Aventure en Afrique (44)

Il était de tradition chaque année que le gouvernement du Niger offre aux VSNA, un voyage à travers le Sahara en camions militaires. Mais en 1973, la grande sécheresse a tout chamboulé ; les camions étaient affectés à la distribution de vivre dans les zones reculées. Nous allions donc être privés de ce périple : c’était sans compter sur l’acharnement de certains. Un de nos camarades était le fils d’un général de l’armée française et cette dernière était stationnée, entre autre, au Niger même après l’indépendance, comme encore aujourd’hui.
Les choses sont compliquées. Nous sommes bien militaires, mais il y a nos épouses ou compagnes qui ne le sont pas et qui pour la grande majorité ont un emploi.
Je passe sur les démarches et négociations auxquelles je n’ai pas participé :
–Faire partir trois camions Willem modèle 1950 de la base française de Niamey et un command-car (power), avec à leur bord la moitié des participants au voyage pour rejoindre Arlit via le Massif de l’Aïr.
–Une semaine plus tard faire décoller de la même base, un Nord-Atlas de l’armée Nigérienne, à son bord l’autre moitié de l’effectif des participants, pour atterrir à Arlit
–A Arlit, après la visite de la mine par tous, les premiers participants rentrent avec l’avion à Niamey, l’autre équipe prend les camions pour l’Aïr, puis Agadez et Niamey.
Conditions particulières :
–Assurer un des camions pour les femmes, qui ne sont pas militaires.
–Les participants ont en charge le cout du carburant pour l’avion et les  camions.
Tout ce projet est mis en place !
L’organisateur, fils du général, tombe malade dix jours avant le départ : hépatite.
L’opération chancèle, c’est lui le principal organisateur, il est au courant de tout. Son médecin n’arrive pas à améliorer son mal. Un matin son boy désespéré lui dit « Patron donne-moi la journée: je vais te faire médicament en brousse ». Il revient le soir avec une décoction à boire. Dès le lendemain la situation s’améliore. Son boy lui dit « Patron avant que les français arrivent on savait se soigner! ».
Notre camarade à notre grand soulagement a fait partie du voyage.

Il est noté sur le petit carnet de Chantal:
Le 15décembre (1973) lever 3h15.
4h15, départ maison, passage à Issa Béri :  de Verdière (récupérer Catherine de Verdière épouse de mon directeur technique).
4h50 aéroport militaire.
6h45 départ avion Nord-Atlas sur Arlit (via) Tchintabaraden, Tahoua.
9h30 aéroport d’Arlit, promenade dans Arlit.
12h apéritif sous-Préfecture.
13h repas restaurant SomaÏr (société qui gère la mine).
16h visite usine (de traitement) d’Arlit + carrière (d’uranium) (par le) Général Noël. (Discrètement j’ai mis dans ma poche un bout de minerai qui est toujours dans ma collection).
19h30 repas.
20h15 coucher.
Une journée bien chargée. Nous n’avons pas l’autorisation de photographier.
J’ai pu trouver deux photos du site pises par Maurice Ascani, le photographe officiel de la SomaÏr et voisin de la Pharmacie du Centre que dirige Chantal.

