Archives de catégorie : Critiques

Que faut-il penser d’ Histoire de Dashiell Stiller ?

Des écrivains vous répondent…

26ème jour du mois de Junon,
An 705 de la fondation de Rome,
La Regia, Forum, Roma antica

César a lu avec intérêt cette Histoire de Dashiell Stiller. Certes, il n’a pu tirer aucun enseignement utile de la déplorable tactique mise en œuvre par les armées unies pour investir le nid d’aigle du tyran germain. Mais, depuis sa jeunesse, César apprécie les romans d’anticipation car il les considère comme des oracles des Dieux, augures dont il a toujours su tirer parti à son avantage. S’il avait un commentaire à faire sur cette nouvelle guerre des Gaules, il écrirait que César, bien que disposant de mille fois moins de moyens que les armées unies, il leur avait quand régulièrement foutu une sacrée pâtée, aux Germains.

J.C., écrivain, militaire en retraite, consul

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Histoire de Dashiell Stiller
Paris 1935. Dashiell, jeune touriste Américain, prend une photographie de la terrasse d’un café du Boulevard St-Michel, le Cujas. Treize années plus tard, il est de retour à Paris pour rencontrer les huit personnages qui se trouvaient sur la photo. Il les fait parler sur leur vie, sur la façon dont ils ont vécu cette période troublée de la guerre, l’Occupation, la Résistance, la Collaboration, les Camps, la Libération… Mais pourquoi fait-il cela ? Pour écrire un roman ? Pour retrouver quelqu’un ? Pour expier un crime ? Pour retrouver sa propre histoire, l’histoire de Dashiell Stiller ?

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LA PHOTO EST-ELLE UN ART ?

LA PHOTO EST-ELLE UN ART ?
par Lorenzo dell’Acqua

Dans ma série de personnages photographiés au musée, la première correspondance qui saute aux yeux est la similitude entre la tenue vestimentaire du spectateur et le dessin ou les couleurs de la peinture.

Cette analogie pose le même problème, fondamental à mes yeux de photographe, que le Baiser de Doisneau : la photographie est-elle un art ? J’ai répondu que non et je persiste à le penser malgré des avis contraires (heureusement). Tout art nait de rien : une page blanche, une toile vierge, une portée vide, un bloc de pierre informe, un projet architectural qui n’existe que dans la tête de son auteur, etc. La photo, elle, ne crée rien : elle ne fait que reproduire ou copier, même si elle l’améliore, une réalité existante. Elle peut la rendre plus belle et lui donner une signification mais elle ne l’a jamais inventée.

Autrement dit, pour que la photo soit un art, il faudrait Continuer la lecture de LA PHOTO EST-ELLE UN ART ?

Epoustouflant ?

Le mot d’ordre est « époustouflant ».

Mais qui le dira :

Cette cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de Paris était longue et ennuyeuse. Certes, la pluie battante n’a pas facilité les choses aux exécutants, athlètes autant qu’artistes. Certes, il y a eu quelques belles images, le Paquebot France,  le cheval d’acier descendant la Seine,  la Marseillaise chantée du haut du Grand Palais, Raphael Nadal aux anges reprenant la flamme, l’instant d’humour avec le cartoon des Minions, un très bel Hymne à l’amour par Céline Dion et quelques jolis débordements de lumière jaillissant de monuments…

Mais que de spectacles faiblards entr’aperçus entre Austerlitz et le pont d’Iéna. Pauvres artistes sans spectateurs, Continuer la lecture de Epoustouflant ?

Buren

Cette critique a déjà été publiée le 5 décembre 2017. Ce qui m’a conduit à la rediffuser, c’est l’exposition de deux gigantesques suspensions dans les deux nefs principales du Bon Marché à Paris. Avec ces deux grands lustres,  faits chacun d’un accrochage très ordonné de panneaux d’Altuglass (ou équivalent) de forme et de couleur identique, Buren répète sa déclinaison du plastique couleur bonbon acidulé sans la renouveler. Lassant…

Les deux plateaux (Critique aisée n°108)

Vous, vous avez toujours appelé ça les « Colonnes de Buren », mais en fait le titre donné par l’artiste à cette œuvre est « Les Deux Plateaux ». Il y a une explication à cela, mais c’est plutôt rasoir.

Avec Klein suivi de près par Arman, j’avais entamé il y a peu une petite série de photographies intitulée « Les bidons de l’Art « . La photographie que je vous présente aujourd’hui aurait fort bien pu en constituer le troisième élément car voici, selon moi, un très joli exemple d’art bidon. Mais Buren, ses plateaux, ses colonnes et le reste de son œuvre méritaient plus que ça. Alors, voilà : Continuer la lecture de Buren

L’Énéïde

Cette Critique aisée porte le numéro 23. Elle a déjà été diffusée en juin 2014.

