Archives mensuelles : octobre 2014

Les Indésirables (Critique aisée 37)

Les emails d’alerte « Les nouveaux radars routiers sont cancérigènes« , les rumeurs « Sarkozy était le premier amour de Ségolène« , les bouteillons « Pour ne plus payer d’impôts, changez de nom« , les « Faites tourner, c’est important !« , les « Il faut que les gens sachent! » , les « Il est temps que ça cesse!« , les « on nous dit rien« , les « on nous cache tout« , les théories de complots des grands contre les petits, des brunes contre les blondes, de Paris contre la Province, des verts contre les bleus, des ronds contre les carrés, et autres perpétuelles, permanentes paranoïas pathétiques, je n’en peux plus.

Avec ce genre de produit, Internet a remplacé la conversation de café du commerce, la brève de comptoir, celle que l’on dégustait le matin au zinc entre un résultat de football Continuer la lecture de Les Indésirables (Critique aisée 37)

Il y a cent ans, le caporal Coutheillas…(6)

MarcelinJournal de Marcelin Coutheillas 10 octobre 1914
10 Octobre            Cette nuit, il est tombé une pluie glaciale sur le petit poste. Nous avons entendu à une centaine de mètres la reprise de Monchy à la baïonnette. Après sept nuits sans sommeil, la fatigue est telle que nous dormons malgré tout, à même la boue. Quand le jour se lève, nous rentrons à Pommier, où on nous fait creuser des tranchées toute la journée. Arrivé au cantonnement, je m’endors comme un loir. A mon réveil, j’apprends des infirmiers que Maximin est mort. C’était un bon camarade.

Entre le 11 et le 21 octobre, c’est la routine. Bombardement, tranchées, repos, bombardement, tranchées….
A suivre
Prochaine édition le 22 octobre

Il y a cent ans, le caporal Coutheillas… (5)

MarcelinJournal de Marcelin Coutheillas 9 octobre 1914

9 Octobre     Il gèle fort. Dans la nuit, nous entendons une forte fusillade vers Monchy. C’est le 26ème et le 29ème Territorial qui reprennent Monchy, pris par les Allemands pendant la même nuit.
A 9 heures et demi, j’accompagne le fourrier jusque dans Berles. A ce moment, les obus commencent à tomber. Ils tomberont jusqu’à 7 heures du soir.
J’ai vu des choses terrifiantes. Un obus tombe dans une cave où nous faisions la cuisine. Le bilan est terrible : 24 morts, 11 blessés. Dans la tranchée qui précède la mienne, 4 morts, le sergent Roques et trois autres du 29ème, 6 morts dans la cour où se faisait la distribution des vivres.
Je tente d’apporter le pain aux tranchées pendant une accalmie, mais quand j’arrive devant le Calvaire, il tombe un obus qui fait un trou énorme dans la chaussée. J’abandonne la brouette et le pain et je rejoins une tranchée toute proche.
J’assiste à la reprise de Monchy par les Allemands et à la retraite des nôtres sur Berles. Entre les deux villages, la plaine est continuellement bombardée par l’artillerie allemande et balayée par leurs mitrailleuses. On voit les nôtres qui tombent sans pouvoir leur porter secours. L’infanterie allemande n’ose pas poursuivre dans la plaine les soldats français qui se replient.
Avec l’homme qui était resté avec moi en sentinelle lors de notre nuit à Hannescamps, un sous-officier et moi sommes les trois seuls soldats valides dans Berles. Aidés par quelques habitants, nous relevons une trentaine de blessés, nous les pansons et les plaçons sur des charrettes. Il n’y a pas de place pour tous et nous devons en laisser quelques-uns sur la route. Ils nous supplient de les emmener. Je n’ai jamais tant souffert. Je pleure.
A 9 heures, nous quittons Berles à pied avec la dernière charrette disponible.
Aujourd’hui, j’ai réellement eu peur.
Plus tard dans la nuit, on me place en petit poste (poste avancé devant la première ligne de tranchée dont la fonction est de surveiller l’adversaire et de prévenir ses attaques surprises) sur la route entre Berles et Pommier.
A suivre
Prochaine édition le 10 Octobre