     Arlit est une oasis crée pour exploiter le minerai d’uranium présent dans le sous-sol. Elle  bénéficie à proximité, à 600m. de profondeur, d’une très importante réserve d’eau potable fossile.
Arlit avec sa carrière a commencé son exploitation en 1970, gérée par Areva puis Orano. Quelques années après c’est la mine d’Akouta qui est ouverte, à proximité, par la société Cominak (filiale d’Areva).  Suite à l’épuisement de cette dernière, la production est arrêtée le 31mars 2021 laissant 600 salariés sans emploi, ainsi que de nombreux sous-traitants et surtout un impact environnemental important (650 km de galeries).
Quant à la carrière d’Arlit, elle a réduit sa production depuis 2015 compte tenu du niveau du cout de l’uranium sur le marché mondial qui ne couvre plus les frais d’exploitation.
De mémoire : la concentration du minerai brut en uranium était de 1.8o/oo celle-ci par traitement (lixiviation dynamique) était relevé pour devenir du yellow cake, puis expédié en futs en France.
Actuellement EDF a besoin de 8000 à 10000 tonnes d’uranium naturel par an pour faire tourner ses centrales, acheté à l’Australie, au Canada, au Kazakhstan et Niger.
Lorsque nous  visitons le site, tout est neuf, personne n’emploie le mot pollution. Aujourd’hui, 50 ans plus tard elle est partout, dans ce coin reculé de désert dont personne ne parle: “Une catastrophe environnementale”:
–L’eau de la nappe phréatique fossile réduite actuellement au 2/3 (8 millions de m3 nécessaires par an pour traiter 3000 tonnes d’uranium extraites) a une radioactivité 10 fois supérieure à la norme.
–20 millions de tonnes de boues radioactives sont stockées à l’air libre, aux intempéries, principalement au vent.
–Suite à la fermeture de la mine, les déchets de ferraille radioactive sont stockés, mais utilisés par les locaux pour faire des outils, principalement des ustensiles de cuisine et des tuyaux.
–Depuis 50 ans Areva ne s’est pas équipé en matériel de dépistage des cancers, alors que les décès dus à des infections respiratoires sont deux fois supérieures à la moyenne nationale.
C’est le prix que paie ce coin discret, à l’abri des regards, perdu au milieu du désert avec ses 100000 habitants pour que nous puissions nous éclairer, nous chauffer, faire tourner nos entreprises. C’est un choix difficile à accepter…
Ce petit coin est sorti de l’ombre le 16 septembre 2010 à la suite de l’enlèvement par Al-Quida (Aqmi) de sept salariés d’Areva et Vinci malgré la présence de 350 gendarmes français sur place. De difficiles et longues négociations secrètes ont abouti à leur libération en octobre 2013.

      Dans les années 70, quelques temps avant notre venue, à la veille de Noël un avion a décollé de Niamey avec à son bord essentiellement des collégiens et lycéens comme passagers. Pensionnaires pour leur scolarité, ils rejoignaient leurs familles pour les fêtes de fin d’année à Arlit. Quelques adultes faisaient partie du voyage. Dans les soutes toutes les provisions de nourriture et boisson les accompagnaient. Après une escale à Agadez l’avion redécolla, mais le vent de sable s’était levé. A quelques centaines de km d’Arlit un des deux moteurs a des ratés. L’avion perdait de l’altitude. Il fallait tenter un atterrissage à proximité de la piste routière Agadez-Arlit. L’avion grâce à son pilote chevronné, était arrivé à se poser tant bien que mal sans trop de casse. Les secours étaient prévenus par radio qu’il n’y avait aucune victime, mais les secours ne purent se mettre en route: la visibilité était  pratiquement nulle.
Dans l’avion on économise “la lumière“ et l’on s’organise. La nuit tombait, le froid aussi. Il fallait néanmoins boire et manger: le stock était là. Par contre pour boire il n’y avait que du vin ou du champagne : Pas d’eau !
Le lendemain matin le vent était toujours là et secouait l’épave. La chaleur commençait à taper sur la carlingue : il était difficile de faire de l’air sans faire rentrer de sable. La soif commençait à bruler les gorges.  Il y avait le choix entre le vin rouge ou blanc mais chaud ou du champagne également chaud. La grande majorité optait pour le champagne, les bouchons sautent.  L’attente était longue surtout pour les gamins ; par les hublots, que du sable qui tourbillonne. A la tombée du jour le vent faiblissant les secours se sont mis en marche depuis Agadez et Arlit. L’avion était enfin repéré grâce à ses lumières. Dans la lueur de leurs phares les secouristes inquiets voyaient sortir de la carlingue des ombres titubantes ayant du mal à se déplacer. Ils n’avaient été rassurés que lorsque dans l’habitacle, ils avaient découvert tous les cadavres de bouteilles de champagnes vides.

A SUIVRE 

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