Archives de catégorie : Récit

Couleur café 36 Le Capoulade

Couleur café n° 36:

Le Capoulade

Voici une photographie de la terrasse du Capoulade au début des années 50. Le Capoulade était l’un des grands cafés du Quartier Latin. Situé au bas de la rue Soufflot à l’angle du Boulevard Saint-Michel, au soleil du matin au soir, il était préféré à celui d’en face, le Maheux, qui demeurait à l’ombre la plus grande partie de la journée.

Sur cette photo prise par un beau jour ordinaire de printemps, on remarquera la sérénité et l’insouciance de ces étudiants qui, pour les garçons, portent tous (sauf un zazou en col roulé au premier plan) costume et cravate et, pour les filles, chemisier léger et jupe plissée. On se souviendra aussi que la guerre avait commencé alors qu’ils atteignaient Continuer la lecture de Couleur café 36 Le Capoulade

Ma nuit du 4 août

Soixante et un an plus tard, publié une première fois il y a huit ans, voici à nouveau ma nuit du 4 août (1962)

La vieille Hudson 51 nous aura au moins amené jusqu’à Los Angeles. Nous l’avions achetée à Flagstaff deux semaines plus tôt pour la somme de cinquante dollars partagée entre nous six. Flagstaff-Los Angeles, six cents miles à respirer l’odeur de poussière des sièges et les relents d’huile surchauffée du moteur ; six cents miles, y compris le petit détour pour voir le Grand Canyon au lever du soleil et Las Vegas au crépuscule ; six cents miles, dont une bonne partie de nuit, à surveiller le vrai défaut de cette voiture : l’extinction totale et imprévisible des phares à des intervalles tout à fait irréguliers. Pour survivre à cet inconvénient, nous nous étions organisés. La nuit, l’un après l’autre, nous prenions le quart pendant une heure à la place du passager avant, fenêtre ouverte, le nez dehors pour rester éveillé et le bras droit pendant à l’extérieur, la main serrée sur une lampe torche. Lorsque l’extinction des feux survenait, l’homme de quart devait allumer aussitôt sa lampe et éclairer quelques mètres de route vers l’avant tandis que le conducteur s’appliquait à arrêter la voiture sans sortir du béton.

Cela fait cinq heures que nous roulons après une longue soirée dans les casinos de Vegas. Le jour se lève. Nous sommes tous épuisés mais, avec le jour, cesse la garde à la fenêtre. L’expressway descend doucement vers la ville que l’on aperçoit à travers la brume qui passe du marron au jaune en s’éloignant du sol. Le temps est gris. La ville immense est encadrée par le pare-brise de la voiture, marqué d’insectes éclatés et d’arcs de cercles jaunâtres, sans rien d’autre pour accrocher le regard que le quadrillage infini des boulevards et un petit paquet de tours gris foncé vers le centre. L’ampleur du spectacle a quelque chose d’oppressant. Cette ville n’est pas à notre échelle, et dans la fatigue du petit matin, je me demande déjà comment nous allons survivre dans ce paysage hostile. Continuer la lecture de Ma nuit du 4 août

Rendez-vous à cinq heures avec Poutine au café

la page de 16h47 est ouverte…

Poutine meurt et va en enfer

En bas là-bas, son expérience d’ancien du KGB et de chef maffieux lui permettent de très bien se débrouiller. Il collabore efficacement au bon fonctionnement de l’enfer. Il lui arrive même de proposer des modifications pour rendre l’enfer encore plus infernal.

Satan le convoque et lui fait part de sa satisfaction. Pour le récompenser, il lui donne la permission de redescendre à Moscou pour 24 heures.

Poutine arrive à Moscou sans être reconnu et entre dans un café. Le patron, qui ne le reconnait pas, lui demande ce qu’il veut. Sur ses gardes, Poutine se contente d’un café.

Puis il entame la conversation, l’air de rien : Continuer la lecture de Rendez-vous à cinq heures avec Poutine au café

Aventure en Afrique (40)

temps de lecture : 6 minutes 

Voir la mer (1)– la soudure
Début novembre, un soir au cours d’un apéritif, nous avions évoqué les vacances que nous pouvions pendre au mois de décembre soit une année pleine de service. Henri nous a dit en plaisantant : « en tant qu’Alsacien, je n’ai jamais vu la mer ». Il y eu un grand blanc puis un « pourquoi pas ? ».

Je précisais : « Je me permets de vous rappeler qu’officiellement nous n’avons pas le droit de sortir du département de Niamey sans un laissez-passer ».
Nous nous mîmes au travail : trouver une carte Michelin de l’Afrique Nord et Ouest, choisir un itinéraire, relever les positions des stations-services, des campements…Nous avons appris plus tard, à nos dépends, que sur le lot ils y en avaient de non approvisionnés depuis plusieurs semaines, de fermés et “Via Michelin“ n’existait pas encore.

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Aventure en Afrique (39)

La vente aux enchères
       Un matin vers 10 heures, dans mon bureau, un de mes gars me dit « patron tu as vu, il y a un européen dans la cour. Le connais-tu ? « Non je ne le connais pas  » Une demi-heure plus tard, l’homme était toujours là debout en plein soleil. Je lui proposais de venir s’asseoir dans mon bureau bien que n’ayant pas encore de climatiseur.
Européen ? Il avait un fort accent canadien ! L’homme m’expliqua qu’il devait y avoir ce matin-là une vente aux enchères de vieux véhicules, dans la cour. Je demandais à mes gars, personne n’était au courant.
Vers 11h30 arrivait une grosse Mercedes noire avec un chauffeur : c’était le commissaire-priseur. En quelques minutes une trentaine de personnes arrivaient dans la cour. Je me glissais au milieu de mon personnel et d’autres du Génie-Rurale pour assister à la vente. Le commissaire-priseur nigérien, avec, ses lunettes noires son petit cartable en cuir, un papier et un stylo en or à la main, se tenait devant des véhicules. Continuer la lecture de Aventure en Afrique (39)

La Tour Eiffel qui tue !