Il y a cent ans, le caporal Coutheillas…(4)

MarcelinJournal de Marcelin Coutheillas 7 et 8 octobre 1914
7 Octobre              3 heures du matin : alerte. Il gèle blanc. Je reçois un ordre pour effectuer une patrouille en avant des tranchées. J’éprouve un certain frisson. Il fait absolument noir et, malgré le froid, je suis absolument trempé de sueur. Je crois que les copains sont dans le même état.
A 6h30, nous sommes de retour dans la tranchée et le soleil se lève sur une belle journée. Notre artillerie travaille, mais les Allemands ne répondent pas.
Un Taube (avion autrichien) passe plusieurs fois au-dessus de nous.
A 5 heures, l’artillerie bombarde Monchy et Ransart. Le spectacle est splendide.

Le 8 octobre est une journée calme, bombardement, creusement des tranchées, avion autrichien tombé dans les lignes.
A suivre
Prochaine édition le 9 octobre

May I introduce Winston ? (Critique aisée 36)

Puis-je vous présenter  un jeune auteur : Winston Leonard Spencer-Churchill?
Que le fait qu’il ait été pas mal soldat, fréquemment ministre et énormément chef de gouvernement ne vous trompe pas sur ses qualités d’écrivain.
Que le fait qu’il ait été prix Nobel de littérature ne vous dissuade pas d’en entreprendre la lecture.
Tous ses écrits – discours, articles, essais, mémoires – se lisent comme des romans (sauf son unique roman qui se lit comme un pensum).

Quand j’ai pris ma retraite il y cinq ans (déjà!), je me suis lancé dans la lecture de ses Mémoires de Guerre. Je ne les ai lâchées qu’à la toute fin, pour passer aux Mémoires de Guerre de De Gaulle. Évidemment, Charles, c’est bien, c’est même très bien. Mais vouloir le comparer sur le plan littéraire à Winston, c’est comparer Jules César à Homère ou Corneille à Shakespeare.

Je suis vite revenu à W.C. L’ouvrage suivant sur lequel je suis tombé était « Mes jeunes années« . Et ça, c’est extraordinaire. « Mes jeunes années », c’est Tintin à la Guerre des Boers, c’est Spirou aux Indes…

J’avais d’abord pensé conclure ce petit mot par une ou deux citations du bonhomme, car il en a faites énormément (et on lui en attribue encore bien davantage), mais, après tout, allez donc les chercher vous-mêmes dans le texte.

Allez ! Au boulot !…

 

Il y a cent ans, le caporal Coutheillas… (3)

MarcelinJournal de Marcelin Coutheillas du 3 au 7 octobre 1914
Après quelques jours de tranquillité à Amiens, Marcel écrit:

Et puis le 3 octobre arrive et c’est la dure misère qui commence.

Après une marche de 42 kilomètres, il rencontre les premiers blessés.

4 octobre               Ce matin, j’ai vu les blessés et parlé avec eux. A 9 heures nous partons pour Ayette, mais, entre-temps l’ennemi a occupé le village. Nous nous arrêtons à Hannescamp, à 5 ou 6 kilomètres de notre point de départ. On déjeune et on prend position sur les crêtes. Aussitôt, c’est le baptême du feu. Maximin et trois autres de mes camarades sont grièvement blessés. Je reste en avant-poste sur la route jusqu’à la nuit, puis nous nous replions vers l’Est sur Pommier où nous arrivons à 10 heures du soir. Je ne crois pas m’être rendu compte des dangers courus depuis le début de l’après-midi. Je suis resté seul avec un homme en sentinelle sans éprouver la moindre frayeur, mais plutôt l’excitation du chasseur à l’affut dans l’attente du gibier. Au fond de moi, je suis plutôt content d’être là. Est-ce que cela va durer ?

Les soldats sont trempés et gelés, le canon tonne, mais ils ne sont pas au feu. Marcel écrit :

Nous assistons à un duel d’artillerie superbe. On peut voir la chute de tous nos obus.

A suivre
Prochaine édition le 7 octobre