We now have a situation…

Dans les milieux bien informés (dont vous faites bien entendu partie grâce à votre lecture quotidienne du Journal des Coutheillas), on a beaucoup dit que l’issue des dernières élections présidentielles américaines était moins le résultat d’une progression Républicaine que d’un déclin Démocrate.
Sans pour autant négliger la puissance de la coalition de la bêtise et de l’argent, je suis plutôt d’accord pour dire, avec le « on » bien informé cité ci-dessus,  que les Démocrates sont responsables du cuisant échec dont nous n’avons pas fini de subir les conséquences. La bonne conscience qu’ils se sont donnés par leur tolérance vis à vis du Wokisme, le choix précipité de Kamala Harris comme candidate, la maladresse arrogante dont leur campagne a fait preuve, son échec malgré les colossales quantités d’argent qui y ont été injectées en sont une preuve.
L’Amérique et, par voie de conséquence, le monde entier se trouvent maintenant devant ce que les anglo-saxons appellent une situation, c’est à dire une crise.

Dans une de ses récentes et très rares interviews, Barack Obama a dit ceci :

« (…)¹ Pendant ma présidence, les libéraux se sont sentis à l’aise dans leur vertu parce qu’elle n’était pas mise à l’épreuve.  Vous pouviez  être aussi progressiste et socialement conscient que vous le vouliez sans avoir à en payer le prix. Vous pouviez continuer à gagner beaucoup d’argent, vous pouviez continuer à vous balader à Aspen et à Milan, à voyager, avoir une maison dans les Hamptons et continuer à vous considérer comme progressiste. A présent, nous avons une situation telle que nous allons tous être mis à l’épreuve d’une manière ou d’une autre et que nous allons devoir décider de ce que seront nos engagements (…)

Cette analyse de la raison essentielle de l’échec des Démocrates est à la fois brillante et évidente. C’est bien de la part de Barack Obama de la formuler et de la mettre aujourd’hui sous le nez de la classe sociale et politique dont il est issu et dont il a été le champion. Mais, durant ses huit années de présidence, augmentées des quatre années de son successeur Démocrate, n’eut-il pas fallu la faire un peu connaître, cette analyse, et surtout en tirer quelques conséquences ? N’eut-il pas fallu calmer les ressentiments des Red Necks, apaiser les angoisses du Fly Over Country, contenir un peu les lubies Wokistes ?
Eh bien, non. Ils dansaient en toute bonne conscience au pied du volcan, les Démocrates, ils n’en ont pas senti les premières secousses, ils n’ont rien vu venir, sûrs de leur vertu progressiste. 

And now, they have a hell of a situation ! 

Mais nous non plus, nous n’avons pas vu venir grand chose.
Vu d’ici, de France, de notre sous-continent affaibli, négligé, dépassé, réduit à un espace folklorique charmant à visiter mais obsolète, la société américaine telle que nous la voyions à travers les films de fiction, les reportages people, les exubérances de la jet-society, les excès des stars médiatiques et financières, ces témoignages d’aboutissement exacerbé du rêve américain, tout cela nous donnait l’impression qu’à l’exception d’un peu trop de vulgarité, tout allait bien là-bas, que cette abondance, ce gaspillage, c’était la normalité, que c’était nous qui n’avions rien compris et que l’Amérique, c’était une fois encore le pays du lait et du miel, l’Eldorado, l’accessible étoile. 

Depuis mon premier voyage aux Etats-Unis, il y a plus de soixante ans, j’ai dit à qui voulait l’entendre et à ceux qui ne le voulaient pas que nous faisions comme les Américains avec dix ans de retard. Au fil du temps, j’ai même eu tendance à réduire progressivement cet écart. Alors aujourd’hui, quel retard ? Quatre ans ? Trois ? Moins que ça ? À ce point ?

Alors, gaffe ! Prochainement, nous pourrions bien avoir une situation, nous aussi. 

¹ During my presidency, liberals felt comfortable in their righteousness because it wasn’t tested. You could be as progressive and socially conscious as you wanted and you did not have to pay a price,” he said. “You could still make a lot of money. You could still hang out in Aspen and Milan and travel and have a house in the Hamptons and still think of yourself as a progressive. We now have a situation in which all of us are going to be tested in some way and we are going to have to decide what our commitments will be.

Une réflexion sur « We now have a situation… »

  1. Oui, ce que nous avons vu du mariage Bezos à Venise est une parfaite illustration de la réflexion de Barack Obama sur le libéralisme gratuit et des commentaires y afférant qui l’accompagnent dans l’article « situation ».
    Autrefois, nous pouvions croire que cet argent dépensé, cette appropriation du patrimoine mondial, cette privatisation du domaine public, cette morgue, cette indifférence, cette indécence pour tout dire était le propre de la Droite conservatrice, digne héritière dans sa morgue de Louis XV et de sa cour, puis des financiers du Monarque, puis des Maîtres de forges. Mais, on voit qu’aujourd’hui elle n’épargne pas les créateurs géniaux de la Tech, ceux qui ont commencé dans des garages et fini dans des palais que le Marquis Nicolas Fouquet n’aurait pas reniés. Ces nouveaux riches, un temps plein de conscience sociale, ont fini par céder à la tentation : en faire baver des ronds de chapeau à la terre entière et si possible, au passage, à leur égaux tycoons.
    Mais rendons leur cette justice, autrefois libéraux, ils ont mis en conformité leur nouveau mode de vie et leur nouvelle vulgarité avec leur conscience politique : la tête couverte de cendres et porteurs de mirifiques présents, ils sont tous allés à Mar-a-Lago. Bezos le premier.

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