Archives par mot-clé : Marcel Proust

Questionnaire de Proust

Il est de bon ton de savoir, et surtout de faire savoir, que le « Questionnaire de Proust » n’est pas de Proust, mais que c’est un questionnaire auquel il a répondu. Plusieurs fois.
Voilà ! C’est fait !
Et maintenant, les questions :

1. Le principal trait de mon caractère ?
2. La qualité que je préfère chez un homme ?
3. La qualité que je préfère chez une femme ?
4. Ce que j’apprécie le plus chez mes amis ?
5. Mon principal défaut ?
6. Mon occupation préférée ?
7. Mon rêve de bonheur ?
8. Quel serait mon plus grand malheur ?
9. Ce que je voudrais être ?
10. Le pays où je désirerais vivre ?
11. La couleur que Continuer la lecture de Questionnaire de Proust

La mort de Bergotte (2)

Morceau choisi 

La vie éternelle

Cet extrait fait suite à celui qui a été publié ici avant hier (La mort de Bergotte – Le petit pan de mur jaune).
Les obligations que l’homme (et en particulier l’artiste) se crée au cours de sa vie ont-elles un sens puisqu’un jour, il sera « mort à jamais ». « Mort à jamais ? Qui peut le dire ? » nous demande Proust qui connait la réponse. Mais ici, il n’est pas question de foi ni de religion.

Il était mort. Mort à jamais ? Qui peut le dire ? Certes, les expériences spirites, pas plus que les dogmes religieux, n’apportent la preuve que l’âme subsiste. Ce qu’on peut dire, c’est que tout se passe dans notre vie comme si nous y entrions avec le faix d’obligations contractées dans une vie antérieure ; il n’y a aucune raison, dans nos conditions de vie sur cette terre, pour que nous nous croyions obligés à faire le bien, à être délicats, même à être polis, ni pour l’artiste athée à ce qu’il se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l’admiration qu’il excitera importera peu à son corps mangé par les vers, comme le pan de mur jaune que peignit avec tant de science et l’admiration qu’il excitera importera peu à Continuer la lecture de La mort de Bergotte (2)

La mort de Bergotte (1)

Morceau choisi

Le petit pan de mur jaune

Bergotte est l’écrivain célèbre que Proust a créé pour la Recherche du temps perdu. Dans ce passage, sentant sa mort venir, Bergotte remet en cause toute son oeuvre : « C’est ainsi que j’aurais dû écrire… »

(…) Il mourut dans les circonstances suivantes : une crise d’urémie assez légère était cause qu’on lui avait prescrit le repos. Mais un critique ayant écrit que dans la Vue de Delft de Ver Meer (prêté par le musée de La Haye pour une exposition hollandaise), tableau qu’il adorait et croyait connaître très bien, un petit pan de mur jaune (qu’il ne se rappelait pas) était si bien peint, Continuer la lecture de La mort de Bergotte (1)

Brèves de mon comptoir (17)

28/11 –  Dimanche, excursion au Père Lachaise

Désert du dimanche matin, pluie fine et vent fort, temps de novembre au carré ; sur les tombeaux, les fleurs déposées au début du mois sont fanées, avachies, renversées ; les allées sont pleines de flaques d’eau et de feuilles mortes. Mais bon, c’est un cimetière.

Posé quelques bruyères sur la pierre familiale, nettoyé un peu tout autour et dessus, et puis parti en balade. Le Crématorium, soutenu souvent par des étais, semble près à s’effondrer, triste et plein de courants d’air. Parti plus loin, à la recherche de la tombe de Marcel Proust. Trouvée sans trop de peine. Tombe modeste en Continuer la lecture de Brèves de mon comptoir (17)

Proust l’avait déjà noté

(…)
R.B. : Oui, je crois que je ne serai jamais satisfait du compte que je pourrais rendre à cet œuvre. Le problème, c’est que je sais bien que c’est une œuvre extrêmement importante pour moi, je l’ai lue et relue — entendons-nous bien, il faut savoir ce qu’est lire Proust, il n’est pas dit qu’on lise tout Proust à chaque fois, en tout cas on relit certains fragments, peut-être jamais les mêmes, peut-être on saute toujours les mêmes, qui sait, c’est une chimie mystérieuse —, mais enfin disons que c’est une œuvre que, beaucoup d’entre nous, nous habitons toute la vie. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que dans la vie, quand il nous arrive des choses personnelles, à tout instant nous retrouvons une espèce de déjà-dit en Proust, et souvent Continuer la lecture de Proust l’avait déjà noté

Bientôt minuit

(…) Bientôt minuit. C’est l’instant où le malade, qui a été obligé de partir en voyage et a dû coucher dans un hôtel inconnu, réveillé par une crise, se réjouit en apercevant sous la porte une raie de jour. Quel bonheur ! c’est déjà le matin ! Dans un moment les domestiques seront levés, il pourra sonner, on viendra lui porter secours. L’espérance d’être soulagé lui donne du courage pour souffrir. Justement il a cru entendre des pas ; les pas se rapprochent, puis s’éloignent. Et la raie de jour qui était sous sa porte a disparu. C’est minuit ; on vient d’éteindre le gaz ; le dernier domestique est parti et il faudra rester toute la nuit à souffrir sans remède.