La Tour Eiffel qui tue !

Dans les années cinquante du siècle dernier, était parue une courte comédie musicale, pleine d’invention et de talents. Le texte était de Guillaume Hanoteau, la musique de Georges Van Parys, l’orchestre était celui de Michel Legrand, la mise en scène d’Yves Robert et parmi les comédiens et chanteurs de la troupe de Michel de Ré, on trouvait Mouloudji, Judith Magre… et j’ai oublié les autres.

L’argument était le suivant : A la fin du XIXème siècle, à Paris, une série de meurtres est attribuée à la tour Eiffel qui vient d’être construite. Le jeune poète Christophe, sa fiancée Marie-Nuage Eiffel, et Hyène de Tigris, une demi-mondaine, refusent de croire à la culpabilité de la tour tandis que trois polytechniciens s’acharnent à soutenir le contraire. Alors Continuer la lecture de La Tour Eiffel qui tue !

La planche et les deux canards

temps de lecture : 4 minutes à 22 degrés

Bonjour !

Il est 8h49 et, ce matin, mon bureau, c’est la Fontaine Médicis du Jardin du Luxembourg. C’est assez rare que je vienne m’installer en cet endroit, souvent humide et froid. Mais en cette matinée du 14 juin, à cette heure, la température est idéale pour écrire une fable. Vous allez voir.

J’aime bien cette eau en pente qui semble glisser vers Polyphème surprenant Galatée dans les bras d’Acis. Ce matin, l’eau de la fontaine est noire, un effet de l’éclairage sans doute, et mis à part les imperceptibles ondes concentriques qui entourent trois canards endormis, elle est sans ride. Et la fable ? J’y viens.

Contrairement aux canards de Sologne dont on sait qu’ils s’envolent à l’aube par-dessus les ajoncs dans le soleil levant, le canard parisien n’est pas matinal. Ils sont trois à flotter comme des épaves, comme ça, le bec sous l’aile. Ils dorment. Hésitante, une Continuer la lecture de La planche et les deux canards

Aventure en Afrique (38)

temps de lecture : 2 minutes

La Grande Prière

       Le 20 juillet, fête de “la Tabaski” au Niger, appelée aussi “la Fête du Mouton” c’est Aïd el-Kebir,  “le jour du sacrifice” : congé pour tout le monde !.
Des milliers de moutons sont égorgés dans Niamey : dans les cours, sur  les trottoirs, les places. “Le fleuve coule rouge” dit-on. Suivant sa fortune on peut aussi égorger un veau, ou un chameau.
Mahomet ayant dit : «Certes Allah a prescrit l’excellence dans toute chose. Ainsi lorsque vous tuez, tuez de manière parfaite et si vous égorgez, égorgez  de manière parfaite. Que l’un de vous aiguise son couteau et qu’il apaise la bête qu’il égorge. ». Il faut manger la viande du sacrifice, en garder et offrir au moins un tiers aux pauvres, proches, voisins, collègues etc.
Ce matin-là je me trouvais sur une grande place, en terre battue, un peu à l’extérieur de la capitale. J’ai pu m’approcher discrètement sans difficulté, malgré le fait que l’ensemble était gardé par l’armée. Je me disais modestement, que je ne n’étais pas un touriste, que mon visage commençait à être connu au centre-ville m’ayant souvent vu avec Chantal, on me surnommait: «Monsieur Madame   Pharmacie»
Je sortis mon appareil photo.

   Au centre de la place, Continuer la lecture de Aventure en Afrique (38)

Aventure en Afrique (37)

temps de lecture : 4 minutes et plus si affinité

Le marché d’Ayorou
Un dimanche matin nous avions décidé de nous rendre dans ce bourg au nord-ouest du pays, sur la rive gauche du fleuve, proche de la frontière du Mali. Ce village se trouve dans la zone tristement célèbre  des “ trois frontières “où sévissent aujourd’hui des  massacres de populations perpétrés par les djihadistes. Pour s’y rendre il faut emprunter la nationale N°1 sur environ 200 km. Celle-ci était goudronnée sur une trentaine de kilomètres jusqu’au niveau de Boubon. Elle se continuait en latérite, très abîmée et poussiéreuse. La route passait Continuer la lecture de Aventure en Afrique (37)

La disparition de l’Esperluette

temps de lecture : 4 minutes 

C’est à John Clipperton (1671-1768) que l’on doit la disparition définitive de l’esperluette. Cet évènement regrettable et historique s’est produit au tout début du XVIIIème siècle sur une ile perdue à plus de six-cents milles marins au Sud-Ouest du Mexique. John Clipperton est, on le sait, l’un des plus fameux pirates qui aient jamais sillonné les mers. Après avoir écumé la Mer des Caraïbes et le Golfe du Mexique et considérant que la concurrence régionale y devenait trop importante, Clipperton décida de se délocaliser dans le Pacifique. Il fit donc route vers le Panama qu’il traversa à pied avec armes et bagages mais sans sa frégate The Despicable, qu’il fit reconstruire à l’identique de l’autre côté de l’isthme par les indigènes du coin. En quelques années, Clipperton accumula un trésor que, dans son ouvrage « A new guide for treasure islands and other fiscal paradises », Sir Alfred Fink-Nottle (1884—1977) n’hésita pas à qualifier de « joliment colossal ». La place à bord venant à manquer, il accosta la première île venue pour y cacher son trésor. Elle ne figurait sur Continuer la lecture de La disparition de l’Esperluette