Archives mensuelles : avril 2016

Wetbacks

Je suis à Lynwood, dans South Central, pas loin du croisement d’Atlantic et d’Olanda, je recouvre de papier Alu les plateaux de haricots qui n’ont pas été mangés à l’anniversaire d’un petit gamin, lorsqu’on m’annonce qu’il faut que je rentre à la maison plus tôt que prévu, et probable que je ne reviendrai pas demain.[*]

C’est Rubio lui-même qui vient de me dire ça, et il a l’air sacrément ennuyé.
Pourtant, je peux pas m’en aller maintenant. Tous les autres sont déjà partis et y a encore plein de trucs à ranger avant de fermer. C’est peut-être pour ça qu’il a l’air embêté, Rubio.
Qu’est-ce qui se passe ? Il y a eu un accident ? Y a les flics chez moi ? Non, non, il sait pas, Rubio, il a juste reçu un coup de fil de son cousin. Il faut que je rentre tout de suite, et c’est pas sûr que je puisse revenir demain. Il n’en sait pas plus. Il est désolé.

–Bon sang, Rubio…?

–M’emmerde pas, c’est pas le moment, tu ferais mieux de partir maintenant ! Allez, fous-moi le camp ! Ce soir, c’est  Continuer la lecture de Wetbacks

¿ TAVUSSA ? (7)

Cent sept heureux ont obtenu un logement dans le très bel immeuble entièrement rénové et domotisé du 93 boulevard du Montparnasse, ancien siège de la Direction Générale de l’Aviation Civile (juste en face de La Coupole).
On ne connaît pas leurs identités, ni leurs fonctions ni leurs relations.

 

Les pacifistes ont-ils des ennemis ?

Discussion entre deux philosophes : Julien Freund (1921-1993) et Jean Hyppolite (1907-1968).
Freund, pour des raisons que je ne détaillerai pas ici, soutient qu’il est nécessaire pour une nation d’identifier ses ennemis.
Hyppolite lui dit :
-Si vous avez vraiment raison, il ne me reste plus qu’à aller cultiver mon jardin.
Julien Freund lui répond :
-Écoutez, Monsieur Hyppolite, […] je crois que vous êtes en train de commettre une erreur car, comme tous les pacifistes, vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi. Du moment que nous ne voulons pas d’ennemis, nous n’en aurons pas, raisonnez-vous. Or c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitiés. Du moment qu’il veut que vous soyez son ennemi, vous l’êtes. Et il vous empêchera même de cultiver votre jardin.
Et Jean Hyppolite, décontenancé, de répondre :
-Dans ce cas, il ne me reste plus qu’à me suicider.

Ne me demandez pas de quoi est mort Hyppolite trois ans plus tard, je l’ignore.

Sortie du même tonneau, on peut citer aussi la remarque faite par Raymond Aron à Jean Hyppolite :
Votre position est dramatique et typique de nombreux professeurs. Vous préférez vous anéantir plutôt que de reconnaître que la politique réelle obéit à des règles qui ne correspondent pas à vos normes idéales. 

Ce débat, dont on célèbre cette année le cinquantième anniversaire, ne vous paraît-il pas d’une brûlante actualité ?

Bonjour, Philippines ! Chap.10 : Ananas, exocet et noix de coco

Voici le chapitre 10 de Bonjour, Philippines ! Si vous voulez lire et relire les chapitres précédents, cliquez dessus (ci-dessous !)

Chapitre 1- Un ptérodactyle sur fond d’azur

Chapitre 2 – Des méfaits de l’air conditionné

Chapitre 3 – Mitraillette, champagne et taille-crayons

Chapitre 4- Un soir au Monte-Carlo

Chapitre 5 – La fièvre monte à Mindanao

Chapitre 6 – Retour à Manille

Chapitre 7- Un diner à O.K. Corral

Chapitre 8 – Douglas et moi

Chapitre 9 – Retour au Chalet

Chapitre 10 – Ananas, exocets et noix de coco

L’enquête de circulation à grand spectacle que j’ai lancée entre Iligan et Butuan se termine et le dépouillement des milliers de questionnaires qui en résultent va bientôt commencer. Il est temps que je retourne à Mindanao pour organiser le début de cette opération.

Lorsque j’arrive à l’aéroport de Cagayan de Oro, Placido Palangsang est là qui m’attend avec la Jeep Willys. Il a l’air très en forme. Pendant le trajet vers la ville, il m’explique en quelques mots qu’il a pris la décision d’arrêter l’enquête trois jours plus tôt que prévu à cause de la défection soudaine de nombreux enquêteurs, retournés dans leur famille pour on ne sait quelle raison, fête religieuse ou récolte. La phase de dépouillement a commencé hier. Placido a tout organisé. Il a trouvé des bureaux, choisi les enquêteurs à conserver pour l’opération, organisé leur formation et lancé un premier test depuis huit heures ce matin. Il m’emmène Continuer la lecture de Bonjour, Philippines ! Chap.10 : Ananas, exocet et noix de coco

Gargarisme (Critique aisée n°72)

Euverte

« Comme un kamikaze dans une Maserati à 220 km/h file de gauche côté obscur. Comme Terminator, comme Schwarzenegger, on arrive à poil du futur. Car si même les fossoyeurs doivent payer le loyer, à 19 ans nos pensées étaient déjà âgées. Sexuelles comme un châssis de BMW démonté par les douaniers, érotique comme un frigo à viande : c’est dans la lycanthropie bling-bling que le caméléon est schizophrène, alors les morts gouvernent bien les vivants. Qui pourrait anticiper sur les conséquences hasardeuses de la rencontre à grande vitesse de Ballard et Benjamin s’ils n’existaient que pour alimenter le cyclotron d’Hollywood ? L’année du T-1000 comme date de naissance, et à ce titre nous sommes faits du même alliage de métal liquide. Les œuvres possèdent alors une tension dialectique –et comme un phrasé- qui les empêche de prendre la pose.* »
*Extrait de « Entretien avec Quentin Euverte »

C’est ainsi qu’à la Galerie Thaddaeus Ropac est commentée l’œuvre de Quentin Euverte que l’on découvre ci-dessus : composée d’un certain nombre d’appareils électriques reliés  avec une sorte de présentoir à gâteaux dans lequel tourne un manteau de fourrure suspendu. J’aime particulièrement le c’est dans la lycanthropie bling-bling que le caméléon est schizophrène.