivales et de voitures en panne.

Il considère chaque nouveau coup du sort comme une démonstration supplémentaire de l’injustice dont le monde fait preuve à son encontre et comme une justification de plus pour continuer à faire la gueule.

Quand on rencontre quelqu’un comme ça, au début, on n’y croit pas. On se demande s’il n’exagère pas un peu ou s’il ne fait pas exprès. Mais bientôt, la réalité de sa malédiction s’impose et on finit par la lui reprocher, ce qui le rend encore plus bougon.

 

ET DEMAIN, UNE BELLE EPITAPHE…

Etre moderne – Le MoMA à Paris – Critique aisée n°106

Critique aisée 106

Etre moderne – Le MoMA à Paris
Fondation Louis Vuitton
Du 11 octobre au 5mars

 La Fondation Louis Vuitton présente une partie des collections du Museum of Modern Art, New-York.

Et pour commencer, le titre : Etre moderne. Personnellement, je ne comprends pas bien sa signification. La plaquette n’en donne pas l’explication, alors je cherche :
Etre moderne ? Etre moderne à tout prix, être moderne malgré tout, être moderne parce qu’il le faut, parce qu’il le faut bien, parce que je le vaux bien ?
Etre moderne, être chic et concerné, être de son temps en allant au musée, ou plutôt à la Fondation Louis Vuitton, pour voir le Musée d’Art Moderne de New-York ?
Etre moderne ? Nul, ce titre …

Ensuite, l’exposition : c’est un parcours dont cette même plaquette nous dit que « globalement chronologique, il se déploie sur quatre niveaux dans l’intégralité du bâtiment de Franck Gehry« , qu’il réunit « des chefs d’œuvre et des œuvres significatives des origines de l’art moderne à nos jours« , et qu’il est fidèle à « la pluridisciplinarité fondatrice du musée en mêlant les expressions artistiques : peinture, sculpture, photographie, film, imprimés, dessin, design, architecture, performances et nouveaux médias. »
C’est vrai. Trop vrai même, car l’exposition est aussi plate, aussi peu fournie et à peu près aussi émouvante que la froide et brève description qu’en donne la plaquette.

Tout cela n’est pas très enthousiasmant, mais il y a au moins une bonne nouvelle : le magnifique bâtiment de Ghery a été débarrassé des papiers-bonbons que Buren y avait collé. Quittant son aspect de sac chiffonné de chez Tati, la fondation redevient ce grand vaisseau à voiles transparentes flottant sur la verte canopée du Bois de Boulogne (C’est joli, cette phrase, non ? On dirait un extrait de critique d’art. A la place de Bois de Boulogne, j’aurais pu dire « jungle occidentale de la Ville Lumière », mais ça aurait fait prétentieux.)

Puisque, malgré cette critique, vous irez quand même voir « Etre moderne », choisissez au moins un jour où il fera beau. Suivez le parcours, et quand vous aurez fini d’« Etre moderne« , montez sur les terrasses et regardez le spectacle. Je vous recommande en particulier une vue de La Défense encadrée d’un losange.

 

 

ET DEMAIN,  LE PORTRAIT D’UN IMBÉCILE

The Square & Blade Runner- Critique aisée n°105

Critique aisée n°105
The Square
Ruben Östlund – 2017- 142 minutes
Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West 

Même si je n’avais eu aucune intention d’aller voir The Square, l’incroyable séquence de trépignements hystériques et haineux que ce film a déclenché chez le critique Xavier Leherpeur lors de la dernière émission du Masque et la Plume m’en aurait donné envie.
J’ajouterai que l’agressivité continuelle dont il fait preuve, sous l’œil bienveillant de Jérôme Garcin, le meneur de jeu, à l’égard d’Eric Neuhoff, critique du Figaro, devient déplaisante. On peut remercier M. Neuhoff et l’admirer de s’abstenir de répliquer. Bien sûr, les joutes et même les engueulades entre participants à l’émission font partie de son intérêt, mais le niveau d’énervement et de méchanceté qu’atteint M. Leherpeur est devenu gênant.

Maintenant, s’il faut parler du film, je dirai que je l’ai trouvé Continuer la lecture de The Square & Blade Runner- Critique aisée n°105

Floue

La seule chose que j’apprécie vraiment c’est le flou. Le flou des choses, le flou des gens. C’est un état confortable que je connais bien, je suis moi-même quelqu’un de flou.

Tout d’abord il y a mon physique. On ne peut donner de moi une description très précise : ni grande ni petite, ni grosse ni maigre, ni brune ni vraiment blonde… Je m’habille de vêtements larges, presque informes, indéfinissables, rien de compromettant.

Ma pensée elle aussi est floue. Je n’ai pas d’avis tranchés, je ne prends aucune décision, j’attends que les autres le fassent pour moi. Nul ne peut se flatter de connaître mes opinions politiques, d’ailleurs je n’en ai pas, je ne vote évidemment pas.

Je n’ai jamais pu dire oui à un homme, je n’en ai gardé aucun. Bien entendu, je n’ai pu envisager d’avoir un enfant. Je suis seule.

Je flotte, je suis une non-personne. Je ne suis capable de rien, ni en bien, ni en mal. Je me dissous dans le paysage, transparente.

Je regarde les autres de très loin comme si je n’étais pas concernée. Quand je me regarde dans une glace, je m’étonne d’y voir l’ombre d’une femme.

C’est comme ça, il me manque quelque chose pour faire de moi une personne nette. Je n’ai même pas la grâce romantique d’une photo floue.

Ce serait me rendre justice, lorsque je mourrai, qu’on écrive sur ma tombe : ci-git une femme qui n’a jamais vraiment su qui elle était.

