Il y a cent ans, le caporal Coutheillas… (5)

MarcelinJournal de Marcelin Coutheillas 9 octobre 1914

9 Octobre     Il gèle fort. Dans la nuit, nous entendons une forte fusillade vers Monchy. C’est le 26ème et le 29ème Territorial qui reprennent Monchy, pris par les Allemands pendant la même nuit.
A 9 heures et demi, j’accompagne le fourrier jusque dans Berles. A ce moment, les obus commencent à tomber. Ils tomberont jusqu’à 7 heures du soir.
J’ai vu des choses terrifiantes. Un obus tombe dans une cave où nous faisions la cuisine. Le bilan est terrible : 24 morts, 11 blessés. Dans la tranchée qui précède la mienne, 4 morts, le sergent Roques et trois autres du 29ème, 6 morts dans la cour où se faisait la distribution des vivres.
Je tente d’apporter le pain aux tranchées pendant une accalmie, mais quand j’arrive devant le Calvaire, il tombe un obus qui fait un trou énorme dans la chaussée. J’abandonne la brouette et le pain et je rejoins une tranchée toute proche.
J’assiste à la reprise de Monchy par les Allemands et à la retraite des nôtres sur Berles. Entre les deux villages, la plaine est continuellement bombardée par l’artillerie allemande et balayée par leurs mitrailleuses. On voit les nôtres qui tombent sans pouvoir leur porter secours. L’infanterie allemande n’ose pas poursuivre dans la plaine les soldats français qui se replient.
Avec l’homme qui était resté avec moi en sentinelle lors de notre nuit à Hannescamps, un sous-officier et moi sommes les trois seuls soldats valides dans Berles. Aidés par quelques habitants, nous relevons une trentaine de blessés, nous les pansons et les plaçons sur des charrettes. Il n’y a pas de place pour tous et nous devons en laisser quelques-uns sur la route. Ils nous supplient de les emmener. Je n’ai jamais tant souffert. Je pleure.
A 9 heures, nous quittons Berles à pied avec la dernière charrette disponible.
Aujourd’hui, j’ai réellement eu peur.
Plus tard dans la nuit, on me place en petit poste (poste avancé devant la première ligne de tranchée dont la fonction est de surveiller l’adversaire et de prévenir ses attaques surprises) sur la route entre Berles et Pommier.
A suivre
Prochaine édition le 10 Octobre

Une réflexion sur « Il y a cent ans, le caporal Coutheillas… (5) »

  1. Le contraste: ‘aller en guerre et y être’ est fascinant! Très édifiant témoignage d’une émouvante sobriété.

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