À Hubert

Cet énorme poème peut être tout aussi connu que l’Odyssée, mais il est certainement moins lu. (En matière de littérature, la renommée et la quantité de lecteurs sont deux choses très différentes) Quand j’ai lu l’Iliade puis l’Odyssée un peu avant trente ans, ce fut un grand choc et un grand plaisir, renouvelé depuis à différents âges.
Aborder Virgile me faisait peur, probablement à cause du qualificatif de poète qui s’attache à lui, et ce n’est que quarante ans après l’Iliade que, grâce à un ami, Hubert, j’ai ouvert l’Enéide. Nouveau choc, nouveau plaisir, à renouveler. L’Enéide est un magnifique et violent roman d’aventures, un tragique roman d’amour, un conte où se mêlent histoire antique et mythologie. Passionnant.
Evidemment, il faut se faire au style. On n’est Continuer la lecture de L’Énéïde

Que faut-il penser d’ Histoire de Dashiell Stiller ?

Des écrivains vous répondent…

La première question qui vient à l’esprit quand on s’interroge sur un roman tel que cette Histoire de Dashiell Stiller est celle-ci : où son auteur se cache-t-il, dans quel personnage ?
Une analyse sommaire du roman pourrait mener à conclure que Stiller, c’est Coutheillas. Stiller est écrivain, Coutheillas voudrait l’être. Dashiell est encore jeune, Philippe pense qu’il l’est toujours… Ceux qui connaissent bien Coutheillas ont pu décliner ainsi les ressemblances avec le photographe américain, mais pour cela, il leur aura fallu patienter car, avant le dernier chapitre, le lecteur ne saura rien de Dashiell, sinon qu’il est tombé amoureux d’Isabelle par une douce fin d’après-midi à Saint-Germain des Prés.
Si légitime que soit ce désir pour l’amateur de romans de découvrir le déguisement de l’auteur, pour le romancier devant l’œuvre de son confrère, ce n’est qu’une recherche superficielle. En effet, il est constant que dans un roman, consciemment ou inconsciemment, l’auteur met de lui-même dans chacun de ses personnages. C’est en cela que je diffère, sans que cela amoindrisse en quoi que ce soit mon admiration pour lui, de Gustave Flaubert, mon frère ainé, quand il clame que Madame Bovary, c’est lui ! A supposer qu’il ait vraiment prononcé cette sentence, ce dont on peut raisonnablement douter, je pense qu’il faut comprendre que Madame Bovary, c’est aussi lui, car Charles aussi, c’est lui, Homais de même, Rodolphe sans doute. N’allez pas vous récrier en alléguant qu’Homais est un imbécile et que Flaubert Continuer la lecture de Que faut-il penser d’ Histoire de Dashiell Stiller ?

LE GRAND MEAULNES (Critique)

LE GRAND MEAULNES
ALAIN-FOURNIER, 1913.

par Lorenzo dell’Acqua

Mon roman préféré pourrait avoir bien d’autres titres en raison des significations différentes qu’il a eues au cours de ma vie : Robin des Bois et la Belle au Bois Dormant en Sologne ou Les Trois Mousquetaires, Le Bon, la Brute et le Truand ou bien encore l’Idéaliste, l’Utopiste et le Passif, et enfin  Augustin, Frantz, Julien, moi et les autres pour faire plaisir aux inconditionnels de Claude Sautet.

Comme celle de la plupart des romans, la lecture du Grand Meaulnes n’est pas la même selon l’âge où on le découvre. Mais, ce qui me semble plus rare, sa vision en change chez un même lecteur avec le temps. Tel a été mon cas. En schématisant, je l’ai lu pour la première fois pendant la préadolescence, une seconde fois pendant l’adolescence et bien d’autres fois à l’âge adulte. Et chaque lecture fut pour moi celle d’un roman complètement différent comme le montrent ces titres imaginaires que je lui ai donnés.

Lors de ma découverte du Grand Meaulnes, je n’ai vu aucune différence avec les aventures d’Ivanhoë et surtout, forêt oblige, de Robin des Bois. Un héros idéal tombe amoureux d’une princesse Continuer la lecture de LE GRAND MEAULNES (Critique)

Faut-il dissoudre le peuple ?

 Voici ce que j’écrivais le 16 novembre 2016. Pour le lire avec profit, il faut d’abord se rappeler que :
— Le Royaume Uni avait voté pour le Brexit le 23/06/2016
— Donald Trump avait été élu Président des États-Unis le 8/11/2016
— Et qu’une élection présidentielle se profilait en France pour le 7/05/2017 avec de fortes probabilités pour que Mlle Le Pen participe au second tour, ou pire.

