Les corneilles du septième ciel (37)

Chapitre 37

Quand Philippe Premier apprit le mariage de Françoise, il en fut abattu, pour ne pas dire déprimé. S’envolait la belle jeune fille, intelligente et drôle, qu’il était convaincu ne jamais retrouver. Pour un célibataire ayant dépassé la quarantaine, les chances de rencontrer la compagne idéale s’amenuisaient de jour en jour. Il savait sa situation quasiment désespérée même si, chaque matin, il côtoyait de jeunes internes parfois belles, parfois intelligentes, parfois drôles, mais rarement les trois à la fois. Là n’était pas la principale difficulté qui se présentait à lui, la plus importante étant en réalité leur âge : elles avaient moins de trente ans. A cet âge-là, elles devaient le prendre pour un vieux de la génération de leurs parents, ce qui n’était pas faux, et, à ses yeux, elles n’étaient que des gamines immatures. Question de génération, se disait-il avec inquiétude. Restaient bien quelques célibataires de son âge qu’il rencontrait grâce aux efforts louables de tous ses amis, mais c’était des ragotons glaciales pour lesquelles il ne ressentait ni élan amoureux, ni encore moins physique. A ces difficultés bien réelles venait s’ajouter une angoisse nouvelle due à ses états d’âme. Depuis toujours il tenait à avoir des enfants et d’ailleurs ils les adoraient. Mais plus il avançait en  âge, plus la responsabilité de leur éducation et de leur entrée dans le combat de la vie moderne lui faisait peur.

Philippe Premier était parvenu à la conclusion suivante : l’épouse idéale serait une jeune femme de moins de trente ans, non pour la fraîcheur de sa chair mais celle de son âme, avec du plomb dans la tête comme Françoise ce qui ne se rencontrait que chez des plus de trente ans et encore quand on avait de la chance. Autrement dit, la quadrature du cercle. Ses tentatives sur les sites de rencontre en ligne tournèrent à la catastrophe ; il avait l’impression de se retrouver en consultation de psychiatrie à écouter les plaintes de femmes frustrées. Dans leur façon de se présenter, il y avait souvent une bonne dose de vantardise qui l’agaçait, une bonne dose de critique des hommes qui l’agaçait moins et une bonne dose d’angoisse qu’il partageait. Mais cela ne les rendait pas plus désirables pour autant.

Son meilleur ami était un collègue avec lequel il avait fait ses études de médecine. Chanceux, ce dernier était tombé amoureux d’une jeune fille qu’il avait épousée dès le début de ses années de faculté. Brigitte avait deux sœurs, l’une plus âgée qu’elle, mariée et mère de famille, l’autre plus jeune âgée de douze ans au moment de son mariage dont Philippe était témoin. Il ne remarqua pas la petite soeur de la mariée ou plutôt il ne vit qu’une demoiselle d’honneur parmi les autres. Souvent invité dans la belle famille de son camarade, il la croisait régulièrement sans lui prêter la moindre attention. Un jour, il découvrit que la petite sœur était devenue une belle jeune fille. La suite, il la vécut comme un conte de fées. La rage de vivre, l’enthousiasme et la gaîté de Romane eurent raison de ses réticences de vieux garçon. Malgré leur différence d’âge, elle lui offrit un amour qu’il n’avait jamais soupçonné tout au long des années passées. Il faut dire aussi qu’elle avait une qualité exceptionnelle pour un garçon d’un naturel pessimiste : chez elle, le mot impossible n’existait pas.

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