Les pacifistes ont-ils des ennemis ?

Discussion entre deux philosophes : Julien Freund (1921-1993) et Jean Hyppolite (1907-1968).
Freund, pour des raisons que je ne détaillerai pas ici, soutient qu’il est nécessaire pour une nation d’identifier ses ennemis.
Hyppolite lui dit :
-Si vous avez vraiment raison, il ne me reste plus qu’à aller cultiver mon jardin.
Julien Freund lui répond :
-Écoutez, Monsieur Hyppolite, […] je crois que vous êtes en train de commettre une erreur car, comme tous les pacifistes, vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi. Du moment que nous ne voulons pas d’ennemis, nous n’en aurons pas, raisonnez-vous. Or c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitiés. Du moment qu’il veut que vous soyez son ennemi, vous l’êtes. Et il vous empêchera même de cultiver votre jardin.
Et Jean Hyppolite, décontenancé, de répondre :
-Dans ce cas, il ne me reste plus qu’à me suicider.

Ne me demandez pas de quoi est mort Hyppolite trois ans plus tard, je l’ignore.

Sortie du même tonneau, on peut citer aussi la remarque faite par Raymond Aron à Jean Hyppolite :
Votre position est dramatique et typique de nombreux professeurs. Vous préférez vous anéantir plutôt que de reconnaître que la politique réelle obéit à des règles qui ne correspondent pas à vos normes idéales. 

Ce débat, dont on célèbre cette année le cinquantième anniversaire, ne vous paraît-il pas d’une brûlante actualité ?

Une réflexion sur « Les pacifistes ont-ils des ennemis ? »

  1. Tout à fait! Toujours la vieille discorde entre les réalistes et les angéliques. La seule déclaration de Mitterand à laquelle j’accorde un crédit est celle-ci: « les pacifistes sont à l’ouest et les missiles sont à l’est ».

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