La Peinture : du Didactisme à l’Esthétisme

par Lorenzo Dell’Acqua

L’œuvre d’art est-elle belle et que signifie-t-elle ?

Je ne suis sensible qu’à sa première fonction qui est de nous montrer la Beauté. Je ne vois aucun intérêt supplémentaire à comprendre le pourquoi de l’œuvre et à découvrir ce qu’elle veut montrer ou démontrer. 

Au début de l’histoire de la Peinture, les fresques des églises étaient des bandes dessinées dont la fonction didactique l’emportait sur la qualité esthétique. La Peinture n’avait pas pour objectif à cette époque d’être belle mais de raconter et d’expliquer l’Histoire Sainte aux illettrés, c’est-à-dire quasiment à tout le monde, ce qui ne l’a pas empêché d’être belle. En même temps que le niveau culturel s’élevait, la Peinture s’est éloignée de ce Didactisme primaire pour se rapprocher de l’Esthétisme tel qu’il est défini dans Le Robert : Attitude artistique qui recherche la beauté formelle.

Les premières œuvres réellement dépourvues de toute fonction interprétative me semblent être celles des Impressionnistes. Le Surréalisme, lui,  représente à mon sens une double régression : d’une part, il réintroduit, comme au Moyen-Âge, la volonté d’exprimer quelque chose et, d’autre part, il ne s’adresse plus à tout le monde, comme le faisait la Peinture à cette époque où les gens étaient incultes, mais seulement aux intellectuels capables d’en comprendre la signification. D’une certaine manière, le Surréalisme et l’Art sont antinomiques : l’art doit être offert à tout le monde et pas seulement à une minorité d’intellectuels. En plus, le Surréalisme relègue le spectateur au rang d’illettré moyenâgeux ce que je trouve déplaisant, pour ne pas dire humiliant.

L’Art devrait laisser la possibilité à tout le monde sans exception de s’approprier l’œuvre comme si elle était une fenêtre que l’artiste aurait ouverte sur un paysage dont la vision et l’interprétation sont propres à chaque spectateur. Le Surréalisme et l’Art Conceptuel ont supprimé cette liberté car ils ont la volonté d’exprimer quelque chose que le spectateur doit trouver mais sans avoir de choix : ce doit être non pas ce qu’il « voit » mais ce que l’artiste a voulu qu’il voit comme lui. Finie la formidable ouverture qu’offrait l’Art auparavant ! Il est devenu une sorte d’embrigadement où la beauté est manipulée à des fins doctrinaires.

Notes :
— Esthétisme : ​​​ nom masculin, Attitude artistique qui recherche la beauté formelle. (Le Robert)
Didactique : dont le but est d’instruire, d’informer, d’enseigner : Ouvrage didactique (Larousse)

14 réflexions sur « La Peinture : du Didactisme à l’Esthétisme »

  1. Une œuvre d’art est une création humaine qui a pour but d’exprimer une idée, une émotion ou une vision du monde. Elle peut prendre de nombreuses formes, allant de la peinture et la sculpture à la musique, la littérature, le cinéma, la danse, le théâtre, l’architecture, etc.

    Voici quelques caractéristiques qui définissent généralement une œuvre d’art :

    Création humaine : une œuvre d’art est le résultat d’un travail intentionnel de l’homme.
    Expression : elle exprime quelque chose, que ce soit une émotion, une idée, un message, une vision du monde.
    Esthétique : elle suscite une émotion ou une réflexion esthétique chez le spectateur.
    Originalité : elle apporte une vision nouvelle, une interprétation personnelle du monde.
    Intemporalité : elle peut traverser les époques et continuer à toucher les gens.
    Valeur symbolique : elle peut avoir une signification culturelle, sociale ou spirituelle.
    Il est important de noter que la définition de l’œuvre d’art a évolué au fil du temps et des mouvements artistiques. Ce qui était considéré comme de l’art à une époque peut ne plus l’être aujourd’hui, et inversement.

    Voici quelques points supplémentaires à considérer :

    Le contexte : le contexte dans lequel une œuvre est créée et présentée peut influencer sa signification et sa réception.
    L’intention de l’artiste : l’intention de l’artiste peut jouer un rôle dans la manière dont l’œuvre est interprétée.
    La réception du public : la manière dont le public perçoit et interprète une œuvre peut également influencer son statut d’œuvre d’art.
    En fin de compte, la question de savoir ce qui constitue une œuvre d’art est souvent subjective et sujette à débat.

  2. Si vous me le permettez, j’aimerais revenir à mon interprétation de ce qu’est l’art et sa création, « de la main prodigieuse de l’artiste, égale et rivale de sa pensée, l’une n’est rien sans l’autre », c’est pas moi qui dit cela mais Paul Valéry, qui poursuit par « tout homme créé sans le savoir, comme il respire, mais l’artiste se sent créer », et cela, selon moi, pour émerveiller le ou les sens de « celui qui passe ». Lorenzo évoque la peinture rupestre de la main, le toucher donc, et je demandais si le touché pouvait être émerveillé par un art destiné à lui. J’ai bien quelques idées sur la question, après tout une main touche, palpe ou attouche, mais réflexion faite, je ne les développerais pas ce soir.

