Archives mensuelles : novembre 2017

Flaubert à Constantinople

Entre 1849 et 1852, Flaubert effectue un long périple en Orient. Pendant le voyage, il écrit énormément de lettres, dans lesquelles il raconte tout, vraiment tout. Dans cette lettre datée d’Athènes, il raconte Constantinople. Visionnaire, Gustave ? Pas tant que ça ! En tout cas, il n’avait pas prévu Erdogan ! Ni le reste !

Lettre de Flaubert à Louis Bouilhet (1)
Athènes, au Lazaret (2) du Pirée (3),19 décembre 1850. Jeudi

(…) Dans un autre lupanar (4) nous avons baisé des Grecques et des Arméniennes passables. —La maison était tenue par une ancienne maitresse de notre drogman (5). On était là chez soi. Au mur, il y avait des gravures tendres, et les scènes de la vie d’Héloïse et d’Abélard (6) avec texte explicatif en français et en espagnol. —Ô Orient, où es-tu ? — Il ne sera bientôt plus que dans le soleil. A Constantinople (7), la plupart des hommes sont habillés à l’européenne, on y joue l’opéra, il y a des cabinets de lecture, des modistes, etc. ! Dans cent ans d’ici, le harem (8), envahi graduellement par la fréquentation des dames franques, croulera de soi seul, sous le feuilleton et le vaudeville. Bientôt, le voile, de plus en plus mince, s’en ira de la figure des femmes, et le musulmanisme avec lui s’en ira tout à fait. Le nombre de pèlerins de La Mecque (9) diminue de jour en jour. Les ulémas se grisent comme des Suisses.  On parle de Voltaire (10) ! Tout craque ici, comme chez nous. Qui vivra s’amusera ! (11) (…)

Notes

1— Ecrivain,1822-1869, ami et « conscience critique » de Flaubert. Il est l’inspirateur de « Madame Bovary » à partir d’un fait divers normand.
2—Etablissement d’isolement, de quarantaine
3—Port d’Athènes
4—Bordel
5—Interprète
6—Couple célèbre, passionné et dramatique
7—Istanbul
8—Résidence des concubines d’un personnage important
9—Ville sainte en Arabie saoudite
10—Ecrivain philosophe français
11—C’est agaçant, toutes ces notes, vous ne trouvez pas ?

Les nouvelles aventures de William Shakespeare (8)

La date exacte de la rencontre entre Walrus Carpenter et William Shakespeare reste imprécise. Selon le professeur Adderley Sleepsmouth, elle se situe à la fin de l’année 1599, probablement entre la Toussaint et la Saint-Damase. Ce dont ce bon vieil Adderley est certain, c’est que c’était un mercredi.

A cette époque, Shakespeare était en panne d’inspiration. Deux ans auparavant, il avait écrit dans la foulée Richard II et Richard III. L’histoire d’Angleterre ne lui fournissant plus de Richard, il décida d’entreprendre une nouvelle saga sur les Henri. En moins de soixante-douze semaines, il écrivit et produisit sur scène Henri IV, Henri V et Henri VI. Mais les Henri commençaient à lasser le public et l’audience de la série diminuait d’un épisode à l’autre. Et puis William lui-même en avait assez de ces héros récurrents : après Henri VI viendrait forcément Henri VII, puis Henri VIII et pourquoi pas Henri IX pendant qu’on y était ? Il se résolut donc à abandonner les Henri. Et c’est pour cette raison que, depuis au moins une semaine et demie, il n’avait rien écrit de valable, si ce n’est deux alexandrins —et en français s’il vous plait — dont on sait ce qu’il advint (voir les Nouvelles Aventures de W.S. n°4). Bref, William n’écrivait plus. Le Cygne de Stratford-Upon-Avon rongeait sa plume de désespoir et ne buvait pratiquement plus que du thé tiède à peine infusé. Il ne se nourrissait que de fameuses grouses aux petits pois et ce n’était que d’une main molle qu’il continuait à lutiner Emma (Emma Gussip – 1561-1643), la servante de l’auberge du Cygne et de la Cheminée (voir la note n°1 des N.A.W.S. n°2). Bref, il dépérissait.

