« La nouvelle se porte bien1 ; elle est en train d’échapper aux périls où le roman est exposé (occupation du terrain par les écrivains philosophes, dissociation du moi, effondrement du sujet, après celui de l’objet)2. La nouvelle tient bon, grâce à sa densité. Elle garde un public vrai, celui qui ne demande pas un livre de lui servir d’aliment (un écrivain n’est pas un restaurant). Il n’y a pas de quoi se nourrir dans une nouvelle, c’est un os. Pas de place pour la méditation, pour un système de pensée. On peut tout mettre dans une nouvelle, même le désespoir le plus profond, mais pas la philosophie du désespoir. Les personnages sont cernés, gelés dans leur caractère ; ils n’ont pas le temps de tomber malade, de mourir de la maladie du roman contemporain. La nouvelle opère à chaud, le roman, à froid. La nouvelle est une nacelle trop exiguë pour embarquer l’Homme : un révolté, oui, la révolte, non. »
Paul Morand – Ouvert la nuit -Préface à l’édition de 1957
Ouvert la nuit, publié en 1921, est le deuxième recueil de nouvelles de Paul Morand (1888-1976). Morand fut un diplomate écrivain, beaucoup plus écrivain que diplomate, antisémite, dandy, ambassadeur sous Vichy, beaucoup plus dandy qu’ambassadeur, à ma connaissance ni condamné ni même jugé pour collaboration, mais exilé pour une dizaine d’années en Suisse, pour finalement être élu à l’Académie Française en 1968.
Morand a connu tout le monde : Proust, Cocteau, Giraudoux, Chardonne, Nimier…« Un homme méprisable, mais quel écrivain ! » a dit de lui Pierre Assouline, qui poursuivait :« Dès Ouvert la nuit, il {Morand} trouve la note juste : vitesse, densité, brièveté. Pas de gras, une écriture à l’os, un rythme syncopé. Ses formules, jamais gratuites, font mouche. »
Pour illustrer le style de ses formules, Assouline cite celle de Morand à propos de Jean d’Ormesson, « Un écrivain mis en bouteille au château ». Pas mal, non ?
Note 1 : Ce n’est plus vrai. La nouvelle ne se porte plus bien du tout. Et pourtant, à l’ère du tweet et du sms, on s’attendrait à la voir fleurir. Eh bien non, alors qu’aux USA la nouvelle reste un genre favori, chez nous elle est invendable.
Note 2 : Ce que Morand a mis dans cette parenthèse, ce sont les dangers qui, selon lui, menaçaient le Roman dans les années 50 et 60. Si nous en avons fini, et Dieu merci, avec les Butor du Nouveau Roman, le roman demeure sous d’autres menaces : l’abondance et même la prépondérance, jusque dans les prix littéraires, des biographies, auto-biographies, auto-fictions, reportages, essais sur des évènements historiques, etc… tous romans qui n’en sont pas vraiment ou pas du tout.
UN coup de fil pour rien ?
Hier matin, notre ami Archibald de la Cruz annonçait que l’entretien Trump/Poutine serait « une merveilleuse conversation téléphonique, amicale et tout, célébrée par Trump au cours laquelle Poutine aura promis de faire une nouvelle proposition avant la fin juin. »
Un coup de fil pour rien, donc.
Pas tout à fait, car :
1) il a donné encore un peu plus de temps à Poutine
2) Trump ne mentionne même plus le mot sanction