  3. Tiens, voilà une nouvelle question : l’œuvre d’art, en plus d’être belle, doit-elle être volontaire ?
    Faut-il que l’homme (ou la femme, oui, ou la femme) en train de dessiner, de peindre ou de sculpter quelque chose se dise  » Super ! Je suis en train de faire de l’Art » pour que cela en soit ? L’art primitif, l’art religieux, l’art naïf, l’art brut sont primitif, religieux, naïf, brut avant d’être de l’art. Certes, dans ce domaine non professionnel, il y a beaucoup de candidats malheureux mais, des élus, il y en a.
    Les indiens Hopi consacrent des heures à dessiner au sol de grands motifs géométriques à l’aide de sables de couleur. Ce n’est pas de l’art volontaire car ces tableaux sont réalisés pour les offrir aux dieux, les remercier ou obtenir d’eux une faveur. C’est absolument magnifique, c’est de l’art ( et en plus, c’est éphémère).
    Les petits hommes qui dessinaient sur les murs de cavernes souvent sacrées du Périgord ou d’Arizona des humains, des animaux, des scènes de chasse ne faisaient pas de l’art volontairement, mais ce qu’ils ont fait (et il n’est pas question ici d’empreintes de main) témoigne de leur technique, de leurs créativité et, finalement, de leur expression artistique. Les peintures rupestres racontent des histoire de belle manière, tout comme le font la tapisserie de Bayeux et les fresques des églises évoquées en début d’article.
    Sur quelle base déclarer qu’elles ne sont pas de l’art ? Parce qu’elles n’ont pas été réalisées pour en «faire»?

  4. Le prétendu art préhistorique était involontaire. En ce qui concerne les mains reproduites au pochoir sur les parois des cavernes, on est certain aujourd’hui qu’il s’agissait toujours de la même main mais avec un nombre de doigts différent d’où l’hypothèse invérifiable qu’il s’agissait de la première façon de compter.
    Quant à prétendre qu’il s’agissait volontairement d’art, je me demande comment on peut sérieusement avancer cette hypothèse qui ne pourra jamais être confirmée ni infirmée.

  5. « Finie la formidable ouverture qu’offrait l’Art auparavant ! Il est devenu une sorte d’embrigadement où la beauté est manipulée à des fins doctrinaires. »

    C’était quand, auparavant ?
    Quand les peintres soviétiques peignaient des fresques exaltant la production agricole ?
    Quand David peignait des oeuvres à la gloire de Napoléon ?
    Quand le Doge de Venise commandait une oeuvre magistrale pour célébrer la victoire de Lépante sur les Ottomans ?
    Quand Auguste faisait réaliser une mosaïque glorifiant son règne ?
    Quand Nefertiti…. ?
    Il n’y a plus d’autrefois.

  6. « En admettant un instant cette hypothèse sans véritable fondement » n’est pas une hypothèse, c’est la réalité.

  7. « Au début de l’histoire de la Peinture, les fresques des églises étaient des bandes dessinées dont la fonction didactique l’emportait sur la qualité esthétique. »
    En admettant un instant cette hypothèse sans véritable fondement, je pense que jamais le curé de la paroisse qui souhaitait décorer son église d’une oeuvre pieuse ne l’aurait pas commandée au rapin local sans s’assurer auparavant qu’il savait représenter assez joliment les hommes, les femmes, les animaux et les choses. Pourquoi ? Il y en a peut-être plus, mais moi je vois au moins deux raisons à cela :
    a) le Curé préférait voir tous les jours dans soin église quelque chose de beau que quelque chose de moche
    b) l’effet didactique éventuellement (mais pas nécessairement) recherché sera renforcé par l’agrément de l’oeuvre.
    (Ce qui ne veut pas dire que l’oeuvre évoquée et voulue par le Curé sera forcément une oeuvre d’art. Tout ce qui est joli, mignon, ravissant peut être agréable à voir, didactique peut-être, mais pas nécessairement oeuvre d’art, au contraire.)
    Si on considère les 1/2 sauvages qui dessinaient des animaux, puis des hommes (et des femmes, bien sûr, et des femmes) sur les parois des cavernes en Périgord, on peut penser que, peu satisfaits de leurs première tentatives et désireux d’améliorer leur technique (qui n’était pas encore un art), ils ont polissé sans cesse et repolissé leur façon de dessiner leurs sujets et dérivé ainsi petit à petit vers l’esthétisme honni par Lorenzo.
    L’homme est ainsi fait — enfin pas mal d’entre eux — qu’il veut sans cesse améliorer ce qu’il produit. Il n’y parvient pas toujours, mais il essaie, le bougre. On passe ainsi du tabouret à traire à la chaise curule, de la chaise curule au fauteuil Louis XV et du fauteuil Louis XV au fauteuil Van der Rohe.
    C’est peut-être aussi comme ça qu’on passe de l’art roman à l’art gothique, de la peinture baroque au réalisme, du surréalisme à l’art brut. Pour les plus récentes évolutions, on ne parlera peut-être pas d’amélioration du produit. Picasso ne voulait sans doute pas améliorer sa période bleue en passant progressivement au cubisme. On parlera alors d’évolution, de recherche d’autre chose, quitte à passer au surréalisme ou même à l’art conceptuel.