Walrus Carpenter, lui, était en pleine forme. Tout lui réussissait. Sa jeune épouse Continuer la lecture de Les nouvelles aventures de William Shakespeare (8)

Ah ! Les belles boutiques – 18

Pharmacie Lhopitallier
3 rue Soufflot Paris 5ème

Voici un exemple raté de conservation de vitrine de magasin. La pharmacie Lhopitallier ornait depuis toujours le haut de la rue Soufflot de ses grands bocaux remplis de liquides multicolores. Ses rayonnages en bois étaient chargés de pots de faïence portant des inscriptions abrégées et mystérieuses, calligraphiées en lettres étranges.
Elle a disparu depuis quelques années, remplacée par une de ces boutiques interchangeables de mode féminine sophistiquée, en l’occurrence « maje ».
On a sans doute imposé au nouveau commerçant de conserver la façade, probablement classée. Il l’a fait, mais visiblement avec mauvaise volonté, au strict minimum. Jugez-en vous-même. C’est d’une tristesse. Un restaurant MacDonald aurait sans doute fait mieux.

La série « Ah ! les belles boutiques »
L’objectif : rendre hommage aux commerçants qui réussissent à conserver l’aspect traditionnel de leur façade de magasin, et les encourager à persévérer.
Le contenu : une photo de la devanture d’un magasin, avec si possible l’adresse et, très éventuellement, un commentaire sur la boutique, ou son histoire, ou son contenu, ou sur l’idée que s’en fait le JdC.

AND TOMORROW, WALRUS CARPENTER MEETS WILLIAM SHAKESPEARE, BE THERE !

L’Univers, ses lois, ses principes et autres âneries (3)

temps de lecture : deux minutes 

Je sais, je sais : cet article a déjà été publié le 14 octobre dernier. C’était une erreur. Comme quoi, le Journal des Coutheillas est soumis, comme le reste de l’Univers, à la Loi de Murphy.

Désolé, mais pour cette troisième leçon, il n’y aura aucune autre création littéraire que l’accumulation de formulations diverses de cette loi universelle, plus pesante que la loi  de la gravitation, plus puissante que la loi du plus fort, plus couteuse que la loi du marché, plus dangereuse que la loi de la jungle et plus hasardeuse que la loi des grands nombres, je veux parler de la loi de Murphy, loi selon laquelle toute entreprise humaine est vouée au mieux au ratage, au pire à la catastrophe.  

Je dois dire qu’après avoir examiné toutes ces formulations, c’est la dixième et dernière que je préfère.

La loi de Murphy (et quelques dérivées)
Edward A.Murphy ­—1918-1990— ingénieur en aérospatiale américain

Première formulation
S’il existe au moins deux façons de faire quelque chose et qu’au moins l’une de ces façons peut entraîner une catastrophe, il se trouvera forcément quelqu’un quelque part pour emprunter cette voie.

Deuxième formulation
Tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera nécessairement mal.

Troisième formulation
Le pire est toujours certain.

Quatrième formulation
S’il y a la moindre possibilité pour que ça rate, ça ratera ; s’il n’y en a aucune, ça ratera quand même. (1)

Cinquième formulation
Une tartine beurrée tombe toujours sur le côté beurré (2)

Sixième formulation
La perversité de l’univers tend vers un maximum (3)

Septième formulation
A la fin, tout tourne mal ; si ça semble s’arranger, c’est que ce n’est pas encore la fin.

Huitième formulation
D’abord les ennuis s’additionnent, ensuite ils se multiplient. (4)

Neuvième formulation
L’erreur est humaine, mais pour provoquer une vraie catastrophe, il faut un ordinateur. (5)

Dixième formulation
Murphy était un optimiste (6)

Et maintenant, essayez de passer une bonne journée !