Du côté de chez Swann – Marcel Proust

 

Du côté de chez soi

Après le « Longtemps, je me suis levé de bonne heure » publié le 23 avril dernier qui contait dans le détail ma vaine recherche d’un lever de soleil à l’Ouest, voici une nouvelle tentative de description de ma petite madeleine à moi (déjà publiée le 23 août 2014).

Longtemps, je me suis levé de bonne heure pour m’asseoir à ma table de travail, alors qu’un premier rayon de soleil hésitant venait poser sa tache de lumière tremblante et dorée sur le bois bruni du vieux meuble, entouré et comme écrasé par ces épaisses tentures et ces lourds rayonnages qui ployent sous la charge d’oeuvres que je n’ai pas créées, accablé par la perspective d’une morne journée d’un travail fastidieux que serait l’écriture de mes souvenirs de jeunesse, dont je savais par avance que je n’aurais pas la force de l’achever.

Vers le milieu de l’après-midi de l’une de ces journées où la chaleur humide succède à l’averse attendue et annonce déjà la lassitude qui ne manquera pas de me gagner lorsque viendra l’heure du gouter, je tressaillis soudain : une odeur, étrangère et connue tout à la fois, venait de parvenir à mon cerveau sans que je puisse déterminer la raison véritable de l’émotion qu’elle y provoquait. D’où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Je respirai une nouvelle fois cet effluve si particulier sans y découvrir davantage que la première fois.

Je me tournai alors vers mon esprit et recherchai dans ses méandres ce que pouvait m’évoquer ce parfum encore léger, mais déjà obsédant. J’étais sur le point d’abandonner mon effort, poussé en cela par cette paresse naturelle de l’esprit quand il s’agit de Continuer la lecture de Du côté de chez soi

La vieillesse est un naufrage

Morceau choisi

La vieillesse est un naufrage

Non seulement au lieu de sa barbe à peine poivre et sel, il s’ était affublé d’une extraordinaire barbe d’une invraisemblable blancheur, mais encore tant de petits changements matériels pouvant rapetisser, élargir un personnage et bien plus changer son caractère apparent, sa personnalité, c’était un vieux mendiant qui n’inspirait plus aucun respect qu’était devenu cet homme dont la solennité, la raideur empesée était encore présente à mon souvenir et il donnait à son personnage de vieux gâteux une telle vérité que ses membres tremblotaient, que les traits détendus de sa figure habituellement hautaine ne cessait de sourire avec une niaise béatitude. C’était évidemment la dernière extrémité où il avait pu être conduit sans en crever ; le plus fier visage, le torse le plus cambré n’étaient plus qu’une loque en bouillie, agité de-ci de-là. À peine, en se rappelant certains sourires de M. d’Argencourt qui jadis Continuer la lecture de La vieillesse est un naufrage

Il y a cent ans, le 10 décembre

Il y a cent ans aujourd’hui, c’était le 10 décembre 1919.

Le 10 décembre 1919, à 14 heures, dans un salon du premier étage du restaurant Drouant, au 18 de la rue Gaillon, l’Académie Goncourt attribue au troisième tour de scrutin son dix-septième prix au roman de Marcel Proust « A l’ombre des jeunes filles en fleurs » par six voix contre quatre qui vont aux « Croix de bois » de Roland Dorgelès.

A cette heure précoce, Proust n’est pas encore réveillé et d’ailleurs, il ne sait même pas que c’est ce matin que les Goncourt devaient se réunir. Comme il n’a plus le téléphone depuis longtemps, c’est Gaston Gallimard, Léon Daudet, Jacques Rivière et Jean-Gustave Tronche qui grimpent au Continuer la lecture de Il y a cent ans, le 10 décembre

La phrase de Proust

Si vous voulez savoir ce que je pense de Marcel Proust, allez lire ma critique « Ne lisez jamais Proust !« 

Mais  si vous voulez savoir ce que Paul Morand pensait de la longue phrase caractéristique du petit Marcel, lisez ce qui suit:

« Cette phrase chantante, argutieuse, raisonneuse, répondant à des objections qu’on ne songerait pas à formuler, soulevant des difficultés imprévues, subtile dans ses déclics et ses chicanes, étourdissante dans ses parenthèses qui la soutiennent comme des ballons, vertigineuse par sa longueur, surprenante par son assurance cachée sous la déférence, et bien construite malgré son décousu, vous engaine dans un réseau d’incidents si emmêlés qu’on se serait laissé engourdir par sa musique si l’on n’avait été sollicité soudain par quelques pensées d’une profondeur inouïe ou d’un comique fulgurant. »

Si vous voulez un bel exemple de la phrase proustienne, cliquez sur Proust à longueur de phrase