Un peu déçu, je compris à la lecture de cet article de Vanity Fair que ce n’était pas chez Lawford que je trouverai les réponses à mes questions. Bien qu’il ait divorcé depuis longtemps de Patricia et bien que John F. et Robert aient disparus peu d’années après Marylin, pouvais-je en attendre davantage d’un ex-membre de la puissante famille Kennedy ?
Les mémoires de Jack Clemmons devait s’avérer beaucoup plus intéressantes.
En août 1962, Jack Clemmons venait d’avoir 38 ans et il était sergent dans la police de Los Angeles, le fameux LAPD. Il termina sa carrière en tant que chef de la police municipale de Fort Myers en Floride où il prit sa retraite pour y mourir en 1998. Quelques années auparavant, il avait fait paraître un livre de souvenirs intitulé « Say good by to the President ». C’est de ce livre que j’ai tiré l’essentiel des informations que je reproduis ci-dessous.
Diplômé en droit de New-York University en 1947, le jeune Clemmons obtint un emploi au FBI. Après une formation complémentaire de six mois à Quantico, il effectua quelques missions banales en Californie en tant qu’adjoint d’un agent confirmé. A cette époque, l’inamovible directeur du FBI, J. Edgar Hoover, avait la ferme conviction qu’Hollywood était un nid d’espions communistes, souvent juifs et toujours dépravés. Il avait donc infiltré un petit nombre de ses agents dans le LAPD. Ces taupes du FBI étaient chargées de lui transmettre tout ce qu’au cours de leur service de flic ils pouvaient recueillir comme informations sur les turpitudes de ce monde gauchiste et décadent du show-business. Hoover disait que cela lui permettait de mieux assurer la sécurité intérieure des États-Unis dont il avait la charge. Ce qu’il ne disait pas, c’est qu’il en profitait pour constituer tout un tas de dossiers secrets remplis d’anecdotes croustillantes qu’en cas de nécessité il pourrait utiliser contre les stars et les pontes du cinéma. Los Angeles était loin d’être la seule grande ville à bénéficier d’un tel traitement. Les polices de Washington DC, New-York, Chicago, Miami et la Nouvelle-Orléans étaient infiltrées de la même manière.
Au bout de quelques mois, à l’issue d’un processus de sélection dont il dit n’avoir même pas eu conscience, Clemmons se vit proposer une affection d’agent infiltré dans le LAPD. C’était presque aussi bien payé et beaucoup moins dangereux qu’une infiltration dans une famille maffieuse. Clemmons accepta. En une douzaine d’années de service dans la police de Los Angeles, il remplit ses fonctions de flic de terrain avec conscience et honnêteté et son rôle d’agent infiltré demeura d’autant plus insoupçonné qu’il ne fut que très rarement mis à contribution. Il gravit tranquillement les échelons hiérarchiques depuis « Officier de Police de niveau 1 » jusqu’à Sergent, grade qu’il atteint en août 1960. Et puis survint la nuit du 4 août. Elle devait changer sa vie. Au début du mois d’octobre, il fut promu capitaine et muté en Floride.
Le chapitre 6 de ses mémoires relate en détail sa soirée du 4 aout et la nuit qui s’en suivit :
« Le lendemain était un samedi et mon tour ne commençait qu’à 4 p.m. J’avais une bonne partie de la journée devant moi. Je passai un coup de fil à Meg et lui proposai de l’emmener du côté de Ratner Beach. Il n’y aurait sûrement pas trop de monde et on pourrait nager, se dorer au soleil, déjeuner chez Rubio, un petit restaurant mexicain non autorisé installé dans une baraque en planche, et peut-être même faire une petite sieste avant que je reprenne mon service. Elle accepta sans manières. Je passai la prendre à son petit appartement de Culver City et tout se passa comme prévu, agréablement, gentiment. Deux minutes avant 4 heures, je remontai dans ma voiture et passai un appel radio pour signaler ma prise de service. Ce jour-là, mon boulot c’était de tirer des bords entre Ocean et Western avenue. Dans ces quartiers de L.A., plutôt chics, c’est ce qu’on nous demande, à nous, les flics en voiture : rouler lentement, impassibles, sereins, le coude à la portière, les Ray-ban sur le nez et la casquette sur la nuque, montrer qu’on est là et que s’il se passe quelque chose, un clodo qui fait du chambard, une voiture pourrie en excès de vitesse, une dame en panne d’essence, un citoyen au volant imbibé d’alcool, on interviendra au mieux des intérêts des contribuables. Ils aiment ça, les contribuables de cette partie de la Cité des Anges. Ça les rassure, ils ont l’impression d’en avoir pour leur argent, de vivre en sécurité dans une ville tout ce qu’il y a de policée. Mais ils ne savent pas, ils ne veulent pas savoir qu’à moins de six miles au sud, il y a des milliers de laissés pour compte qui leur feraient la peau, ou tout au moins les poches, pour peu qu’on leur en donne l’occasion. Dans la police, tout le monde sait que ça chauffe. On nous dit de la fermer, qu’on ne sait pas si ça va vraiment se produire, alors pourquoi inquiéter les gens, pas vrai ? Nous, on sent bien que ça chauffe et qu’un jour, ça va péter. Mais visiblement, ça n’était pas pour cette belle journée de cet été 62.
Il était dix heures à peine passées et je m’ennuyais ferme sur Ocean Avenue. Encore trois heures à tirer avant de rejoindre Meg à Culver City. Depuis quelques minutes, j’avais repéré une vieille bagnole, une Hudson toute poussiéreuse qui traînait dans le quartier.