Notes

  • 1—Loi de Finagle
  • 2—Loi de la tartine beurrée
  • 3—Corollaire de O’Tool
  • 4—Loi de Deniau
  • 5—Loi de Turnaucka
  • 6—Commentaire de O’Tool

Princesse palatine : 1-La cour 

Princesse palatine : 1-La cour 

Si vous ne savez plus très bien qui était la princesse palatine, reportez-vous à la note de bas de page. Sinon, lisez directement cet extrait de sa correspondance.

14 décembre 1676
Saint Germain

Je vous supplie de bien vouloir me pardonner si je suis restée une éternité sans vous écrire. D’abord je suis allé à Versailles, où nous étions occupés toute la journée. Depuis le matin jusqu’à trois heures de l’après-midi, l’on chassait ; en revenant de la chasse, on changeait le costume et l’on montait au jeu, où l’on restait jusqu’à sept heures du soir ; puis on allait à la comédie, qui ne finissait qu’à dix heures et demie du soir ; après la comédie on soupait ; après le souper venait le bal qui durait jusqu’à trois heures du matin, et alors seulement on allait se coucher. Je vous laisse à penser si j’avais le temps d’écrire. Depuis que je suis de retour d’ici, je voulais chaque jour vous répondre ; mais j’en étais constamment détournée, surtout par les ennuyeuses visites que m’a values ma chute de cheval. Il faut que je vous conte cette histoire : (…)

Mais ce sera pour une autre fois, Princesse…

Note

Lorsqu’elle arrive d’Allemagne à la Cour de Louis XIV en 1672 en tant qu’épouse du frère du Roi, Elisabeth-Charlotte du Palatinat a 20 ans. Par son mariage, cette princesse palatine devient Madame, duchesse d’Orléans. Voici le portrait qu’en faisait Saint-Simon :
« Madame tenait beaucoup plus de l’homme que de la femme ; elle était forte, courageuse, Allemande au dernier point, franche, droite, bonne, bienfaisante, noble et grande en toutes ses manières ; petite au dernier point sur tout ce qui regardait ce qui lui était dû : elle était sauvage, toujours enfermée à écrire, dure, rude, se prenant aisément d’aversion ; nulle complaisance, nul tour dans l’esprit, quoiqu’elle ne manquât pas d’esprit ; la figure et le rustre d’un Suisse; capable avec cela, d’une amitié tendre et inviolable. »

 

ET DEMAIN, LA LOI DE MURPHY

¿ TAVUSSA ? (33) Le Domestikator

Je vais vous parler du Domestikator.

Le Domestikator est une « sculpture-habitat » de Monsieur Van Lieshout. Selon la plupart des commentateurs, elle représente un homme en train de sodomiser un animal, probablement un chien. Mais selon Le Monde, toujours mieux informé, il s’agit plutôt d’un couple en position de levrette. L’œuvre est de couleur rouge, elle pèse trente tonnes et fait ses douze mètres de hauteur. Tout de même !

Elle devait être présentée dans les jardins du Louvre dans le cadre de la FIAC 2017. Mais voilà, le Louvre a refusé, au grand scandale de l’artiste et de tous les tenants du n’importe quoi. Alors, le Centre Pompidou s’est dit prêt à l’accueillir sur son esplanade. « C’est une grande victoire pour la liberté d’expression… « , a dit Van Lieshout en flamand, « … et pour la promotion de la zoophilie. », a-t-il ajouté in petto, car il parle également cette langue.

Je vais prendre maintenant devant vous le risque, et me donner le ridicule, de commenter non pas cette décision du Louvre de ne pas accepter Domestikator dans ses jardins, mais l’œuvre elle-même. Je suis conscient qu’en faisant cela, je donne dans tous les panneaux dressés par les créateurs et les promoteurs de l’œuvre, panneaux qui consistent à critiquer, protester contre ou rigoler de cette installation et, ce faisant, se ranger soi-même parmi les beaufs, les conservateurs, les réactionnaires, et pourquoi pas les fachos.

J’ai toujours trouvé ridicule l’architecture que j’appelle expressive, je veux parler de celle Continuer la lecture de ¿ TAVUSSA ? (33) Le Domestikator