Êtes-vous de l’avis qu’à ce texte, à part les dates, il n’est pas nécessaire de changer quoi que ce soit ?

 

 Faut-il dissoudre le peuple ?

Pour l’extrême droite comme pour l’extrême gauche et, quelques fois, même pour la gauche non extrême, l’élection de Donald Trump, c’est le sursaut attendu des indignés, des oubliés et des déçus de toutes sortes contre le système, c’est la victoire du peuple contre les élites et des tas d’autres choses tout aussi lyriques et enthousiasmantes.

Bon. Si on veut.

Mais si la victoire du peuple contre les élites, c’est Continuer la lecture de Faut-il dissoudre le peuple ?

J’en ai marre !

Il y a six ans environ, je publiai cette critique de la conversation. Les choses ayant plutôt tendance à empirer dans ce domaine, il devenait urgent que je la publie à nouveau. 

J’en ai marre !

La conversation est sans conteste l’une des activités qui distingue le mieux l’homme de l’animal. Qui plus est, c’est aussi l’exercice qui permet de distinguer l’homme distingué de l’homme tout court. Nos ancêtres, tout au moins ceux d’entre eux qui, depuis Platon jusqu’au baron de Charlus, se trouvaient en haut de leur panier, avaient poussé l’art de converser vers des sommets qui, contemplés aujourd’hui depuis nos marécages embrumés, paraissent bien inaccessibles.
S’il existe plusieurs catégories de conversations, chacune d’entre elles, quand elle est honorablement pratiquée, peut présenter de l’intérêt. On distingue habituellement:

—les propos anodins ou, comme disent les anglais, small talks, les petites conversations, sur le temps qu’il fait, l’augmentation du prix des fruits et légumes ou l’ingratitude des enfants,
—le dialogue, qui est un échange de propos sensés, d’égal à égal, du moins pour le temps de l’exercice,
—la conférence, forme élaborée du soliloque, et sa forme plus modeste, la causerie qui, malheureusement, consistent la plupart du temps à asséner des banalités à des gens qui sont peut-être venus pour ça, mais pas toujours de leur plein gré,
le conciliabule, qui réunit au moins deux personnes pour se mettre d’accord par la discussion sur un certain nombre de points ou de dispositions à prendre, et qui revêt toujours un aspect Continuer la lecture de J’en ai marre !

La règle du jeu

Critique aisée n°235 (Rediffusion)

George Mikes a dit : « La meilleur définition de l’humour que je connaisse est celle-ci : ‘’L’humour est une affirmation de la dignité de l’homme, une façon de déclarer sa supériorité à tout ce qui lui arrive.’’ Je dis que c’est la meilleure définition parce que c’est moi qui l’ai trouvée. »
Eh bien, comme George, je trouve que ma critique de La Règle du jeu est la meilleure que l’on puisse trouver. C’est pourquoi je vous la ressert sans vergogne. 

La Règle du jeu
Jean Renoir – 1939
Marcel Dalio, Nora Grégor, Jean Renoir, Roland Toutain, Paulette Dubost, Julien Carette, Gaston Modot…

La première fois
La première fois que j’ai vu La Règle du jeu, c’était au Champollion. Pas à l’Actua-Champo, non, dans la grande salle, au Champo.
La grande salle du Champollion ! Cent places ? Cent cinquante ? Légèrement en pente, elle était si petite que, pour pouvoir projeter sur un écran de taille acceptable, le propriétaire avait fait installer un système très particulier : par le truchement d’un périscope, le film était projeté sur le mur du fond de la salle où un miroir renvoyait les images sur l’écran. L’Actua-Champo, dont la salle était encore plus petite, ne bénéficiait pas, je crois, de ce système ; c’est dire la taille de l’écran.
Mais la première fois que j’ai vu La Règle du jeu, c’était bien au Champollion, dans la grande salle.
Je devais avoir 17, 18, 19 ans tout au plus. C’était l’été, les vacances… le mois d’août plus précisément. Il faisait chaud, sûrement. J’étais seul. À ce moment-là, je n’avais pas de petite amie, ou alors elle n’était pas là, je ne sais plus. Il devait être 4 heures de l’après-midi et je passais rue des Écoles, probablement à la recherche d’une âme sœur. On n’est pas sérieux quand on a 17 ans et qu’on a des platanes verts sur le Boulevard Saint-Michel.
Il devait faire chaud, je l’ai dit. Je crois même qu’il y avait de l’orage dans l’air, pas au sens figuré, de l’orage, du vrai. L’affiche au-dessus de l’entrée annonçait « La Règle du jeu« . Elle n’était pas bien tentante. C’était l’affiche originale sans doute. On y voyait surtout deux visages, celui Continuer la lecture de La règle du jeu