Dans la partie nord de L.A., une vieille voiture, c’est déjà rare, mais si en plus elle est sale, sans lumières et immatriculée en Arizona, c’est carrément suspect ; ou alors, c’est un bouseux de cow-boy à la recherche d’une bonne fortune. Comme j’en avais marre de rester assis sur ma banquette, je décidai de contrôler la voiture. La routine … Juste de quoi m’occuper un peu.
A l’intérieur, il y avait une bande de jeunes types. Ils étaient six, l’air fatigué. Quand j’ai demandé au conducteur de me montrer son permis de conduire, ce jeune crétin m’a refilé un gigantesque permis français avec un billet de cent dollars glissé dedans. Ce n’était pas la première fois qu’on voulait m’acheter mais, même si j’avais accepté les pots de vin, j’aurais refusé celui-là tellement il était maladroit. Ces gars-là avaient quelque chose à cacher, de la drogue probablement. Je décidai d’embarquer tout le monde au commissariat de Butler Avenue. Mais je ne l’ai pas fait parce que c’est à ce moment-là que ma vie a basculé.
Ça a commencé avec le crachotement de ma radio de bord. On m’appelait. Je suis retourné à ma voiture et j’ai pris le micro :
«— Clemmons. Qu’est-ce qu’il y a ?
— Ici Marietta, je repète, Marietta. Bonjour Victor. Quelle heure est-il chez vous ?»
Victor, à l’époque, c’était mon nom de code au FBI, et Marietta, ça voulait dire que c’était quelqu’un de la maison mère qui m’appelait. C’était la première fois depuis au moins trois ans que le FBI me contactait directement de cette manière. J’ai répondu selon les formes convenues :
« — Ici Victor. Bonjour Marietta. Il est 10 :17 mais ici il ne pleut pas.
— OK Victor. Ceci est un code Alamo 1. Combien de temps pour vous rendre au 12305 5th Helena Drive à Brentwood ?
— 6 à 8 minutes maximum.
— OK Victor. Allez-y immédiatement. Des instructions suivent. Je répète 12305 5th Helena Drive à Brentwood. Code Alamo 1. Confirmez.
— OK Marietta. 12305 5th Helena Drive. Brentwood. Code Alamo 1. Terminé. »
Alamo 1, ça voulait dire urgence absolue, prioritaire sur toute autre mission. L’urgence, c’était peut-être bien du bidon parce que je n’ai jamais reçu de mission, qu’elle soit urgente ou pas, pour la quelle on m’aurait dit « T’en fais pas Jack, c’est pas pressé ! » Alors, aller à Brentwood, c’était peut-être urgent, peut-être pas. Sur place, ce serait peut-être l’affaire de quelques minutes ou peut-être de toute la nuit. Je ne savais pas vraiment quoi faire avec les six bonshommes qui m’attendaient dans leur Hudson. J’hésitai à les laisser courir parce que ça m’ennuyait vraiment de laisser tomber une probable affaire de drogue. Comme je ne pouvais pas les prendre tous dans ma voiture et que j’étais quand même un peu pressé, j’ai fait monter le conducteur à l’arrière avec son sac et j’ai dit aux autres de disparaitre. J’ai tout allumé, j’ai mis la sirène et j’ai fait marche arrière pour sortir en trombe sur Ocean. Ensuite, j’ai pris vers l’est sur San Vicente pour foncer vers Brentwood.
Deux minutes plus tard, la radio s’est remise à cracher :
«—Victor, ici Marietta. Votre situation ?
— OK Marietta. Je suis à quatre minutes de Brentwood.
— OK Victor. Voici vos instructions : l’actrice Marylin Monroe est décédée par suicide chez elle à l’adresse indiquée. Faites les constatations d’usage et assurez-vous qu’un dictaphone a bien été retrouvé dans sa chambre. Saisissez l’appareil comme pièce à conviction. Faites le devant témoin. Ceci est impératif. Confirmez immédiatement l’acquisition du dictaphone. Code Alamo 1, je répète, code Alamo 1. Confirmez ! »
J’ai confirmé que j’avais bien compris : Marylin s’était suicidée et sur place, il faudrait jouer mon rôle de flic normal, sanctuariser les lieux, faire les constatations, interroger les témoins tout en faisant mon boulot d’agent double en cherchant un dictaphone. Pour quoi il faudrait faire tout ça, je n’en avais aucune idée. Je me disais que je ne le saurais probablement jamais, mais qu’avec Marylin et tous les pontes qui tournaient autour, ce devait être drôlement important. Deux minutes plus tard, j’entrai dans 5th Helena drive. Il était 10 :34 p.m.
A SUIVRE
Est ce le décès de Bernard Pivot?Sans doute , car le JDC c’est notre Bouillon de culture, quotidien , à portée de clic , consultable en tout lieu…
Je décidai donc ce matin de renouer le fil avec Go West: je l’avoue , j’ai des blancs , mais j’ai plongé confiante : j’ai eu raison : commence aujourd hui les mémoires de Jack Clemmons , agent LAPD appelé sur les lieux du suicide de Marilyn.
J’arrive à temps…
Ne serait ce l’absolue certitude que le plagiat est impossible , on reste confondu par l’aisance avec laquelle l’auteur nous replonge avec force détails dans ces années 60…
Tiens quand j’arriverai à me faire accepter par Amazon, ce sera mon cinq étoiles pour GO West