Archives de catégorie : Citations & Morceaux choisis

Intelligence ? Artificielle ou magique ? 

(…) À la question « Les IA vont-elles un jour pouvoir expliquer comment elles prennent leurs décisions ? », les technologues répondent que cela n’arrivera jamais, que les modèles se révéleront fiables, dignes de confiance et qu’il faudra s’en contenter.
Comme le Dieu de Kirkegaard, l’IA ne peut être pensée en termes purement rationnels. Le seul moyen d’entrer en relation avec elle est de faire un acte de foi. Sa grande promesse est de prévoir, même si on ne comprend pas. Les technologues ne voient pas où est le problème. Puisqu’ils ne s’intéressent ni à l’histoire ni à la philosophie, ils ne se rendent pas compte que leur proposition équivaut à un retour à l’époque d’avant les Lumières, à un monde magique, incompréhensible, régi par l’IA que l’on priera comme les dieux de l’Antiquité. 

Giuliano da Empoli – L’heure des prédateurs – 2025

Vous devriez vraiment le lire, ce livre…

Ultime check-list

Henry Kissinger, Prix Nobel de la Paix 1973, a été Secrétaire d’État sous les Présidents Richard Nixon et Gerald Ford.  Dans son dernier livre, Le temps des prédateurs, Giuliano da Empoli écrit à son propos : 

 « Du rôle de conseiller, il connaissait intimement les jouissances et la frustration. C’est comme être « dans la position d’un homme assis à côté d’un conducteur qui se dirige vers un précipice et à qui l’on demande de s’assurer que le réservoir d’essence est plein et que la pression des pneus est adéquate », a-t-il dit un jour. »

We now have a situation…

Dans les milieux bien informés (dont vous faites bien entendu partie grâce à votre lecture quotidienne du Journal des Coutheillas), on a beaucoup dit que l’issue des dernières élections présidentielles américaines était moins le résultat d’une progression Républicaine que d’un déclin Démocrate.
Sans pour autant négliger la puissance de la coalition de la bêtise et de l’argent, je suis plutôt d’accord pour dire, avec le « on » bien informé cité ci-dessus,  que les Démocrates sont responsables du cuisant échec dont nous n’avons pas fini de subir les conséquences. La bonne conscience qu’ils se sont donnés par leur tolérance vis à vis du Wokisme, le choix précipité de Kamala Harris comme candidate, la maladresse arrogante dont leur campagne a fait preuve, son échec malgré les colossales quantités d’argent qui y ont été Continuer la lecture de We now have a situation…

Bonnes nouvelles

« La nouvelle se porte bien1 ; elle est en train d’échapper aux périls où le roman est exposé (occupation du terrain par les écrivains philosophes, dissociation du moi, effondrement du sujet, après celui de l’objet)2. La nouvelle tient bon, grâce à sa densité. Elle garde un public vrai, celui qui ne demande pas un livre de lui servir d’aliment (un écrivain n’est pas un restaurant). Il n’y a pas de quoi se nourrir dans une nouvelle, c’est un os. Pas de place pour la méditation, pour un système de pensée. On peut tout mettre dans une nouvelle, même le désespoir le plus profond, mais pas la philosophie du désespoir. Les personnages sont cernés, gelés dans leur caractère ; ils n’ont pas le temps de tomber malade, de mourir de la maladie du roman contemporain. La nouvelle opère à chaud, le roman, à froid. La nouvelle est une nacelle trop exiguë pour embarquer l’Homme : un révolté, oui, la révolte, non. »
Paul Morand – Ouvert la nuit -Préface à l’édition de 1957

Ouvert la nuit, publié en 1921, est le deuxième recueil de nouvelles de Paul Morand (1888-1976).  Morand fut un diplomate écrivain, beaucoup plus écrivain que diplomate, antisémite, dandy, ambassadeur sous Vichy, beaucoup plus dandy qu’ambassadeur,  à ma connaissance ni condamné ni même jugé pour collaboration, mais exilé Continuer la lecture de Bonnes nouvelles