 

ET DEMAIN, THE SQUARE, CRITIQUE AISEE N°106

 

 

HHH, NYC, USA (11) – Geronimo Huge

11-Geronimo

Geronimo H. Huge a 48 ans. Il y a juste dix ans qu’il a pris la direction du groupe. Après être sorti de Stanford et avoir échappé de peu au Viêt-Nam, il est parti faire un tour du monde en moto. Rapatrié après un accident grave en Malaisie, il a passé sa convalescence à apprendre le chinois et les mathématiques. Un an et demi plus tard, plus ou moins rétabli, il est entré chez Lehman Brothers qu’il a quitté au bout de quatre ans pour rejoindre le groupe HHH. Geronimo est marié. Il a trois enfants, tous au collège ou à l’université. Sa femme, Iris, est avocate chez Baker et McKenzie. Ils forment un couple très libre et ils s’entendent à merveille. Ils habitent Long Island, dans une immense maison sur Huntington bay où est amarré leur bateau, le « What’s next ? ».

Appuyé des deux mains sur le dossier du fauteuil de Bob Martinoni, G.H. commence :

—Bien… Continuer la lecture de HHH, NYC, USA (11) – Geronimo Huge

Ah ! Les belles boutiques – 16

Le Rostand
6 Place Edmond Rostand Paris 6ème

 

Le Rostand n’a pas toujours été comme vous le voyez là. Je crois me souvenir qu’il y a une dizaine d’années peut-être, malgré sa vue sur le Luxembourg par-dessus la rue de Médicis et au travers des grilles du jardin, c’était un encore un café très ordinaire, avec ses tables en formica et son décor banal des années cinquante. Je ne sais sous quelle merveilleuse inspiration, la direction de cet établissement, nouvelle ou ancienne, a décidé de refaire entièrement la décoration des lieux et d’en changer l’atmosphère. En se rappelant du dramaturge qui lui avait donné son nom (sacré Edmond, 1868-1918), le décorateur est remonté un peu dans le temps en choisissant pour thème, c’est du moins comme ça que je le vois, une époque heureuse (pas pour tout le monde diront les grincheux soucieux d’exactitude historique sociale), le milieu du XIX siècle, le second empire et le début de la III ème République. Je sais, tu sais, nous savons, ils savent que cette période a connu des guerres, des émeutes, des injustices, mais aujourd’hui, tous les gens qui ont fait ou qui ont subi ce demi-siècle sont morts. Alors qu’est-ce que ça change de ne se souvenir pour un instant — pour un instant seulement, car j’en ai une aussi, de conscience sociale — que des bons côtés de cette période, Pasteur, Offenbach, Haussmann, Paris, Proust, Rostand… Quand je vois Le Rostand d’aujourd’hui, avec ses chaises en rotin, ses palmiers en pots, ses mosaïques au sol, ses boiseries et ses garçons en tenue traditionnelle, je vois Nice, je vois une ville d’eau, je vois presque des crinolines, des fiacres.
Autrefois, Les Deux Magots s’intitulaient « Le rendez-vous de l’élite intellectuelle« . (Ce genre de déclaration me rappelle toujours la formule de Fernand Raynaud : « Mon beau-frère n’est pas un imbécile. La preuve, c’est qu’il le dit lui-même ! »)
Aujourd’hui, Le Rostand déclare qu’il est un « café littéraire« . A en juger par le nombre de personnes, dont moi, qui tapotent sur un clavier en buvant leur café, c’est peut-être vrai. La proximité des bureaux de plusieurs éditeurs rend tout à fait vraisemblable cette éventualité. C’est d’ailleurs là que j’y ai rencontré le mien, dans les circonstances que j’ai décrite dans un texte justement intitulé « Le Rostand« , que vous pourrez relire en cliquant ICI  
Bref, Le Rostand, c’est la plus belle terrasse de Paris.

La série « Ah ! les belles boutiques »
L’objectif : rendre hommage aux commerçants qui réussissent à conserver l’aspect traditionnel de leur façade de magasin, et les encourager à persévérer.
Le contenu : une photo de la devanture d’un magasin, avec si possible l’adresse et, très éventuellement, un commentaire sur la boutique, ou son histoire, ou son contenu, ou sur l’idée que s’en fait le JdC.

ET DEMAIN, HHH, LA FIN

HHH, NYC, USA (10) – Ricardo Huelva

10-Ricardo Huelva

<<…ça y est, ça va être mon tour…>>

Ricardo Huelva est né en 1965 à Bauta, un faubourg de La Havane. Jusqu’à l’âge de quinze ans, il a vécu là, entre ses parents et ses deux sœurs cadettes, Maria et Helena. Ce fut une vie plutôt tranquille et joyeuse, vie d’enfant, puis d’adolescent, faite d’école, de catéchisme, de football, de copains, de soleil, de nuits sur la plage, de guitares et de filles, mais aussi de pauvreté. Quelques années avant la révolution, le grand-père de Ricardo avait ouvert un commerce de chaussures. Au début des années cinquante, les affaires avaient plutôt bien marché et le commerçant avait commencé à faire construire une grande maison au bord de la mer pour y loger toute sa famille. Mais les troubles de la révolution avaient arrêté le chantier et l’effondrement de l’économie qui avait suivi l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro avait définitivement ruiné le marchand de chaussures. A partir de ce moment, le grand-père de Ricardo n’avait plus caché ni sa haine envers le Lider Massimo ni son peu de goût Continuer la lecture de HHH, NYC, USA (10) – Ricardo Huelva