  8. « – l’art n’est pas nécessairement beau
    – ce qui n’est pas beau est possiblement de l’art
    – donc Hidalgo et Trump sont des artistes
     » (Sicoupresque)
    En voila un raisonnement !
    Plutôt un sophisme qu’un syllogisme.
    De plus, si les personnes citées sont elles-mêmes déplaisantes, tout ce qu’elles ont élevé au rang d’art c’est la mauvaise foi pour l’une et le mensonge pour l’autre. Ça n’en fait pas des artistes.

  9. « L’œuvre d’art est-elle belle ? » C’était la première interrogation de Lorenzo. Je pense que la vraie question serait plutôt : « l’oeuvre d’art doit-elle être belle ? »

    A mon avis, non. Ou alors il faut redéfinir ce qu’est une oeuvre d’art et, sans compter que j’en serais incapable, ce n’est pas mon intention.
    La Joconde est belle ( le sujet et le tableau sont beaux) => c’est une oeuvre d’art.
    La persistance de la mémoire (les montres molles de Salvador Dali) les objets et la façon de les peindre ne sont pas beaux => pas une oeuvre d’art ? Allons donc ? C’en est une.
    Les oiseaux, les poupées, les souris ou n’importe quoi d’Annette Messager ? Est-ce beau ? Non, c’est laid, moche même. Est-ce une œuvre d’art ? Non. Pas beau => pas œuvre d’art ? Oui, cette fois.
    Une composition de Mondrian ? Beau ? Selon moi, non, ce n’est pas le mot. Pas beau => pas une œuvre d’art. Et pourtant, c’était est une, Ô combien !
    Donc l’oeuvre d’art n’est pas nécessairement belle. Ce n’est pas la beauté qui définit l’oeuvre d’art ( bien que ça puisse aider.)
    CQFD.

  10. Si j’ai bien compris ta proposition, l’art n’est pas nécessairement beau. Donc, ce qui n’est pas beau est possiblement de l’art. J’en conclus qu’Hidalgo et Trump sont des artistes.
    Quelle est la différence entre art et créativité ? Le temps. Donc, l’art est, comme la physique quantique, fonction du temps.

  11. Il a raison Paddy de poser son interrogation comme une opposition, oui ou non? À ou E pout l’exprimer poétiquement. Car la poésie est elle aussi un grand art, celui de l’usage des mots, assemblés selon des techniques, rimes, alexandrins, pantoum, maillet, etc, et de la musique avant toute chose car le poème doit s’écouter encore plus que d’être lu, comme dans les salons autrefois. Mais l’homme a cinq sens qui peuvent être éveillés par l’art. J’ai évoqué la vue et l’ouïe, voyons l’odorat. La composition des parfums, un métier que j’ai bien connu, est un grand art créatif, alliant tout ce que la nature offre, végétal, minéral ou animal. J’ai des exemples reconnus, par exemple celui de l’Eau Sauvage composée par le grand Rudniska (je ne suis pas payé par Dior pour dire ça). Voyons maintenant le quatrième, le goût. J’affirme que la gastronomie est un art, on l’appelle maintenant l’art culinaire, des créations alliant des saveurs nouvelles, loin des recettes traditionnelles des blanquettes de nos grand mères et des recettes gastronomiques comme le Tournedos Rossini du Grand Véfour, alliant aussi au goût celui des couleurs et des formes des ingrédients utilisés. Et enfin, le toucher. Lå je bute. Depuis l’invention de la pierre polie, puis taillée, le génie de l’homme a produit des outils basés sur l’utilité, la praticité, l’efficacité, pour les armes en particulier. Mais pour subblimé le sens du toucher, je bute. Aidez-moi â comprendre svp, merci.

  12. Pour commencer, je ne chercherai pas à définir ce qu’est la beauté : ce qui provoque l’admiration, de l’émotion, ce qu’on trouve agréable à regarder, ce qui plait à l’oeil, ce qui est à la mode ?… Finalement on s’en fout car, quand j’utiliserai le mot beau ou beauté, le contexte et le sens commun devrait en éclairer la signification.
    Ensuite, et pour circonscrire le débat, je remarquerai que l’essai de Lorenzo entend se limiter à l’art pictural. N’allons pas finasser une fois de plus et tenter de piéger l’autre en passant plus ou moins habilement d’un art à un autre.

    « L’œuvre d’art est-elle belle ?  » Voila la première interrogation de Lorenzo.
    Je pense que la vraie question serait plutôt : « L’oeuvre d’art doit-elle être belle ? »
    Mais nous verrons ça peut-être tout à l’heure.

  13. Oui, montrer la beauté bien sûr qui réveille les sens et émerveille celui qui la regarde ou l’écoute. Mais aussi d’exprimer la créativité, le génie de l’artiste qui est à la man-oeuvre, non?

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