Chaque matin j’allais la voir se baigner

(…) Chaque matin j’allais la voir se baigner ; je la contemplais de loin sous l’eau, j’enviais la vague molle et paisible qui battait sur ses flancs et couvrait d’écume cette poitrine haletante, je voyais le contour de ses membres sous les vêtements mouillés qui la couvraient, je voyais son cœur battre, sa poitrine se gonfler ; je contemplais machinalement son pied se poser sur le sable, et mon regard restait fixé sur la trace de ses pas, et j’aurais pleuré presque en voyant le flot les effacer lentement.
Et puis, quand elle revenait et qu’elle passait près de moi, que j’entendais l’eau tomber de ses habits et le frôlement de sa marche, mon cœur battait avec violence ; je baissais Continuer la lecture de Chaque matin j’allais la voir se baigner

D’Alep à Paris

Les lignes qui suivent sont extraites du récit que fit Hanna Dyab, de son voyage de sa ville natale d’Alep jusqu’à Paris dans les années 1708 – 1709 alors qu’il était employé comme guide par un envoyé spécial de Louis XIV en orient. Dyab a écrit ses souvenirs de voyage dans un livre au style fleuri « D’Alep à Paris« , qui vient seulement d’être traduit de l’arabe. Ici, la sobre description d’une effrayante prison-hôpital pour enfants. Heureux temps du Roi Soleil !

(…) Il y a aussi à Paris un hôpital¹ pour les enfants insoumis, qui se trouve dans un couvent de religieux en lisière de la ville. Votre humble serviteur alla le visiter. On me fit pénétrer dans le lieu où ces enfants sont emprisonnés. Je vis une une salle allongée avec, sur toute sa longueur, une grande poutre en bois. Des anneaux en fer y sont fixés, auxquels les enfants sont attachés par une chaîne. Ils sont placés de telle façon qu’aucun d’entre eux Continuer la lecture de D’Alep à Paris

The sense of humour, goddamnit !

Ce n’est pas sans raison que les Anglais disent d’un homme qu’il a ou qu’il n’a pas le « sense of humour » – car c’est également un sens – et c’est parce que la plupart des gens s’en trouvent dépourvus qu’il est si mal considéré.  Il est vrai d’ajouter que si tout un chacun possédait le sens de l’humour, l’humour en souffrirait car, pour qu’une plaisanterie humoristique ait son plein rendement, il convient d’être trois : celui qui la profère, celui qui la comprend et celui à qui elle échappe, le plaisir de celui qui la goute étant décuplé par l’incompréhension de la tierce personne.

Sacha Guitry (bien sûr)

5 mai 1945, la prise du Nid d’Aigle

Hitler s’est suicidé le 30 avril. Pourtant, en ce début du mois de mai 1945, la guerre continue. Le 4, une colonne de blindés US et la 2ème D.B. de Leclerc investissent Berchtesgaden où se trouve la résidence privée du Führer. Le lendemain, en fin d’après-midi, c’est un commando français qui le premier prend possession du Nid d’Aigle, sorte de refuge de luxe qui surplombe Berchtesgaden à 1700 mètres d’altitude. Il y a donc 80 ans aujourd’hui, le drapeau français était planté sur le point culminant de l’Allemagne nazi. 

Ce qui s’est réellement passé Continuer la lecture de 5 mai 1945, la prise du Nid d’Aigle

Poutine, Trump, Cortés et Cie

Quand les premières nouvelles du débarquement d’Hernan Cortés,  parvinrent à la capitale de l’Empire aztèque, Moctezuma II convoqua immédiatement ses plus proches conseillers. Quelle attitude adopter face à ces visiteurs inattendus arrivés d’on ne sait où à bord de curieuses cités flottantes ?
Certains estimèrent qu’il fallait repousser les intrus sur-le-champ. Il n’aurait pas été difficile pour les troupes impériales de venir à bout de quelques centaines d’impudents qui avaient osé pénétrer sur les terres de la Triple Alliance sans y être invités. « Oui, mais », dire les autres. D’après les premiers rapports sur les étrangers, ceux-ci semblaient dotés de pouvoirs surnaturels : ils étaient entièrement recouverts de métal, contre lequel se cognaient les fléchettes les plus acérées. Ils chevauchaient de grandes bêtes, comme des cerfs, qui leur obéissaient au doigt et à l’œil. Et surtout, ils maîtrisaient le souffle de feu et le tonnerre de sarbacanes leur permettant de tuer tous ceux qui s’opposaient à leur volonté. Et si, au lieu de barbares impudents, il s’agissait de dieux ? Et si leur chef, blanc, barbu, Continuer la lecture de Poutine, Trump, Cortés et Cie